LA LETTRE DU 27 JANVIER
La paix selon Donald Trump : déstabiliser pour dominer
Donald Trump n’est pas un homme de paix. Il dessine un projet de nettoyage ethnique et de déstabilisation de la région.
par Catherine Tricot
Un danger gigantesque point.
On commence à comprendre ce qu’est la paix selon Donald Trump. Certes elle ne passe pas par une d’intervention militaire américaine. Mais au proche Orient, il ne s’agit nullement de rétablir un ordre basé sur un accord entre les parties et le respect des droits des peuples. Pour Donald Trump, la paix entre Palestiniens et Israéliens ne relève ni d’un moyen ni d’un objectif pour le retour à une vie conjointe des deux peuples. Le président américain a tordu le bras au pouvoir Israélien pour que le cessez-le-feu soit signé. Mais il ne s’agit que d’une étape dans une autre perspective : celle d’une nouvelle dispersion du peuple Palestinien, de l’ampleur de celle de 1967. Il emploie le mot ordurier de « nettoyage » au sujet de la bande de Gaza. Donald Trump a évoqué samedi l’idée d’un plan visant à « faire le ménage », disant vouloir envoyer les Palestiniens de Gaza vers l’Égypte et la Jordanie.
Le Hamas et l’Autorité palestinienne ont évidemment rejeté et condamné ce projet. Mahmoud Abas déclare « le peuple palestinien ne renoncera pas à sa terre et à ses lieux saints. Nous ne permettrons pas que se répètent les catastrophes qui ont frappé notre peuple en 1948 et en 1967, (…) notre peuple ne partira pas ».
Dès dimanche, l’Égypte a refusé tout déplacement forcé des Palestiniens et a rejeté « toute atteinte à ces droits inaliénables, qu’il s’agisse de colonisation, d’annexion de terres, de dépeuplement de ces terres par déplacement, d’encouragement au transfert ou de déracinement des Palestiniens de leur territoire, que ce soit de manière temporaire ou permanente ». De son côté, la Jordanie qui accueille près de 3 millions de Palestiniens déplacés (plus de 25% du nombre d’habitants de la Jordanie, réfugiés avec de très faibles droits sociaux et sans droits politiques), a réaffirmé la position de son pays, celle d’une solution à deux États pour parvenir à la paix et son « rejet du déplacement forcé ». La Jordanie se fait pressante : « la résolution de la question palestinienne est une solution palestinienne : la Jordanie pour les Jordaniens et la Palestine pour les Palestiniens ». Le royaume de Jordanie pointe un enjeux qui apparait chaque jour de plus en plus central, celui de la redéfinition des frontières au Proche-Orient. Sont concernés : le Liban, la Jordanie, la Syrie et l’Égypte au travers du désert du Sinaï.
Donald Trump entend destiner Gaza à de mirifiques projets immobiliers en bord de méditerranée. Il veut affaiblir encore et encore les Palestiniens en les divisant physiquement, en rendant impossible leur capacité politique. Il veut les couper d’une mémoire ancrée dans les paysages, les villes et les maisons, leur mémoire matérielle, celle qui donne forme aux cultures. La Ligue arabe a raison de parler d’un projet de « nettoyage ethnique ».
L’enjeu est bien sur celui du devenir des Palestiniens en tant que peuple. Mais c’est aussi celui d’une région que Trump promet au dessein de Netanyahou. Ne vient-il pas de livrer les lourdes bombes demandées par le pouvoir d’extrême-droite israélien et retenues jusqu’alors par Biden? Il apporte dès son arrivée son soutien aux suprématistes et nomme un ambassadeur de cette eau ?
Pour s’assurer qu’il n’y aura aucune résistance des pays arabes, il tord le bras à son meilleur allié, l’Arabie Saoudite et exige d’elle une baisse des cours du pétrole et qu’elle investisse 1000 milliards aux Etats-Unis comme il vient de le déclarer à Davos.
Trump ne veut pas la paix. Il veut inquiéter tout le monde pour le dominer.
Catherine Tricot
ÉLECTION DU JOUR
Villeneuve-Saint-Georges, le peuple aussi est divisé
L’élection de Villeneuve-Saint-Georges avait valeur de test notamment à gauche. Le député LFI de la circonscription, Louis Boyard, se présentait contre les communistes, les socialistes et les écologistes rassemblés derrière le PC.
Avec 24,9 %, Louis Boyard arrive en tête et devance ses concurrents de gauche d’un peu plus de 4 %. Mais, il est très en-deçà des résultats précédents de la France insoumise sur la ville où Jean-Luc Mélenchon avait obtenu 46,2 % à la présidentielle de 2022 et la liste de Manon Aubry avait dépassé les 39 % aux élections européennes de 2024. Le très médiatique candidat est encore plus loin, bien sûr, de ses scores législatifs de 2022 (40,2 %) et de 2024 (55,9 %) où il portait les couleurs de toute la gauche.
Louis Boyard enregistre de très bons résultats dans les cités populaires et pauvres de Cellier et de Bois Matar (près de 40 %). La liste dirigée par le communiste Daniel Henry l’emporte, elle, avec près de 30 % dans le quartier cheminot traditionnel. Pour la gauche, il faudra sérieusement réfléchir à l’inscription dans l’espace urbain des divisions en termes d’âge et de culture socio-politique que l’on repère déjà entre peuples des villes et peuples des campagnes.
Ensemble des résultats comparés sur le site regards.fr
RM
LETTRE DU JOUR
Inquiet de l’attitude des socialistes, François Ruffin les rappelle à la raison
François Ruffin se méfie parfois des tweets, des incompréhensions et des tensions qui résultent des message trop concis. En fin de semaine, il a donc pris sa plume et écrit une longue lettre, sur un ton assez personnel, aux camardes socialistes. « Où allez-vous ? Quel est votre cap ? Je vous interroge parce que je redoute que, à nouveau, votre boussole se brouille, et n’indique plus clairement notre nord : du changement pour les gens, et contre l’argent ». On lit un peu de désespoir dans ce message : si la gauche se divise, si les socialistes renouent avec les politiques qui ont fait tellement de mal et tant déçu, on est assurément très mal barrés. François Ruffin se fait le porte-voix de cette grande inquiétude.
CT
ON VOUS RECOMMANDE
Dernier jour pour regarder sur France TV « La liste de Schindler », le très beau film de Spielberg. Lors de sa sortie, le film fit polémique parce que non seulement il filmait l’intérieur des chambres à gaz mais en montrait ce qui n’a jamais existé, de l’eau sortant des pommeaux de douches. Mais il faut passer outre ce moment très très discutable et voir cette restitution juste de la politique d’extermination des juifs. Le film raconte cet homme exceptionnel qui parvint à soustraire un millier de juifs aux camps de la mort.
Il y eut aussi des justes.