Le procès mal posé de la violence des jeunes

Le meurtre de Louise alimente la folle machine, du danger des jeux vidéos au durcissement de la réponse pénale… Pour endiguer le mal, il faut sortir du cercle du populisme répressif et réactionnaire.
La petite Louise, 11 ans, a été sauvagement tuée d’une vingtaine de coups de couteau alors qu’elle rentrait de l’école à Épinay-sur-Orge (Essonne) vendredi dernier. Le principal suspect, Owen, 23 ans, identifié par des images de vidéosurveillance de la voie publique, confondu par son ADN retrouvé sur la victime, est passé aux aveux. Le mobile avancé par l’auteur présumé de ce crime ignoble a été révélé lors d’un point presse par le procureur d’Evry : un racket qui aurait mal tourné. Pris d’un accès de colère suite à une altercation numérique avec un joueur en ligne d’un jeu vidéo, Owen serait sorti pour évacuer son énervement.
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Dans un débat public enflammé, plusieurs sujets ont fait surface : la pratique assidue de jeux vidéo, le fait qu’Owen avait déjà été l’auteur d’un vol et que sa petite sœur de 19 ans avait déposé une main courante à son encontre pour violences. Rappelons qu’il n’existe à ce jour aucune étude qui établit de corrélation entre la pratique de jeux vidéo et la violence. Mais rappelons aussi la nécessité de lutter contre l’air vicié de l’époque : un premier nom de l’auteur présumé des faits, jeté en pâture dans le débat public, avait une « consonance étrangère » et a donné lieu à un déchaînement raciste.
Pour autant, la question de la violence des jeunes demeure même si elle n’est pas en croissance (la part des mineurs mis en cause pour homicide reste stable) : la multiplication des faits divers dramatiques recoupe les inquiétudes du corps enseignant comme des familles. Lorsqu’un enfant – ou un jeune adulte – est en voie de déscolarisation ou de désocialisation, quand il commence à présenter des signes de violence, que faire ? La capacité d’une société à prévenir les sorties de route criminelles est l’un des paramètres de sa solidité. Mais pour cela, il faut que le maillage soit dense pour ne pas laisser les uns ou les autres dans des solitudes sans issue.
Augmenter les peines pour prévenir délits et crimes repose sur des fantasmes. Le problème est ailleurs : la protection judiciaire de la jeunesse a encore subi un plan social en 2024, les suivis psychologiques, lorsqu’ils sont prescrits, sont rarement appliqués, la psychiatrie est à l’abandon, les associations d’accompagnement sont asphyxiés… Ce sont toutes les structures qui font tenir notre société qui périclitent.
L’État peut beaucoup mais ne peut pas tout. La direction prise par l’exécutif est catastrophique car de très courte et mauvaise vue. La proposition de loi portée par Gabriel Attal sur un durcissement de la justice des mineurs est un exemple de ce qu’il ne faut pas faire : augmenter les peines pour prévenir délits et crimes repose sur des fantasmes. À l’étranger, certaines législations sont plus répressives (notamment dans les dictatures) et pourtant, leurs sociétés n’en sont pas moins criminogènes. Le problème est ailleurs, notamment dans l’application des décisions des juges : la protection judiciaire de la jeunesse a encore subi un plan social en 2024, les suivis psychologiques, lorsqu’ils sont prescrits, sont rarement appliqués, la psychiatrie est à l’abandon, les associations d’accompagnement sont asphyxiés… Ce sont toutes les structures qui font tenir notre société qui périclitent.
Une des promesses républicaines, c’est de permettre la réinsertion dans la société après un délit ou un crime. C’était l’un des moteurs de l’opposition à la peine de mort mais aussi à la prison à perpétuité. Évidemment, l’idée qu’une personne puisse changer, notamment par l’action de l’État, de spécialistes, d’associations et de l’entourage, est parfois particulièrement compliquée à envisager tant les crimes commis sont horribles. Mais personne n’a affirmé que la possibilité de la République était chose aisée : c’est aussi un combat, qui mérite d’être mené en ces temps où le plus vil populisme répressif et réactionnaire semble être l’alpha et l’oméga qui tient lieu de projet pour la France.
Les meilleures pistes pour résoudre l’équation : la formation, l’instruction et l’éducation . Ces pistes concernent les encadrants ( enseignants, assistants sociaux et éducatifs, parents,…) et les enfants eux-mêmes. Ensuite, il faut sortir des spirales négatives de la société valorisées par l’´ultra libéralisme de Trump, Musk, Bolloré, Arnault, Stérin et Cie et par l’extrême droite : haine de l’autre, conservatisme religieux, nationalisme,, etc…Enfin, il est indispensable de prendre de front les questions du changement climatique et des multi pollutions.
Bonjour , merci pour cet article, je partage votre analyse, l’état de la protection judiciaire de la jeunesse est catastrophique, 30 adolescents en difficulté, avec des parcours de vie traumatiques, pour une éducatrice. Les moyens ne sont pas donnés pour aider les jeunes ou les enfants ayant des troubles du comportement. Il existe pourtant des projets qui ont montré des résultats, seulement il s’agit de créer des structures de plus petite taille pouvant accueillir et accompagner les jeunes dans une compréhension d’eux mêmes et une transformation. Les situations d’adversité et de trauma ont un impact certains sur le cerveau, on parle de plus en plus de trouble développementale du cerveau, c’est à dire comment le cerveau modifie certaines parties du cerveau, qui se construit par étage. Il y a certaines phases clés du développement du cerveau. Intervenir dans la protection de l’enfance par des programmes adaptés, donnant les moyens aux professionnels pour réaliser ces programmes, modifie la structure du cerveau. Voir à ce propos le rapport sur les milles premiers jours . Je pense aussi à un psychologue qui a travaillé dans une institution reconnue dans la protection de l’enfance et qui avait organisé des séjours dans un lieu de vacances pour deux jeunes ayant des troubles du comportements violents, ils étaient deux professionnels pour deux jeunes, les résultats les avaient surpris tellement ces jeunes avaient changé leur comportement au retour de ce court séjour. Les idées, les solutions existent, les moyens manquent. Ce jeune homme qui tue cette petite fille est symptomatique de la violence de l’Etat, qui consiste à nous confronter à des paradoxes en permanence. Pourquoi il n’a pas été pris en charge par la psychiatrie, qu’est ce que la police a fait suite aux plaintes de sa sœur ? La police qui accompagne et protège serait une aide, celle qui réprime sans réflexion est tyrannique et dangereuse. Au service de qui est la police ?
Bravo, une fois de plus, pour cet article d’une grande pertinence. De mon côté, il me semble que plusieurs phénomènes se percutent. 1°) Une augmentation statistique, et donc factuelle en effet, des violences graves chez les mineurs pour différentes raisons régulièrement et à juste titre invoquées (le trafic de drogue, les réseaux sociaux, la misère sociale, la démission du ou des parents complètement dépassés, etc) 2°) La tendance actuelle des gouvernants (ministres, députés, etc) à promouvoir le « tout répressif » y compris pour des raisons électoralistes afin de possiblement récupérer une partie de l’électorat du rassemblement national 3°) Le déficit budgétaire abyssal de l’Etat qu’on peut, entre autres, imputer à la stratégie du ruissellement qui manifestement se révèle être un échec cuisant. Combien de milliards perdus entre la suppression de l’ISF, la suppression de la taxe d’habitation qui a surtout profité aux catégories aisées (j’imagine le montant de la TH pour un duplex de 250 m² dans le 16ème), le crédit impôt recherche (*) qui bénéficie à des groupes qui génèrent des milliards de bénéfice redistribués en grande partie à des actionnaires également particulièrement aisés, et sans compter les niches fiscales que constituent par exemple les réductions d’impôt pour l’emploi à domicile (abattement de 50 % jusqu’à 12.000 € par an = environ 6 milliards par an). Quel délire ! En attendant, la protection de l’enfance est dans une situation dramatique, personne n’en parle, mais c’est un drame « boomerang » en devenir. Des milliers d’enfants ne sont plus placés ni suivis faute de moyens et de combattants. Quasiment plus d’infirmières dans les établissements scolaires qui pourtant permettaient de détecter les adolescents en mal-être et susceptibles d’être suivis. J’écoutais également un reportage sur la police de proximité qui aurait eu des effets bénéfiques quoi qu’en disent certains. Bref, il semblerait que la répression coûte moins chère que la prévention … dramatique constat. Quadrature du cercle ? AU SECOURS !
BRAVO à Pablo (toujours d’une rare élégance) pour sa participation aux émissions de BFMTV, au moins un autre regard sur l’actualité ! Et bravo aussi, du coup, à BFMTV qui œuvre, mine de rien, à la diversité !
(*) je travaillais dans un PME qui bénéficiait du CIR pour un dossier totalement pipé monté par un cabinet d’avocats.