Macron enterre la doctrine gaullienne sur Israël

La lettre du 17 juin 📨
La France du Général « donnait tort à quiconque entamait le premier l’action des armes ». Un temps révolu ?
« Si Israël est attaqué, nous ne le laisserons pas détruire, mais si vous attaquez, nous condamnerons votre initiative. » Ainsi parlait Charles de Gaulle, le 27 novembre 1967, s’adressant au ministre des affaires étrangères israélien. Une formule simple, claire, équilibrée. Une ligne de conduite tenue par la diplomatie française pendant des décennies, même dans les périodes les plus tendues du conflit israélo-palestinien. Cette doctrine, faite de retenue stratégique et de respect du droit international, Emmanuel Macron vient de l’enterrer publiquement.
Aux suites d’une escalade d’une extrême gravité entre Israël et l’Iran, le président français a pris la parole. Quelques heures plus tôt, l’État hébreux avait lancé une attaque sur des infrastructures militaires iraniennes, provoquant des représailles directes de Téhéran. Au lieu d’appeler au cessez-le-feu ou de rappeler le principe fondamental de non-agression, Emmanuel Macron a annoncé que la France participerait à la défense d’Israël en cas d’attaque iranienne. Sans condition. Sans réserve. Même si Israël a tiré le premier.
Dans le même souffle, il a annoncé le report de la conférence internationale sur la Palestine, qui aurait pu déboucher sur une reconnaissance de l’État de Palestine par la France. Une « pause » diplomatique qui sonne comme un abandon de l’engagement français en faveur d’une paix juste et durable au Proche-Orient.
Ce n’est plus un simple glissement. En choisissant de prendre parti pour Israël après une offensive unilatérale, dénoncée par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), sous l’égide de l’ONU – « Toute attaque ou menace d’attaque armée contre des installations nucléaires destinées à des fins pacifiques [constitue] une violation des principes de la Charte des Nations Unies, du droit international et du Statut de l’Agence » –, Emmanuel Macron rompt de manière spectaculaire avec la doctrine gaullienne. Il rompt avec le droit. Il rompt avec la possibilité, pour la France, de jouer un rôle de médiatrice ou même simplement de pays indépendant.
Ce repositionnement stratégique ne tombe pas du ciel. Il est le fruit d’une lente dérive : marginalisation du Quai d’Orsay, personnalisation extrême de la diplomatie, contournement systématique du Parlement. Il traduit aussi une capitulation idéologique : la France de Macron ne prétend plus incarner une voie singulière. À noter que cette prise de position « disruptive » a lieu sans débat parlementaire. Sous la 5ème République, la politique étrangère est du ressort du président qui incarne l’État. Mais cette verticalité atteint des sommets. La députée insoumise Mathilde Panot a raison d’exiger un débat suivi d’un vote de l’Assemblée. C’est notre conception de la démocratie et de la souveraineté qui est en jeu. Une telle inflexion stratégique, un tel effacement de la diplomatie française, ne peuvent rester sans réponse.
Emmanuel Macron a beau jeu de livrer des discours de fermeté à l’égard d’Israël et des atrocités que l’État hébreux commet en Palestine. Pourtant, il creuse, par ce genre de déclarations, le fossé entre la France officielle et une opinion publique de plus en plus choquée par la politique meurtrière d’Israël. Il prétend défendre la paix mais attise les logiques de guerre. Face à cela, nous devons faire bloc autour d’un principe : celui de la paix par le droit, de la justice par la politique et de la diplomatie par le dialogue. Des logiques qui sont d’ailleurs à la base du multilatéralisme porté par l’AIEA et l’ONU.
🔴 ALERTE DU JOUR
Le Planning familial est en danger

Baisses et suppressions de subventions, fermetures d’antennes départementales : l’avenir du Planning familial s’assombrit. Le plus grand réseau associatif et militant à offrir des services de santé sexuelle en France alerte, dans une tribune publiée ce lundi 16 juin dans Le Monde, sur la baisse de financements des collectivités. Le Planning dénonce une attaque « à l’accès à la contraception, à l’avortement, à la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST), à l’éducation à la sexualité, à la prise en charge des personnes victimes de violences sexuelles [menant à] remettre en cause des droits acquis de haute lutte ». Ces coupes budgétaires sont le résultat d’une action politique conservatrice, qui fait écho à celle de Donald Trump. Argument massue : la dette publique bien sûr. Dans la région Pays de la Loire, la présidente Horizons Christelle Morançais, qui s’est déjà faite remarquer pour ses coupes budgétaires drastiques dans la culture estimées à 73%, a supprimé la totalité des subventions allouées. À l’heure où les IST explosent et les besoins d’accompagnement augmentent face à la libération de la parole sur les discriminations et les violences, sacrifier le Planning, c’est mettre en danger la population.
Charles-Elie Aubry
ON VOUS RECOMMANDE…

Le débat de la matinale de France Inter : « Qui sont les ‘honnêtes gens’ » dont les politiques, notamment de droite, raffolent ? Le professeur de philosophie Pierre-Henri Tavoillot et le docteur en science politique Clément Viktorovitch en discutent : généalogie de la notion et définition par sa contraposée (c’est-à-dire les malhonnêtes qui sont souvent, au choix, les assistés, les barbares, les délinquants, les voyous). Passionnant et instructif… mais surtout une conclusion : méfions-nous de cette notion piégeuse.
C’EST CADEAU ! 🎁🎁🎁

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