LA LETTRE DU 19 AVRIL

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Anatomie d’une interdiction

Une conférence que devaient donner Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan sur la Palestine à l’université de Lille ce jeudi a été annulée. On fait le point.

Le fond de l’air est vicié. Hier, on interdit à Lille une conférence de la personnalité la plus proéminente de la gauche française et d’une candidate à une élection. D’abord dans une université, ensuite dans la salle où ils avaient essayé de se replier. Le sujet ? La Palestine. Demain, une manifestation parisienne contre tous les racismes a aussi été empêchée. Et à chaque fois, le même argument : la sécurité de l’événement ne peut être assurée.

Deux choix de lecture : ou bien on considère que des fonctionnaires aux ordres, qu’ils soient directeur d’université ou préfets de police, participent dangereusement à un jeu, délétère pour la démocratie, orchestré par un pouvoir à la dérive qui fait mine de ne pas savoir qu’une interdiction est en soi une violence. Ou bien on octroie une vérité à l’argumentaire des censeurs et la conclusion est presqu’encore plus vertigineuse : il est de moins en moins possible d’organiser le débat public en France.

Le mouvement de mise à l’index du soutien au peuple palestinien apparait comme la pointe avancée et particulièrement douloureuse de la disparition d’une certaine conception de la République française comme cadre commun d’expressions politiques plurielles. Bien évidemment, elle touche d’autant plus durement l’auteur et, je le pense, les lecteurs de ces lignes car les causes et les luttes de la gauche que d’aucuns cherchent à criminaliser définissent nos identités. 

Dans une telle situation, l’alternative est la suivante : ou bien on assume le rapport de forces, c’est-à-dire que l’on acte que nous avons raison et qu’ils ont tort, que nos vérités et convictions ne sont pas miscibles avec les leurs, qu’il faut tenir la barricade du front culturel, quitte à se considérer dans une citadelle assiégée. Une stratégie qui vaut ce qu’elle vaut : quand l’on met en regard l’urgence du risque génocidaire à Gaza et le peu de personnes (en tous les cas, pas assez) dans les mobilisations en France les samedis après-midi, on se dit qu’assumer de se faire traiter d’antisémites sans baisser la tête n’est pas forcément la meilleure voie pour conquérir l’hégémonie culturelle.

Ou bien on s’inquiète des forces centripètes à l’oeuvre dans notre société et l’on se met à chercher activement les voies et moyens pour que le mot de République soit synonyme d’entente et de paix sociale. Avec une difficulté que l’époque rend aiguë : la dynamique de l’extrême droite qui travaille en profondeur les coeurs, les corps et les esprits. Quelle place, quelle vérité accepte-t-on de leur laisser avoir ? Ne serait-ce que laisser s’exprimer un condamné pour haine raciale comme Eric Zemmour pose des problèmes éthiques. De même, la confrontation avec ceux qui continuent de nier la situation du peuple palestinien est nécessaire : mais jusqu’où ? 

Le clivage doit rester un moyen et le rassemblement et la clarté les objectifs. Perdre cela de vue, c’est se couper de la possibilité de créer des dynamiques majoritaires. Sur la question palestinienne, comme sur toutes les autres qui nous meuvent et nous émeuvent.

Pablo Pillaud-Vivien

RÉAC DU JOUR

Metamorphoses de la haine

Alors que sort un nouvel opus sur les soit-disant « dérives de l’idéologie transgenre » sobrement intitulé Transmania, petit florilège d’arguments homophobes dans les années 70 qui sont aujourd’hui repris par les transphobes : 

  • Ce n’est pas naturel ;
  • C’est une mode ;
  • C’est une idéologie ;
  • « Ils » endoctrinent les enfants jusque dans les écoles ;
  • Un enfant est trop jeune pour le savoir ;
  • Il y a moyen de s’en sortir.

Bref : réaction, piège à cons.

P.P.-V.

ON VOUS RECOMMANDE

  • « The Tortured Poets Department », le 11ème album de Taylor Swift. Parce que ça fait du bien. Et parce qu’est l’une des principales opposantes à Donald Trump.

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9 commentaires

  1. Cyrano 78 le 19 avril 2024 à 19:33

    « on se dit qu’assumer de se faire traiter d’antisémites sans baisser la tête n’est pas forcément la meilleure voie pour conquérir l’hégémonie culturelle. »

    Et il faudrait baisser la tête ?
    Perso en tant que gilet jaune quand les merdias nous traitaient, en toute objectivité, « de fascistes et d’antisémites « , j’avais à cœur de discuter entre 4 yeux avec leurs « journalistes »……
    Du coup BFM envoyait des beurettes stagiaires pour les manifs, quel courage !!!

    Attention 25 à 30% des gens croient les merdias que plus personne n’achètent….

    • lasbleiz le 20 avril 2024 à 00:33

      Merci!!! Se poser la question du choix, c’est déjà choisir la lâcheté et le soutien par défaut aux génocidaires. L’hégémonie culturelle? utiliser de son salon inculte (honte à Pablo) une formule de Gramsci écrite de sa prison n’est qu’une démonstration d’imposture dont Regards devient coutumier. Nous devons faire front!!!!

    • Michel Davesnes le 20 avril 2024 à 04:18

      Un billet hallucinant de bêtise de Pablo Pillaud-Vivien. Si ce n’était que de la bêtise ! C’est pire, il enjoint aux insoumis de se soumettre à l’idéologie dominante en courbant l’échine sous prétexte que les idées qu’ils portent ne sont pas partagées par certains de ses alliés, les nostalgiques de l’époque Hollande, Valls, Cazeneuve. En cédant aux injonctiuons droitières, Pablo et ses comparses de Regards, qui ne cessent de cracher sur LFI au nom de l’union (combien de fois faut-il répéter que l’union pour l’union ne mène à rien ?), ne récolteront qu’une chose : la honte et le déshonneur.

    • Michel Davesnes le 20 avril 2024 à 15:44

      On peut faire de la critique des médias sans utiliser les mots de l’extrême droite comme « médias » ou « journalopes » qui proviennent de la fachosphère.

      • Michel Davesnes le 20 avril 2024 à 15:45

        Comme « merdias » (le correcteur automatique a encore frappé).

      • Cyrano 78 le 21 avril 2024 à 12:35

        Désolé mais les médias mainstream ne sont que l’expression du combat de l’oligarchie contre la peuple !!!

        situation qui était globalement celle de la France et les autres pays européens avant la guerre.
        A l’exception du fait que la presse d’avant guerre était TRES lue et qu’ils existaient des titres comme le Populaire et l’Humanité avec des gros tirages.

        Mais je répète les merdias sont l’expression de l’oligarchie et ont besoin de subventions faute de lecteurs payants !!!
        Après 68 dans les années 70/80, ma génération, il existait des médias avec des faits globalement non falsifiés et des analyses avec lesquelles on était d’accord ou pas.
        Aujourd’hui tout est falsifié. je vous mets au défi de me citer un article d’un média disant autre chose que 100% de négatif sur LFI, 22% au dernières présidentielles. Dans le lot vous pouvez mettre le Regards…

        • Michel Davesnes le 21 avril 2024 à 14:58

          Vous répondez à côté. Je ne vous reproche pas de critiquer les médias mainstream, bien au contraire. Je vous reproche d’utiliser le vocabulaire des identitaires et de l’extrême droite pour le faire. Je vous renvoie à un site de critique des médias, ACRIMED, très radical dans ce domaine et qui jamais ne s’abaisse à utiliser les mots de l’extrême droite :
          https://www.acrimed.org/

          • Cyrano 78 le 21 avril 2024 à 22:04

            Keep cool !!!

            Le RN ne critique plus les merdias mainstream !! Les merdias mettent un deuxième fer au feu !!!
            Le RN n’est plus « antisystème », le système peut avoir besoin de lui !!
            Le RN n’est plus raciste ils sont potes avec Mayer Habib donc plus de problème avec la Licra et SOS Racisme!!!

            Bref la comédie du RN populiste est bientôt terminée ! Le RN va remplacer LR et Renaissance voir Meloni en Italie !



  2. Lucien Matron le 20 avril 2024 à 07:06

    Le texte de PPV pose plusieurs questions essentielles notamment : celle de la liberté d’expression et de manifestation, celle de l’antisémitisme et celle de l’hégémonie culturelle.
    Sur la première, c’est le respect de la constitution qui est en jeu. La liberté d’expression et de manifestation y est inscrite, et de ce point de vue, en interdisant une manifestation de nature politique, l’autorité qui prend la décision d’interdire, sous quelque prétexte que ce soit, se place hors du champ républicain.
    Sur la seconde, relative à l’antisémitisme, l’expression de la vérité disons idéologique est beaucoup plus subtile. Il est alors important de considérer que l’antisémitisme est une forme de racisme. Autrement, dit tout individu qui lutte contre le racisme, lutte contre l’antisémitisme. En oubliant cela, la manifestation initiée par la président de l’Assemblée Nationale et le président du Sénat, après l’attentât terroriste du 7 octobre, qui ont défilé derrière une banderole «  contre l’antisémitisme » ont volontairement oublié le combat contre le racisme. C’est la raison pour laquelle, l’extrême droite raciste, arabophone et en définitive fasciste s’est mêlée à cette manifestation. En France, les humanistes ont toujours manifesté derrière la même banderole «  contre le racisme et l’antisémitisme ».
    Sur l’hégémonie culturelle, il est parfaitement clair et renseigné, que la plupart des medias sont dominés par l’idéologie de ceux qui en sont les propriétaires ( Bolloré, Dassault et Cie). Il suffit de regarder les images de la commission parlementaire qui a reçu récemment Bolloré et sa clique pour comprendre leur fonctionnement. Comme très peu de médias sont indépendants financièrement, l’hégémonie idéologique et donc culturelle des propriétaires ( libérale, antisociale, antisyndicale) s’installe et prend le dessus d’autant plus facilement. Ici, donc dans les publications de Regards, la liberté de ton et d’expression est assurée, elle doit être préservée. Merci à l’équipe rédactionnelle de Regards. Abonné canal historique, il est important pour moi de l’affirmer.

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