LA LETTRE DU 9 JANVIER
Le choix du PS : traître à la gauche ou sauveur des retraites ?
par Catherine Tricot
Le gouvernement Bayrou cherche une assurance-vie pour ne pas finir comme Michel Barnier. Sur le gel de la réforme des retraites, le PS joue la négo.
Le RN veut le pouvoir et quand il le juge opportun, il vote la censure : les concessions et salamalecs n’y changent rien. Telle est une des leçons de la chute du gouvernement Barnier. Pour durer, au moins jusqu’au budget et si possible davantage, un accord avec le PS suffit à François Bayrou. Pour le négocier, Éric Lombard, un homme issu de la gauche rocardienne, a été nommé à Bercy.
Ce mercredi 8 janvier, le PS, le PCF et les écologistes ont été longuement reçus par le ministre Lombard et sa collègue chargée des comptes publics, Amélie de Montchalin, tandis que François Bayrou recevait les syndicats à Matignon.
Le PS ne veut pas d’accélération du calendrier politique : il n’est pas prêt et l’extrême droite a de fortes chances de l’emporter. Donc le PS veut bien négocier. Mais il revient de très, très loin. Pour le moment, même si les débats ne sont pas tranchés, l’idée qui domine parmi les dirigeants socialistes est qu’il faut réarrimer le PS à la gauche. Cela signifie concrètement qu’il ne peut y avoir d’accord sans des victoires perçues comme telles par le « peuple de gauche », par le monde populaire et par les salariés. Donc, il ne peut y avoir d’accord sans, a minima, la remise en cause de l’âge de départ de la retraite à 64 ans. Autre conséquence, plus politique, il ne peut y avoir un accord engageant les seuls socialistes. Les plumes et le goudron cuisent encore dans leurs mémoires. D’où leur insistance pour que la réunion d’hier se tienne avec les communistes et les écologistes.
À partir de là s’engage le véritable bras de fer politique qui déterminera les contenus et l’aboutissement de ces discussions. La France insoumise rappellera, à raison, que le gel de la réforme Macron n’annule pas la réforme Touraine. En moins de 20 ans, les salariés ont vu leur durée de cotisation pour prendre une retraite à taux plein passée de 37,5 à 40 puis 42 et bientôt 43 années de cotisations, engloutissant la conquête de 1981 (la retraite à 60 ans) et celle des années 70 qui avait vu les vieux sortir massivement de la pauvreté qui dominait alors.
Mais qui a parlé de la réforme Touraine depuis 2022 et l’accord de la Nupes (en dehors de Regards, modestement) ? Au nom de l’unité, on a mis sous le tapis les sujets qui fâchent. La réforme à points qui est en train de ressortir non plus n’a pas été discutée. Au nom de l’unité de la lutte contre la dernière réforme des retraites, aucune critique de la réforme Touraine, aucune propositions alternatives n’ont été formulées, même par les insoumis. Seule exception, lors de sa dernière niche parlementaire de novembre 2024, LFI a soumis l’abrogation des réformes Macron et Touraine… désireuse désormais de mettre dans l’embarras les camarades socialistes.
L’enjeu maintenant sera donc de savoir ce que le gouvernement lâchera. S’il s’en tient à « on négocie sans pause », ce sera assurément non. De leurs côtés, qu’est-ce que les socialistes accepteront ? Ce sera fonction de l’influence en leur sein des tenants du hollandisme. Que diront et feront les communistes et les écologistes ? Les socialistes seront-ils à nouveau des « traîtres à la gauche » ou auront-ils emporté un bout de victoire sociale avec le gel de la réforme des retraites ? Comment ces éventuelles concessions seront appréciées par le pays à la double aune des retraites et de la volonté d’une issue à la crise politique ? LFI aura-t-elle maintenue l’exigence sociale ou jouait-elle le pourrissement pour approfondir la crise politique ?
Dernière question subsidiaire : ceux qui pensent qu’une présidentielle anticipée, rapide et précipitée, conduirait l’extrême droite au pouvoir ont de solides arguments. Et d’ici deux ans, ça change quoi ? On ne gagne que les combats qu’on mène : la procrastination ne suffira pas.
Catherine Tricot
TRÔNE DU JOUR
40 000 euros pour le cul de Gérard Larcher
Selon Le Canard enchaîné, le président du Sénat Gérard Larcher a trop usé son fauteuil et en a changé. N’ayant pas trouvé son bonheur dans le stock du mobilier national, il en a fait l’acquisition pour la modique somme de 40 000 euros. L’occasion de rappeler la maxime de Montaigne : « Sur le plus beau trône du monde, on n’est jamais assis que sur son cul ».
L.L.C.
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Faut-il abroger le délit d’apologie du terrorisme ? En novembre dernier, la proposition de loi des insoumis n’avait enclenché aucun débat mais une polémique bête et méchante. En ce début d’année, The Conversation revient sur cette idée avec calme et intelligence. À lire.
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