L’empathie menacée par Darmanin, Retailleau et le RN

L’essence du totalitarisme que cherchait à saisir Hannah Arendt et celle du fascisme contemporain se rejoignent dans un projet d’indifférence à notre humanité commune. Nous sommes en danger.
Construire l’insensibilité populaire : tel est l’horizon de l’extrême droite, aidée par la droite. La fonction du bouc émissaire qui fonde l’antisémitisme et l’islamophobie est de constituer un monde scindé en deux : l’un à laquelle appartiendrait une majorité fantasmée et l’autre, superflue, voire hostile. On y trouve pêle-mêle : les assistés, les femmes, les musulmans, les arabes, les étrangers. Deux siècles et demi après la Révolution française, dénier à autrui son égale humanité n’est pas une évidence : cela nécessite une contre-révolution que les fascistes s’attachent à mener.
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Lorsque la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon ou le député François Ruffin égrènent les prénoms de ceux qu’ils entendent défendre, ils donnent une identité à ceux que le gouvernement voit comme des statistiques responsables d’un déficit ou d’une dette. Pour préserver un statu quo qui sied aux puissants, c’est-à-dire l’état de domination de classe, de race, de genre et de sexualité, il vaut mieux chosifier les autres et ne pas les considérer comme des êtres de chair et de projets, de rires et de larmes, d’intelligence et d’histoires.
Dans un pays travaillé par la République et par les religions du livre, l’inhibition de l’empathie n’est pourtant pas chose aisée. Il est loin d’être évident que l’enfant qui meurt en Palestine – parce que Palestinien – puisse être considéré comme un dommage collatéral. La froideur aussi glaçante que déconcertante de cette vision donne la nausée autant que le vertige. Pourtant, toute une partie du champ médiatique et politique verse dans ce récit.
L’actuelle obsession discriminatoire à l’encontre des femmes musulmanes voilées est relancée : on veut les humilier en leur refusant d’accompagner les sorties scolaires de leurs enfants ; on veut les écarter de toute pratique sportive.
Cette sape de l’empathie s’exerce à d’autres endroits : dans la stigmatisation des étrangers portée comme un étendard par plusieurs ministres, il faut voir la méticulosité raciste avec laquelle ils tentent de nous faire admettre qu’il n’existe pas d’humanité commune. Ceux qui meurent dans la Méditerranée ne peuvent blâmer que leur choix de vouloir la traverser illégalement ; ceux qui arrivent jusqu’en France sont placés, enfants compris, dans des Centres de rétention administrative aux conditions qui dérogent à justice de base. Et nous, nous sommes supposés les enjamber ou les ignorer dans une violence qui nous détruit sans même nous en rendre compte.
L’actuelle obsession discriminatoire à l’encontre des femmes musulmanes voilées est relancée : on veut les humilier en leur refusant d’accompagner les sorties scolaires de leurs enfants ; on veut les écarter de toute pratique sportive. Gérald Darmanin, Bruno Retailleau ont-ils déjà parlé et regardé dans les yeux une femme musulmane qui faisait du basket avec un voile ? Ou plutôt, qu’y ont-ils vu ? Probablement rien. Certainement pas des femmes avec des espoirs et des rêves, des envies et des désirs. C’est leur absence d’empathie qui permet à Darmanin et Retailleau d’avancer comme des bulldozers, au nom d’un pragmatisme dégueulasse et d’un populisme répugnant.
Ces infâmes sont les symptômes d’un totalitarisme qui ne cesse de croître : ils mettent en place un système qui efface la réalité de l’humanité et construisent un monde dépourvu de capacité à juger moralement. Au nom de cette bureaucratie assassine et de cette idéologie du pire, ils voudraient nous emmener avec eux dans un abîme que le monde européen a déjà expérimenté. Veillons et armons-nous en pensée.
C’est l’islamisme qui prend les femmes pour cibles, non pas ceux qui le combattent.