L’écœurant appel du 18 juin du général Retailleau

La lettre du 19 juin 📨
par Loïc Le Clerc
Peut-on, dans la même journée, se prétendre héritier du général de Gaulle et organiser une opération nationale de chasse aux migrants ? Impossible n’est pas Bruno !
Bruno Retailleau a lancé, ce 18 juin, une campagne à l’adresse de « la France des honnêtes gens ». Avec une poignée d’affiches à l’appui représentant un agriculteur, un cuisinier, une policière, un pompier et une infirmière – affiches visiblement conçues avec l’IA –, le président de LR espère gagner de nouveaux adhérents parmi « ces honnêtes gens qui travaillent dur, qui en ont marre de voir que d’autres abusent du système, qui vivent au crochet de la société ».
C’est beau, c’est la France, c’est le 18 juin parce que « nous sommes ses héritiers », dit-il en pensent à Charles de Gaulle. Mais Bruno Retailleau est un cumulard. En plus de présider l’héritage du Général, il est ministre macroniste. Et là, le 18 juin du ministre, c’est moins gaulliste que trumpien.
Le ministère de l’intérieur a fait passer une note d’instruction aux préfets, aux militaires, aux douaniers et aux directions de la gendarmerie et de la police : ces mercredi 18 juin et jeudi 19, on mobilise toutes les troupes pour contrôler les papiers dans les gares, les trains et les bus. En ligne de mire : les clandestins. « Dans ces 48h, on va mobiliser 4000 gendarmes, des policiers, des douaniers, des forces Sentinelle pour interpeller des clandestins », se pavane-t-il sur Cnews. Fier des 47 000 arrestations depuis le début de l’année, il se veut cash : « Ce que je veux dire, c’est que les clandestins ne sont pas les bienvenus en France de la façon la plus ferme et la plus définitive ».
Le parallèle avec Donald Trump est inévitable. Le président américain est en guerre ouverte avec la population immigrée, envoie l’armée les chercher jusque dans leur maison pour les expulser sans ménagement. Une politique migratoire xénophobe qui provoque de violents affrontements entre population et forces de l’ordre. Un modèle pour notre ministre donc… alors les « honnêtes gens », Bruno Retailleau n’en a cure, c’est l’imaginaire des « malhonnêtes » qui l’intéresse : les assistés, les barbares, les délinquants, les voyous. Et il s’imagine qu’il peut les violenter à sa guise sans que la majorité réagisse. Comme le commente sobrement la députée communiste Elsa Faucillon : « L’appel du 18 juin de Retailleau : organiser une chasse aux étrangers dans les trains ! »
Bruno Retailleau profite de la surmédiatisation de son poste de ministre de l’intérieur pour porter sa campagne présidentielle, à droite toute. Une surenchère d’autant plus violente que la compétition est rude entre lui, son collègue Gérald Darmanin, ses challengers Philippe et Attal. Tous entendent battre l’extrême droite en courant après. Très gaullien…
Le 22 juin 1940, dans un autre appel à la radio de Londres, le général de Gaulle en appelait à « l’honneur, le bon sens, l’intérêt supérieur de la patrie ». Bruno Retailleau ne porte en lui aucune de ces trois qualités.
🔴 RAPPORT DU JOUR
La France bientôt dernière au classement de la confiance dans les médias ?

Chaque année, Reuters (l’AFP britannique) publie un rapport sur les pratiques informationnelles du public dans 48 pays. Une mine d’or pour savoir comment les gens s’informent et quel regard ils portent sur le monde des médias. Et les journalistes ont du souci à se faire : les réseaux sociaux et ses « créateurs de contenu » sont en passe d’avoir plus d’audience et de confiance auprès du public que les médias mainstream – c’est déjà le cas aux États-Unis –, comme le suggère déjà le succès du compte « HugoDécrypte », première source d’infos des jeunes qui touche 22% des moins de 35 ans. Plus globalement en France, la « consommation » d’informations se découpe de la sorte : 59% des Français s’informent via la télévision (ils étaient 80% il y a dix ans), 37% via les réseaux sociaux et 13% via la presse papier. Quant à la confiance dans les médias, elle ne cesse de baisser, rapport après rapport : 38% des Français avaient « confiance » en 2015, ils sont 29% en 2025. Un score qui place la France au 41ème rang sur les 48 pays étudiés… Les médias les plus rejetés sont BFMTV et Cnews (jugés trop partisans) et les plus plébiscités ceux du service public et de la presse régionale. Dernière leçon de ce rapport, l’évitement : 40% des gens déclarent éviter parfois ou souvent l’actualité.
L.L.C.
ON VOUS RECOMMANDE…

Le dossier « Consentement : que peut changer la nouvelle loi ? », sur le site de Basta. Alors que les députés viennent d’inscrire la notion de consentement ans la caractérisation du viol, nos confrères publient trois articles : une enquête sur ce que peut changer la nouvelle loi ; un entretien avec la philosophe Manon Garcia, qui a suivi le procès de Mazan et qui revient sur les espoirs et les limites d’un nouveau texte de loi ; et un décryptage : « Éduquer au consentement permet-il de réduire les violences sexuelles ? » Vaste programme !
C’EST CADEAU 🎁🎁🎁
ÇA SE PASSE SUR REGARDS.FR
Pour recevoir cette newsletter quotidiennement (et gratuitement) dans votre boîte mail, suivez le lien : regards.fr/newsletter !