Bardella est-il fake ?

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La newsletter du 6 novembre 📨

par Catherine Tricot

Jordan Bardella se prépare. Et il serait fou de le sous-estimer, de le réduire à un simple rôle de créature médiatique biberonné aux éléments de langage. Sa candidature pourrait bien nous faire passer du rire aux larmes.

Certes on peut légitimement rire quand il juge que « Chateaubriand est le plus grand auteur français ». Sérieux ? Qui peut même croire que Jordan Bardella, jeune homme du 21ème siècle, a lu Chateaubriand ? Et qu’il a une telle culture littéraire qu’il peut toute l’embrasser et l’évaluer ?

On peut se gausser de son vocabulaire suranné, de ses formules toutes faites. On peut le juger ridicule et précieux quand il se décrit comme « courtois et élégant », qu’il est fake quand il porte de façon aléatoire des lunettes supposées lui conférer davantage de sérieux, qu’il se moque de nous quand il vante la « valeur travail » sans en avoir aucune idée personnelle… Oui, Jordan Bardella endosse un rôle : il est très jeune et veut jouer au vieux singe. Il sait bien que son inexpérience le dessert et que beaucoup de Français le voient avec scepticisme à l’Élysée. Lui, détenteur de l’arme nucléaire !? Folie.

Beaucoup ont alors vu dans l’inéligibilité de Marine Le Pen un sursis offert. Jordan Bardella est une créature médiatique et un tiktokeur. Il n’a aucune crédibilité. Si ce n’est elle, alors la voie est libre pour tous les autres.

Mais si on se donne la peine de l’écouter dans les longues interviews que les sondages et la sortie de son livre lui offrent, alors… Jordan Bardella est intelligent et a construit, avec son entourage, une cohérence solidement d’extrême droite. Il promet d’être « le pays le plus répressif d’Europe » et annonce la remise en cause du droit du sol. Il affirme vouloir passer outre le conseil constitutionnel et soumettre à référendum une révision de la constitution. Il envisage avec lucidité les troubles à l’ordre public que tout cela occasionnerait. Il est prêt.

Il vitupère les éoliennes pour leur caractère intermittent et se place au côté des paysans supposés pro-pesticides. Il prétend parler au nom de tous ceux qui ne peuvent que voter et retourner travailler dès le lundi. Il parle au nom de leur rancœur contre les assistés. Il veut cesser de subventionner les « sciences molles » (sic) et valoriser dès le collège les filières manuelles : comme la terre, pour Jordan Bardella, le travail manuel ne ment pas. Il affirme que l’on croule sous « l’enclume des taxes et des normes » et sert ainsi un discours calibré pour séduire les entrepreneurs, les investisseurs, les décideurs, sans écarter les travailleurs.

Il joue sur tous les tableaux : sa proximité avec François-Xavier Bellamy des LR et son maniement des réseaux sociaux. Il travaille concrètement à l’absorption des Républicains et à la séduction d’une jeunesse en quête de normalité et de stabilité.  

Jordan Bardella se prépare à devenir président avec la bénédiction d’une partie de la droite, des patrons, avec la protection de Bolloré et l’effacement progressif de Marine Le Pen. D’ores et déjà, il envisage de se présenter dans le Sud pour siéger à l’Assemblée nationale en lieu et place de la présidente de groupe inéligible. Il se rêve en chef, en homme providentiel d’une France qu’il estime en mal d’autorité.

D’un coup tout s’organise et prend sens : Chateaubriand, la courtoisie et l’élégance, les lunettes en écaille et les costumes aux larges épaules. Jordan Bardella n’est pas un technicien, mais un homme politique cohérent et déterminé. Dans les sondages, il est déjà devant Marine Le Pen. Le switch entre les deux têtes du RN n’est pas une bonne nouvelle et assurément pas un gage de victoire pour ses opposants.

Catherine Tricot

🔴 ÉDITOS DU JOUR

Mamdani : la gauche est contente, pas les éditorialistes

Patrick Cohen, Renaud Dély et Jean Leymarie, éditorialistes politiques des trois grandes radios du service public (France Inter, France Info et France Culture) ont tous eu, ce matin, la même idée : moquer l’enthousiasme unanime de la gauche française pour l’élection de Zohran Mamdani à la mairie de New York. Que disent-ils en substance ? Que chacun veut voir dans cette élection la confirmation de ses propres propositions. Pas faux. Comment l’argumentent-ils ? Avec leurs propres prismes. Pour Patrick Cohen, aucune leçon générale si ce n’est la victoire de la proximité… aucune leçon pour les Démocrates. Et d’ailleurs, Zohran Mamdani n’a pas battu un Républicain – ha bon ? Je croyais qu’Andrew Cuomo avait le soutien des milliardaires et de Donald Trump ! Pour Renaud Dély, la gauche française se pâme parce qu’elle a renoncé à la laïcité. Pour Jean Leymarie, Zohran Mamdani n’est pas « radical » mais pragmatique, élu dans une ville démocrate. Son élection n’est donc pas un événement aux États-Unis et la gauche n’a rien à en tirer. Belle unanimité. Merci messieurs.

C.T.

ON VOUS RECOMMANDE…

« Vous n’avez rien à cacher ? Tant mieux, car tous vos déplacements sont à vendre en ligne ». Une enquête de fou sur notre géolocalisation permanente – investigation menée par nos confrères belges de L’Echo, en collaboration avec Le Monde, les chaînes publiques allemandes (BR / ARD), Netzpolitik.org, et BNR nieuwsradio. On y découvre qu’absolument tous nos déplacements sont disponibles à la vente. Des données tant privées que sensibles, à la limite du secret-défense. Édifiant !


Mamdani : le souffle de la gauche emporte New York

Figure montante de la gauche démocrate, il a remporté une victoire historique face aux puissances de l’argent et à Donald Trump. Dans un discours enflammé, il a dédié sa victoire aux travailleuses et travailleurs de sa ville, celles et ceux dont « les mains abîmées n’avaient pas le droit de tenir le pouvoir », avant d’appeler son parti à « oser de grandes choses » et à rompre avec ses vieux réflexes. Un vent de gauche souffle sur New York… et au-delà.

C’EST CADEAU 🎁🎁🎁

L’intervention du député LFI François Piquemal, il y a quelques jours en commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, alors qu’était auditionné le prix Nobel d’économie Philippe Aghion. L’insoumis lui envoie quelques punchlines : pour avoir conseillé Emmanuel Macron et sa théorie du ruissellement,« il aurait mérité le Nobel de physique, puisqu’elle défie les lois de la gravité ». Mais surtout, il l’interroge : en s’opposant à la taxe Zucman, en valorisant l’IA, en prônant le technosolutionnisme face au dérèglement climatique, comment le rôle de l’économie saurait-il « être de rendre la vie abordable et le monde vivable pour les générations futures » ?

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1 commentaire

  1. Marc le 6 novembre 2025 à 11:58

    Bonjour,
    Vous êtes dure avec Jordan, Catherine.
    Le pauvre.
    Peut être qu’effectivement il a lu tout Châteaubriant.

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