Le monde d’avant Trump n’est plus une option

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Le président américain n’est pas une anomalie mais un produit logique d’un système en crise. Vouloir revenir à l’avant-Trump, c’est refuser de voir ce qui l’a rendu possible.

Donald Trump bouleverse la donne mondiale en jouant avec les droits de douane de son pays. Les annonces quasi quotidiennes d’augmentation ou de mise en pause des augmentations grèvent puis dopent les cotations boursières mondiales dans des montagnes russes qui ne présagent rien de bon. Au fondement de son action qui est tout sauf erratique, il y a une double ambition. D’abord celle de mener un bras de fer qu’il espère gagnant avec les autres Etats ou groupes d’Etats comme l’Union européenne : si mondialisation il doit y avoir, ce sera selon les modalités des Etats-Unis de Trump. C’est la raison pour laquelle il se vante de traiter en bilatéral avec de nombreux chefs d’Etats ; fort de la puissance américaine, de cette manière, il pense pouvoir tirer la couverture à lui.

La deuxième ambition est à la base de sa réélection en novembre dernier : le président américain cherche à apporter une solution à la crise sociale que traverse le pays depuis des années. En effet, les Etats-Unis, comme de nombreux pays occidentaux, souffrent d’une désindustrialisation qui va croissant, accélérée depuis la crise des subprimes de 2008. Structurellement, les Etats-Unis ont accumulé ces dernières décennies, une dette extérieure très importante… que l’augmentation potentielle des taux d’intérêt menace. Et, comme le rappelait l’économiste Julia Cagé au micro de France Inter, « pour Trump, le bouc émissaire, c’est l’étranger », il veut donc le forcer à payer.

Lors de l’annonce de l’augmentation des droits de douane ce lundi, il a donné la parole à un symbole de cette situation : un ouvrier en gilet jaune fluo de la région de Detroit qui avait perdu son emploi à la suite de la fermeture du site de son entreprise. Ce dernier a rappelé l’espoir qu’incarnait Trump ; l’espoir, au fond, de retrouver une vie digne qu’il avait perdue. Retrouver un travail et la possibilité d’un avenir, voilà l’offre républicaine – seulement, c’est dans les pires conditions qui soient : prédation de la nature et des corps, xénophobie, creusement des inégalités. Mais en surface, l’objectif de Trump, c’est de rétablir une balance commerciale excédentaire, c’est-à-dire refaire des Etats-Unis un pays exportateur plus qu’importateur. 

Face à cela, la tentation du retour à la situation pré-Trump est grande. Certains imaginent que les mid-terms, prévus dans un an et demi, pourraient changer la donne en replaçant le pouvoir du Congrès dans les mains des Démocrates. Il s’agit d’un voeu pieu s’il n’est pas construit et l’objet d’une lutte. Les capitalistes américains les plus fortunés commencent déjà à se rapprocher de l’establisment du parti d’opposition pour dealer « un retour à la normale ». Mais à la normale de quoi au juste ? La normale de pouvoir continuer d’accumuler les milliards sur le dos des travailleurs du monde entier et à polluer la planète jusqu’à ce que sa mort s’en suive ? Si tel était le chemin choisi, ce serait une terrible impasse qui ne comprend pas la réalité des dynamiques politiques à l’oeuvre.

Trump n’apporte pas la bonne réponse à une question qui demeure donc pertinente voire brûlante. La mondialisation néolibérale telle qu’elle se construit depuis des années a des effets délétères sur les populations, effets qui les poussent dans les bras des populismes d’extrême droite. A gauche, les propositions s’étoffent : l’antifascisme passe par un approfondissement des enjeux de cette crise aiguë que traverse le capitalisme. Car ne nous y fions pas : contrairement à ce que certains pensaient ou pensent encore aujourd’hui, le capitalisme ne s’autodétruira pas parce qu’en soi, il est mortifère ; il est agile et en permanente transformation. Ce que fait Trump l’attaque autant qu’il va le conforter. Il faut construire l’alternative. Dans l’urgence.

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