LA LETTRE DU 23 OCTOBRE

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Retraites : la bataille politique et idéologique monte d’un cran

Le RN propose l’abrogation de la réforme des retraites. L’enjeu, pour la gauche, est de ne rien laisser à l’extrême droite.

Aujourd’hui commence l’examen en commission des affaires sociales de la proposition de loi du RN portant abrogation des dernières réformes des retraites (celle de Macron et celle de Hollande-Touraine) en ramenant l’âge de départ à 62 ans. Deux articles seulement dans cette proposition introduite grâce à leur niche parlementaire annuelle (1). Étant le premier groupe à l’Assemblée nationale, ils sont les premiers à pouvoir user de cette « largesse « .

Le débat à gauche devient tendu. Parce que difficile. Tous les groupes sont divisés, les députés eux-mêmes sont hésitants et parfois changeants. Seul le groupe socialiste a annoncé la couleur : il ne votera pas cette proposition. Les députés du groupe Écologie et social se sont prononcés à une courte majorité en faveur du vote. Deux de leurs députés emblématiques ont pris des positions opposées. Sandrine Rousseau a redit qu’en aucun cas elle ne voterait une proposition émanant du RN. Alexis Corbière, au contraire, concède pouvoir « aller jusqu’en enfer mais voter avec le diable pour abroger la réforme des retraites » (Le Monde du 25 septembre).

Au groupe communiste, c’est 50/50. Léon Deffontaines, le porte-parole du PCF, a exprimé une position claire dans une tribune sur Mediapart et sur X : « Voter cette proposition de loi ne rendrait pas le RN plus fort. Ne pas la voter rendrait la gauche plus faible […] Ne leur laissons pas le monopole du peuple ».

À LFI, la fumée blanche n’est pas encore sortie. Seul Aymeric Caron rejoint le point de vue de pétitionnaires proches de LFI (Frédéric Lordon, Houria Bouteldja, Bernard Friot, Cédric Durand, Annie Ernaux) : « En votant cette loi, notre camp ne perd rien. Au contraire, il obtient le retrait d’une réforme qu’il a été le premier et le plus déterminé à combattre ». Dit comme ça, tout serait simple. Mais ça ne l’est absolument pas. Le registre de la pétition est-il le bon ?

Jean-Luc Mélenchon vient de trancher dans une note de blog titrée « Ne pas prendre part à une arnaque ». Dans un texte moins limpide que souvent, il écrit : « Pas question de donner des brevets de crédibilité au RN sur le front social. Et pas question de réformer le système des retraites à la sauce libérale. » Il fait allusion au fait que le RN reste allusif sur le mode de financement. Il ne semble pas croire à la taxe sur le tabac et à une nouvelle taxe sur les transactions financières. A-t-il tort ?

Rappelons que l’ensemble des syndicats, parmi les premiers et les plus déterminés à combattre la réforme des retraites, ont dit unanimement leur opposition au vote de ce texte. Pour arriver dans l’hémicycle, le texte devra soit passer le cap de la commission des affaires sociales, soit être autorisé par la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet ; le choix de vote des députés NFP serait alors cornélien. Le refus de cette réforme unit la gauche. En revanche, ce qui les divise, c’est la question de la primauté absolue ou non de maintenir le discrédit sur le RN, de ne rien voter avec lui, de ne jamais lui servir de marchepied dans sa quête de normalisation. Tous les opposants au vote de cette proposition font valoir qu’elle n’ira pas au bout, le RN n’ayant pas de relais au Sénat et appelle à attendre la niche parlementaire des Insoumis qui intervient un mois après.

Cela parait raisonnable. Mais ne vaut pas argument politique. La bataille pour faire comprendre cette position sera rude. Le RN va y mettre tout son poids. Mais le NFP doit sa force au refus fondamental de l’extrême droite. La bataille politique et idéologique monte d’un cran.

(1) Six autres propositions font partie de leur niche dont une portant sur l’élargissement des conditions d’expulsion des étrangers et l’autre rétablissant les peines planchers : le RN en son essence.

Catherine Tricot

Contribution exceptionnelle des plus riches : quand c’est flou…

Michel Barnier va-t-il taxer les riches ? Il le dit mais, quand on lit attentivement, il ne l’écrit pas dans la loi.

« Le budget Barnier reconnaît notre victoire idéologique, pour nous antilibéraux », claironnait Jean-Luc Mélenchon sur son blog le 14 octobre dernier. Le gouvernement venait récemment de rendre public son projet de loi de finances, dans lequel il était question d’une « contribution exceptionnelle » des Français les plus riches. Il y aurait de quoi se réjouir, en effet. Taxer les riches pour renflouer les caisses, comme si Michel Barnier prenait le contre-pied des sept années de politique macroniste. Mais il y a un loup…

Déjà sur le nombre de personnes concernées par cet impôt exceptionnel. On nous avait annoncé 65 000 foyers mais nos confrères des Échos se sont montrés tatillon : « Ce sera en réalité près de trois fois moins, selon la documentation budgétaire publiée par Bercy. 24 300 foyers en seraient effectivement redevables. » Heureusement, Michel Barnier est magicien. Avec trois fois moins de foyers imposés, il entend quand même faire « rentrer 2 milliards d’euros dans les caisses publiques chaque année ». Pour cela, l’exécutif a amendé son propre texte, pour un résultat… nul, à lire Les Échos ou l’Opinion.

En effet, que Michel Barnier taxe les riches, aux Échos, on n’y croit pas : « ‘Le chiffrage a été réalisé […] sans tenir compte des effets comportementaux qui ne sont pas chiffrables’, peut-on lire dans les documents publiés par Bercy. Autrement dit, les foyers concernés pourraient très bien revoir la structure de leurs revenus ou leurs méthodes d’optimisation pour éviter d’être surtaxés l’année prochaine ou les suivantes. L’État pourrait alors faire une croix sur ses 2 milliards… » Car de toute façon, il existe tout un panel de mécanismes aux noms plus barbares les uns que les autres pour permettre aux plus riches d’échapper à cette contribution exceptionnelle. « Les milliardaires peuvent dormir tranquille, commente l’économiste Gabriel Zucman, concrètement, la mesure ne va pas les toucher. »

Depuis, les députés d’opposition ont amendé et voté pour que cette contribution soit élargie, pérenne et non exceptionnelle. « Victoire ! », s’emportait la cheffe des députés insoumis Mathilde Panot.

Tout ça pour… finir aux poubelles de l’Assemblée à coups de 49.3.« Peu importe les montants : c’est le raisonnement qui compte », écrivait également Jean-Luc Mélenchon. Cela commence à faire beaucoup de victoires de la gauche qui ont un amer goût de défaites ces temps-ci.

Loïc Le Clerc

HYPOCRISIE DU JOUR

La drogue c’est mal

L’affaire Andy Kerbrat, comme on dit, fait couler beaucoup de tweets. Le député LFI a été arrêté la semaine dernière alors qu’il achetait de la drogue de synthèse à un mineur dans le métro. Quel politicien de droite n’a pas sauté sur l’occasion pour taper sur le bougre ? Même le ministre de l’intérieur a réagi, appelant à la démission du député. Bruno Retailleau s’était montré moins disert quand il s’était agi du sénateur de droite Joël Guerriau – et depuis hier il supprime les tweets où on les voyait copains comme cochons. Rappelez-vous, il est accusé d’avoir drogué la députée Sandrine Josso à son insu avec l’intention de la violer. Eh bien, il n’a pas démissionné. Mais faisons mine de croire qu’il s’agit de deux cas isolés, alors qu’ils n’ont rien à voir, avec une œillère quand la balle est dans le camp adverse.

L.L.C.

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Le documentaire « États-Unis – La démocratie assiégée », sur Arte. On suit une dessinatrice de presse, magnifique, qui permet de comprendre la menace Trump et les mécanisme de la démocratie américaine, leurs racines, notamment esclavagiste.

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