LA LETTRE DU 7 MAI

« La meute » : le système LFI mis à nu
par Catherine Tricot
Après des années d’omerta au nom de l’efficacité, la violence interne du mouvement de Jean-Luc Mélenchon se révèle. Sans prise de conscience et réforme en profondeur, c’est l’idée même de radicalité qui est en péril.
Quelques jours après Complément d’enquête, La meute sort en librairie. Écrit par Charlotte Belaïch, journaliste à Libération, et Olivier Pérou, journaliste au Monde, le livre aux éditions Flammarion est une enquête de deux ans, sur 300 pages, au sujet de la vie interne de LFI. 200 personnes ont été interrogées, la plupart témoignent à visage découvert. Certains lecteurs diront qu’on n’y apprend rien. Pas sûr. Certes, la plupart des histoires ici rassemblées ont déjà eu un écho public. Beaucoup connaissent le fonctionnement a-démocratique de LFI et le caractère autocratique du couple Mélenchon-Chikirou. Mais ce qui fait rupture, c’est l’ampleur des faits rapportés. Ensemble, ils donnent la mesure du caractère systémique et toxique du fonctionnement de l’organisation.
Il se trouve encore de rares personnes pour tenter de justifier ces faits. Comme en d’autres temps, il y a des intellectuels pour endosser ce qui ne peut l’être. Par exemple, le sociologue Didier Eribon sur France culture : « Je veux bien croire qu’il y ait des problèmes de fonctionnement. Mais après tout, c’est peut-être grâce à ça que LFI a réussi ce qu’elle a réussi. Et je les admire et les soutiens pour ça ». La fin justifie-t-elle de tels moyens. Eribon use de son magistère pour le justifier à nouveau. Il ajoute : « J’ai dit à Jean-Luc Mélenchon, je garde le droit de critiquer le mouvement et de te critiquer, toi. Il m’a dit : mais bien sûr, tout le monde a le droit de me critiquer ». Mais Didier Eribon n’a pas abusé de cette liberté accordée. En dehors de ce naufrage intellectuel, ce qui domine chez les insoumis, c’est le silence.
Pourquoi ceux qui savaient, ceux qui savent, n’ont rien dit et parfois se taisent toujours ? Dès 2019, Georges Kuzmanovic et François Cocq ont été parmi les premiers exclus et parmi les premiers à révéler le régime autocratique qui régnait. Ils étaient inconnus du grand public ; leur parole a été peu entendue. C’est très récemment que Raquel Garrido et Danielle Simonnet ont à leur tour pris la parole. Jusqu’à ces derniers jours, ceux qui osaient s’exprimer en dehors du cadre ont limité leur propos à des désaccords de ligne. Aucun ne voulait « nuire à la cause » en révélant les arrière-cuisines. Ils taisaient ce dont ils avaient profondément honte et dont ils sentaient la charge explosive. Mais peut-on faire comme si la violence viriliste, l’intimidation, le harcèlement en bande organisée étaient « des moyens de réussir » une révolution citoyenne ? Comment est-il possible que l’intrinsèque contradiction n’ait pas été relevée ?
À de rares exceptions, la question de la démocratie et celle de la violence interne sont restées hors champ. Bien seule, Clémentine Autain met en garde publiquement contre la tentation de « marginaliser tous ceux qui ont une parole parfois différente du noyau dirigeant actuel » dès 2022. Coté direction, l’absence de démocratie est théorisée. En 2019, devant l’ensemble des députés et eurodéputés LFI, Jean-Luc Mélenchon assure qu’une LFI démocratique, « ce sera sans lui ». Le message est passé. Coté militants, on en souffre quelque fois… mais on l’admet. On est pourtant des décennies après les naufrages de toutes les expériences révolutionnaires faites par un noyau sans démocratie et sans participation de tous. Aucun des cadres politiques ne l’ignore. Mais qui le dit ? Doit-on comprendre que le combat en faveur de la démocratisation des institutions et la remise en cause du présidentialisme est un conte à dormir debout ?
Alors maintenant que tout ceci est sur la table, qu’attendons-nous de LFI, de ses actuels dirigeants et de ceux qui la dirigeaient hier encore ? On attend d’abord que cessent ces pénibles éléments de langage assénés par Mathilde Panot ou Manuel Bompard : « Tout cela n’est que mensonges », « ragots » et « fausses informations ». Et surtout, on attend que tous s’extraient de ces pratiques. Il n’est pas possible de continuer le déni et le cynisme bravache. Pourquoi faut-il que les insoumis crèvent cet abcès et renoncent à cette culture ? Parce qu’ils n’ont pas le choix. Bien que les situations soient sans comparaison, rappelons qu’en 1956, Maurice Thorez, alors secrétaire du PCF, n’a pas assumé les révélations des crimes du stalinisme, il a voulu cacher la réalité… Mais le réel a fini par s’imposer. Et la déstalinisation du PCF s’est faite trop lentement et dans un chaos total. Il en est résulté une mutation sans cap, une dévitalisation du communisme français et finalement un déclin irréversible du PCF.
Ce qui est aujourd’hui menacé avec cette histoire lamentable, c’est l’idée même de radicalité. LFI est une organisation de jeunes militants, parfois audacieuse, mais qui n’exprimera son potentiel que dans une dynamique interne totalement autre. Il n’est pas possible de laisser associer « radicalité des objectifs » et « immoralité politique ». C’est cela l’enjeu ultime. Il faut oser rompre les rangs ; il faut réfléchir, parler, écrire.
EFFROI DU JOUR
Israël se prépare à lancer une offensive pour occuper durablement Gaza

Dans une apathie mondiale choquante, le massacre des Gazaouis se poursuit et s’intensifie. Benyamin Netanyahou présente même clairement son plan génocidaire sur les réseaux sociaux : pérenniser la présence militaire israélienne dans l’enclave palestinienne et entasser la population à l’extrémité sud du territoire. Tout cela en empêchant toujours l’aide humanitaire d’arriver. Face à l’urgence et l’horreur de la situation, les réponses des chancelleries occidentales sont à côté de la plaque : « inquiétude » pour le nouveau chancelier allemand, « situation intenable » pour la cheffe de la diplomatie européenne, « inacceptable » pour le ministre des affaires étrangères français… Des mots qui sonnent bien creux quand c’est tout un peuple qui souffre et meurt.
P.P.-V.
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J’avoue que là ça ne devient plus supportable.
Je pense que ça tenait encore jusqu’à récemment car, jusqu’ici, 90% des attaques contre LFI étaient de mauvaise foi et qu’on pouvait mesurer à quel point le système se mettait en branle pour entraver la progression de LFI sur des bases fallacieuses.
Cela a fait que les militants qui sont restés se sont endurcis et se sont conditionnés à balayer les critiques d’un revers de manche. C’est ce dont j’ai toujours eu peur : que les M et Mme tout le monde soient dégoûtés par la violence des attaques contre nous et que cela devienne une citadelle assiégée.
Personnellement, j’ai un peu milité en 2017 et 2022, et ai vécu comme une souffrance le torrent d’accusations diffamatoires quotidiennes contre le mouvement. J’alternais les périodes de vérification et les périodes où j’essayais de faire abstraction. La quasi-totalité des fois, j’ai pu me rassurer quant au fait que les critiques n’étaient pas valides.
Cela dit, le fonctionnement interne n’a jamais été satisfaisant, même si on pouvait en comprendre la logique et le pourquoi. Et on ne peut plus ignorer les alertes – venant de personnes estimées. Le départ de Charlotte Girard a été le premier choc d’une trop longue série… Même si toujours subsistaient des doutes… Bref, LFI a fait un travail formidable, programmatique, de terrain, n’a jamais lâché sur les idées et les positionnements… Mais la gauche ne peut pas soutenir aveuglément ce type de fonctionnement. La fin ne justifie pas les moyens. La gauche est exigeante en termes de valeur et a raison de l’être.
Madame Monsieur
Bravo et enfin un livre sur un parti tyrannique l un parti racialiste , un parti anti police , un parti anti France , un parti pour les délinquants ,
Un parti pour les terroristes , un parti pour les racailles , un parti pour les narcotraficants , un parti pour la révolution communiste .
Alors quand des personnes comme Thomas Pores et le glandeur Boyard , portent plainte à la police en chialant ( oh ! On va ma décapiter
J’ ai peur ) trop drôle .
Personnellement si j’ étais policier , je les laisserais se débrouiller avec leurs potes qui les aiment tellement qu’ ils veulent leur faire des câlins .
Aucune empathie pour ces personnes et encore moins pour ses membres et son Mélanchon , des fascistes .
Bonjour,
Je m’adresse plus particulièrement Catherine Tricot.
Je me souviens vous avoir vue dans un documentaire sur Georges Marchais.
Vous y disiez des choses sur le fonctionnement du PCF.
J’ai été moi même au PC à une époque (j’ai 62 ans).
Certaines choses reprochées à LFI ressemblent à ce qui se passaient au PCF années 50-60-70, voire 80. Au moins, au PCF, les choses ont changé. En mieux ? Je ne sais pas. Ce que j’ai constaté au PC, c’est une « bordélisation » de l’organisation. Je l’ai remarqué à diverses reprises en allant à la fête de l »Huma. Chacun fait son petit parti et sa propre ligne dans son coin.
Je pose une question très sérieuse : si, par hasard, (et par malheur), on arrivait au 2ème tour des présidentielles avec Melenchon vs Marine ou Bardella, qu’est-ce qu’on fait ?
Moi, j’ai ma réponse (ne pas s’abstenir), mais ensuite, dans l’isoloir ? Et vous à Regards ?
Je vais acheter le livre !
Membre du PCF : j’ai au moins retenu en 2017 le tweet de Jean Luc Mélenchon à Pierre Laurent : sur France Inter à la matinale la réponse de pierre m’a mis mal à l’aise :
Tellement il ne voulait pas répondre pour pas mettre en cause l’union de la gauche !
C’est sans doute à ce moment là que j’ai tourné la page définitivement de Mélenchon !
C’est tellement mieux les autres partis surtout quand on n’a pas le courage d’enquêter sur leur fonctionnement interne. Et ne me faîtes pas croire que les batailles d’égo des chéfaillons de ces partis (par exemple, Retailleau vs. Wauquiez ou LePen vs. Bardella ou Faure vs. Meyer-Rossignol), c’est ça la démocratie. A part LFI et l’Avenir en commun, qui a une base programmatique autre que de devenir vizir à la place du vizir ?