L’Amérique est notre ennemi, comment lui faire face ?

Donald Trump a donc fait ce qu’il annonçait. Il a augmenté drastiquement les droits de douane. C’est une décision considérable qui va produire un chaos mondial. Que peut-on en dire ce jour ?
La décision américaine d’augmenter fortement et unilatéralement les droits de douane a de multiples ressorts. Parmi les premiers, il y a des objectifs politiques. Chaque jour nous le voyons, Trump veut instaurer une dictature, sous une forme ou sous une autre. Pour cela, il lui faut galvaniser ses troupes. Dans un style masculiniste, il montre à son électorat qu’il agit. Lui, il en a. Il avait promis de renverser la table ; c’est chose faite.
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La totalité des équilibres et des politiques d’après-guerre sont attaqués. Après la remise en cause du multilatéralisme et du droit, après les prétentions impériales (Canada, Groenland, Panama, Ukraine…), après l’affirmation d’une politique anti-climat et inégalitaire, il s’en prend frontalement au commerce mondial.
Majoritairement, l’électorat populaire américain ne voit plus ces décennies de mondialisation comme une chance. Le libre échange a permis une croissance économique dont ils ont peu profité, en même temps qu’il maltraitait toutes les sociétés. Les Américains, et pas seulement le président, jugent que cela a contribué à l’écroulement de la base productive et à la destruction des emplois : Trump leur a promis de rétablir l’industrie et ses emplois. De plus, il a annoncé la suppression de l’impôt sur le revenu et l’affaissement de l’État fédéral : la politique douanière doit y contribuer.
Si ce qui se passe est bien un processus de fascisation des États-Unis, il faut cesser de les considérer comme nos alliés et retrouver l’esprit de dignité et de résistance.
La seconde raison est d’ordre stratégique. Trump s’alarme de la perte de la prééminence américaine au bénéfice de la Chine – et il n’est ni seul ni isolé dans son pays. Pour rétablir cette prééminence, y compris vis-à-vis de ses alliés, il emploie la force et l’intimidation. Il multiplie les chocs et vise la sidération. Hier soir sur Fox News, le secrétaire d’État au trésor le disait clairement : « Ne répliquez pas. Détendez-vous, encaissez le coup et attendez de voir comment la situation évolue. Car si vous ripostez, il y aura une escalade. »
La décision de remonter les droits de douane, par son ampleur et sa soudaineté, va provoquer un chaos considérable. Elle engendrera de l’inflation, de la récession et des pertes d’emploi massives. Une guerre économique et sociale est en marche. Et au bout de ce chemin, il y a la guerre tout court.
Comment réagir ? Il est vain d’attendre une réponse à la hauteur de l’UE. Il n’y en aura pas parce que l’Europe n’a pas de politique commune au sens de visées communes ; il n’est plus temps de le regretter. Pas plus que sur les questions de défense, il n’y a d’accord sur les politiques économiques ou sur la position à tenir vis-à-vis des États-Unis. Dejà Giorgia Meloni, la première ministre d’extrême droite italienne, appelle à accepter la vassalisation et dit vouloir « parvenir à un accord avec les États-Unis, afin d’éviter une guerre commerciale qui affaiblirait inévitablement l’Occident au profit d’autres acteurs mondiaux ». Les Anglais sont eux aussi sur la recherche d’un deal qui les épargne. Tout ceci n’est qu’un début. Chacun va chercher à négocier pour se protéger au mieux.
Si ce qui se passe est bien un processus de fascisation des États-Unis, il faut cesser de les considérer comme nos alliés et retrouver l’esprit de dignité et de résistance.
La France doit parler net et chercher à construire un accord ferme et le plus large possible avec les autres pays européens, sans s’en remettre aux initiatives timorées de la Commission, elle-même soumise aux vents contradictoires. La réorientation des productions et des échanges en Europe – et au-delà, vers une diversité de pays – ne se fera pas en un jour : les moyens du pays doivent être mobilisés pour faire face au choc économique violent qui s’annonce et engager un processus de réindustrialisation, de relocalisation et de coopération. Il faut faire de la politique avec les peuples européens, partager l’analyse grave de ce qui se passe : fascisation, destruction des règles et du droit, nécessité de reconstruire un nouvel ordre mondial. Refuser la guerre, cela suppose de résister à celle que nous fait Trump.
L’ Amérique est notre ennemi… à bien des égards ce titre est « problématique » ! De quelle Amérique est-il question ? De Trump et de son gouvernement ? Des multinationales de la tech, de la chimie, de l’industrie de l’armement etc. ? Des travailleurs de la Rust Belt ? Des prolétaires de South Central à Los Angeles ? Des déclassés de Newark ? Eux tous seraient désormais nos ennemis ? Avec de telles extravagantes généralités, on encourt deux risques : 1) se condamner à l’impuissance puisque le syntagme « l’ Amérique est notre etc. » rend impossible la désignation des responsabilités à l’oeuvre dans les processus en cours (en ce sens il est vide) et donc d’organiser la riposte ; en clair, ce n’est pas « l’Amérique notre ennemi » mais les puissances capitalistes américaines , et ce n’est vraiment pas la même chose !! 2) favoriser subrepticement, sans y prendre garde, les postures « patriotiques » à la Lombard (le ministre appelant au patriotisme des entreprises françaises…) ou plus franchement nationalistes ; l’histoire de la « gauche » témoigne de la possibilité de ces dérives dont l’une des dernières en date était le catastrophique « produisons français ». Et substituer à France le nom d’Europe ne change rien à l’affaire. En effet, ce qu’entend défendre la Commission ce ne sont pas les intérêts de l’Europe (dont ne ne sait pas trop ce qu’ils peuvent signifier , ceux des salarié-e-s pas exemple ? on est en droit d’en douter!), mais ceux des multinationales à base européenne. Au fond, pour le dire rapidement, ce qui se joue dans la politique Trumpienne des droits de douane (initiée lors de son précédent mandat et poursuivie par J.Biden) c’est à une violente exacerbation des concurrences entre puissances impérialistes confrontées depuis plus d’une décennie à un problème majeur de rentabilité du capital. La séquence que nous vivons correspond sans doute à un vaste mouvement de dévalorisation du capital (séquence qui excède le calendrier électoral et n’est pas réductible à l’hypothèse Trumpienne même si elle lui donne une coloration spécifique). Dans cette perspective ce ne sont pas nos « champions » nationaux, ni les « champions » américains, allemands, chinois, russes indiens qui paieront le coût de de cette nouvelle et intense crise de rentabilité mais les salarié-e-s, les précaires, les immigrés,etc. Même si la situation actuelle ne s’y résume évidemment pas et si elle intègre de nombreuses autres dimensions, oblitérer la lutte de classes comme opérateur déterminant de la situation c’est rendre cette dernière inintelligible et commettre conséquemment une erreur stratégique.
Fabrice Sacher
Bonjour,
vos propos me laissent dubitatif sur le fond de votre pensée.
Vous dites : « Si ce qui se passe est bien un processus de fascisation des États-Unis, il faut cesser de les considérer comme nos alliés et retrouver l’esprit de dignité et de résistance. ».
– Pourquoi se poser la question de la fascisation des États-Unis d’Amérique ? Peu importe que le modèle de gouvernance qui se met en place est peu ou prou ressemblant à ce qui s’est passé en Italie il y a un siècle. S’il la constitution des États-Unis d’Amérique ne permet à aucun contre-pouvoir de modérer ou contrecarrer les décrets de Trump, on peut dire que c’est un autocrate, un dictateur, un despote.
– Il faut dire les choses comme elles sont : un homme, très riche, aidé par quelques personnes immensément riches, qui possèdent ensemble un pouvoir immense, un homme a pris le pouvoir et entend en faire ce qu’il veut, détruire ce qui pourrait former un « contre-pouvoir » par l’éducation et la connaissance, détruire toute forme de comportement déviant de la sacro-sainte domination du masculin sur le féminin en excluant tout autre possibilité de genre, « protéger » son pays économiquement de manière à « devenir riche, plus riche que jamais ! » (dixit Trump lui-même), etc.
– « Donald Trump a donc fait ce qu’il annonçait. ». Il a bien été élu pour faire ça, non ? Pourquoi s’en priverait-il ? La constitution des États-Unis d’Amérique lui permet de faire ça. Il reste donc dans les limites de la « démocratie », non ?
– Nul doute que la médiocrité et la brutalité exprimée aujourd’hui dans les mots et les décrets se transmettra un jour dans des actions physiques violentes de la police et de la garde nationale, voire de l’armée. Totalitaire, oui, fasciste ou en cours de le devenir, peut-être, mais pourquoi se poser la question : c’est un fait !
– « Il faut cesser de les considérer comme nos alliés, qui représente ce « nos » ? Est-ce la France dans sa globalité, la république française, le gouvernement français, le peuple français ? De même, qui seraient ces « alliés » : le peuple, le gouvernement ou le président des États-Unis d’Amérique ?
– Avec qui voulons-nous nous allier ? Le peuple des États-Unis d’Amérique ou ses dirigeants qui démocrates ou républicains sont tous pour le capitalisme, brutal ou non, qui exploite les travailleurs et s’enrichissent toujours de plus en plus ?
– Devons nous nous plaindre de la confrontation des capitalistes européens aux lois économiques des États-Unis d’Amérique ?
– Devons nous nous plaindre de la mésalliance des gouvernants européens avec celui des États-Unis d’Amérique ?
– A qui devons nous résister ?
– Il faut résister aux capitalistes de tous bords, américains, asiatiques, africains ou européens qui, eux, se relèveront toujours parce qu’ils continueront de s’enrichir sur le dos des travailleurs qu’ils continueront d’exploiter.
« Partager l’analyse grave de ce qui se passe : fascisation, destruction des règles et du droit. » Les capitalistes ont fait les règles et le droit : ils sont libres de les défaire !
« Refuser la guerre, cela suppose de résister à celle que nous fait Trump. » : au moins dans toutes l’Europe, il y a des Trump en devenir, impatients et écumant. Donc, il faut résister à tous les capitalistes et à leurs valets de droite et d’extrême-droite.
Il faut redonner la dignité aux travailleurs en leur redonnant conscience et fierté d’appartenir à une classe qui n’est pas celle qui se dispute le pouvoir et les milliards, le pouvoir pour le pouvoir, le pouvoir pour les milliards, les milliards pour toujours plus de milliards.
« Il faut faire de la politique avec les peuples européens. ». Mieux : « Il faut faire de la politique avec les peuples de tous les pays. ».
Oui, oui, 177 ans après, nous en sommes toujours au MÊME POINT DE DÉPART : Prolétaire de tous les pays, unissez-vous !
Cordialement.