LA LETTRE DU 21 MAI

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Darmanin, héritier et héraut : la droite rêvée de Macron ?

par Pablo Pillaud-Vivien

Alors que l’élection à la tête de LR propulse Bruno Retailleau à la Une des médias, un autre, quant à lui, vise une voie présidentielle différente : le ministre de la justice.

Il faut toujours écouter les enfants de la Cinquième République quand leur père s’adresse à eux. Ces dernières semaines, Gérald Darmanin a été abondamment cité par Emmanuel Macron, notamment lors de son interview sur TF1, comme pour signifier une forme d’adoubement. Le président en fin de règne regarde vers son ancien ministre de l’intérieur avec une insistance qui n’a rien de fortuite. Car s’il ne désignera jamais de dauphin officiel, Emmanuel Macron prépare déjà l’après : un casting politique où Gérald Darmanin joue le rôle de l’héritier naturel – et peut-être de l’ultime chance pour que l’édifice macroniste ne s’effondre pas sous le poids de ses propres contradictions.

Gérald Darmanin a de la ressource ; il n’est pas qu’un produit de l’Élysée : il est aussi le symptôme d’un glissement du centre vers les rivages les plus durs de la droite. Fils politique de Nicolas Sarkozy, stratège de la porosité idéologique, il sait habiller d’un langage populaire des orientations profondément conservatrices. Il parle sécurité, immigration, autorité. Il parle comme Bruno Retailleau. Parfois comme Éric Ciotti ou comme Marion Maréchal. Et ce n’est pas un hasard.

Depuis plusieurs mois, Gérald Darmanin joue une partition à double entrée : rester loyal au président tout en confortant sa crédibilité à droite. Il ne s’agit pas de cohabitation politique mais d’une stratégie d’intégration idéologique. Celui qui fut ministre dès le premier jour du premier mandat d’Emmanuel Macron veut incarner une droite post-macronienne qui ne renie rien du macronisme et qui assume sa ligne sécuritaire et identitaire jusqu’au bout. C’est là que la manœuvre devient ambitieuse : unifier sous une bannière commune des électorats aujourd’hui éclatés entre Renaissance, LR et Rassemblement national.

L’homme de Tourcoing a compris que le macronisme avait déstabilisé la droite sans pour autant l’annihiler. La violence policière ? Il l’a légitimée. La stigmatisation des jeunes des quartiers populaires ? Il en fait un axe de communication. Le rapport à l’autorité ? Il le brandit comme un fétiche. Et à chaque fois, il parle « au peuple » de droite : inquiet, nostalgique, prêt aux alliances les plus extrêmes pour « tenir » le pays.

La réforme pénale qu’il entend porter est un mélange toxique de populisme carcéral et de mépris pour les droits fondamentaux. Sous couvert de « réarmer l’État », Gérald Darmanin veut instaurer des peines plancher automatiques pour les multirécidivistes, faciliter les comparutions immédiates et réduire les possibilités d’aménagement de peine. L’objectif est clair : faire sauter les derniers verrous de l’individualisation des peines au nom d’une efficacité prétendument dissuasive. C’est la vieille antienne sécuritaire qui fait exploser les prisons et sacrifie la justice sur l’autel de l’ordre. Une fois encore, il parle à la droite et à l’opinion façonnée par les éditorialistes anxiogènes et les faits divers montés en épingle.

En ce sens, Gérald Darmanin est la nouvelle incarnation du candidat capable de faire barrage à l’extrême droite… en en reprenant les thèmes. L’autoritarisme devient la norme et le débat démocratique, un accessoire. Face au désordre du monde, ce glissement prétend à l’efficacité, la fermeté, la « responsabilité ». Derrière ces mots se cachent la banalisation de la parole réactionnaire, la confusion des repères idéologiques et l’érosion continue des contre-pouvoirs.

Face à cette stratégie, dénoncer ne suffit plus. Il faut nommer le danger : Gérald Darmanin n’est pas un moindre mal, il est un catalyseur. Il légitime l’idée que le centre peut être de droite et que la droite peut flirter avec l’extrême. Avec lui, le macronisme n’a pas été un barrage, mais un pont. Si le garde des sceaux incarne déjà une partie du futur, il ne tient qu’à nous qu’il n’en devienne pas la totalité.

Pablo Pillaud-Vivien

ÉLECTION DU JOUR

Mauvais temps au Portugal !

Pour ces quatrièmes élections législatives en six ans, la droite gouvernementale arrive en tête du scrutin. À l’issue d’une campagne jugée trumpienne, le parti d’extrême droite Chega vient talonner le PS. En un an, la gauche perd un peu plus de 9%, tandis que la droite et l’extrême droite gagnent chacune plus de 3%. Globalement, au Portugal comme en France, ça va bien pour le total des droites. Mais, comme en France, la droite au pouvoir n’a toujours pas de majorité parlementaire. Autant dire que, là aussi, son sort va dépendre largement de ce qui va se passer sur sa droite. Il y a un an, le Portugal fêtait le cinquantième anniversaire de la déroute du régime fasciste salazarien et du retour à la démocratie. Les responsables de Chega ont ouvertement proposé de tirer un trait sur ces cinquante ans. Une large part des jeunes et des catégories populaires les ont écoutés. À gauche, inutile de railler sur les déboires d’une gauche contre l’autre : toutes ont fait la culbute. Le PS est bien sûr le plus touché (on ne prête qu’aux riches), mais le Bloc de gauche, proche des insoumis français, a perdu plus de la moitié de ses voix. Le PC et ses alliés écologistes résistent un peu mieux, mais les communistes plafonnent à 3%, alors qu’ils avaient dépassé les 19% en 1979 et avaient encore 8% en 2015. À méditer…

R.M.

ON VOUS RECOMMANDE…


L’entretien de France Inter avec François Héran : « Les politiques savent qu’en réalité nous ne sommes pas aux avant-postes de l’immigration ». Depuis huit ans, François Héran occupait la chaire « Migrations et société » au collège de France. Il vient de tirer sa révérence et revient au micro de France Inter sur ses savoirs essentiels et sans démagogie. Il souligne l’importance d’un vocabulaire précis et rigoureux et dénonce l’emploi d’expressions comme le « sentiment de submersion migratoire ». Le grand démographe insiste sur la nécessité de se baser sur des données factuelles. Et rappelle que l’immigration est un fait irréversible ; que la France n’est pas aux avant-postes ; que 1 Français sur 4 est immigré ou enfant d’immigré, etc. Une parole précise et précieuse.

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Emmanuel Macron prend la tête d’un mouvement de contestation de la guerre à Gaza — par tOad

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