LA LETTRE DU 2 SEPTEMBRE
Un Ruffin libéré fait sa rentrée
Le député de la Somme avait donné rendez-vous samedi 31 août au cœur de sa circonscription pour une réunion politique.
Ceux qui ont fait le voyage de Flixecourt ont pu voir où s’ancre François Ruffin : dans une ville avec de magnifiques cathédrales d’industrie, désormais silencieuses. À Flixecourt, il y a aussi des maisons ouvrières en briques qui racontent la conquête de la dignité et témoignent d’un savoir-faire constructif ouvrier mondialement reconnu1. Et dans la plaine des sports de Flixecourt, il y avait ce samedi des jeux gonflables, des débats, des glaces, des barbes à papa… Et un meeting.
Le meeting lui-même était à l’image du projet du député de la Somme : incarner et porter les aspirations de gens d’ici. Donc, à la tribune, il y avait des Atsem et des animateurs du club de foot, des amis aussi, des politiques de toutes les tendances du NFP. On a entendu des témoignages et des combats, des chansons aussi. Plus de 1500 personnes venues de toute part ont bravé la pluie pour écouter celui qui a rompu avec fracas avec La France insoumise.
François Ruffin a confirmé ses différents avec le mouvement de Jean-Luc Mélenchon. Il faut protéger, rassembler et non cliver et brutaliser. Il a une nouvelle fois mis en cause « la stratégie du bastion » prêtée à LFI : conforter les positions fortes et abandonner au RN le reste du pays. Lui qui voit la marée monter et qui doit à trois fois rien sa réélection face à l’extrême droite a redit son sentiment d’urgence et sa vive inquiétude. Pas de triomphalisme chez le tribun.
François Ruffin a tenté aussi de ne pas se laisser enfermer dans une demi-France, celle des sous-préfectures et des campagnes. Une fois encore, il a plaidé pour l’alliance « des bourgs et des tours » sans toutefois aller très au-delà de l’exigence : le député sait mettre en mot et en scène la France des bourgs, pas encore celle des tours. S’il a réaffirmé sa conviction d’une lutte des classes comme ciment d’unité populaire, il l’a aussi nuancé en intégrant quelques réflexions sur les discriminations et le racisme. C’était de premières ébauches.
Beaucoup étaient venus pour entendre ses analyses et propositions politiques. Même s’il a fait applaudir Roussel, Tondelier, Bompard (avec malice) et Faure, François Ruffin n’a pas mâché ses mots à l’égard de la gestion très resserrée du NFP. Bravache, il affirme préférer cette « traversée du désert » que la compagnie des apparatchiks. Ça, c’est dit. À ce resserrement, il oppose le projet d’une maison commune du NFP qui accueillerait tous les militants – adhérents ou sans parti – qui ont bloqué le RN autour du NFP. On n’en saura guère plus sur les fondations et la couleur des volets : c’était là encore une esquisse. L’été a été court.
François Ruffin se montre plus disert quand il expose ce que devraient être les actions des militants : elles devraient se consacrer aux autres, à la vie associative, aux projets communs. Aussi quand il répond « le parti on l’a déjà, c’est Picardie Debout », on n’est pas totalement surpris par cette pirouette. Il élude car il ne sait pas vraiment. À ce jour, la proposition politique de François Ruffin est centrée sur la dignité matérielle et spirituelle des caristes, éboueurs, assistantes de vie… elle fonde sa singularité, son attrait et son intérêt. Bien qu’il ait vu le danger d’une relégation dans une partie du territoire et un segment du peuple, on ne voit pas encore le projet et l’organisation politique qui permettront ce dépassement. Mais François Ruffin le veut. Et « là où il y de la volonté, il y a un chemin »2.
Catherine Tricot
On trouvera sur regards.fr la longue interview accordée par François Ruffin et publiée dans la revue Regards. Qu’on peut – qu’on doit – aussi acheter !
BLAGUE DU JOUR
Ségolène Royal Deluxe
Dès lors qu’un poste de pouvoir est vacant, les mouettes s’agglutinent derrière le chalutier du chef, persuadées qu’il va leur jeter des sardines – comme dirait Cantona. Depuis les législatives anticipées, on en a vu des personnes « capables » de devenir Premier ministre – lui ou lui par exemple. Capables, selon eux… Mais Ségolène Royal porte à bout de bras son ego plus haut que les autres. Non seulement elle est « disponible » et le fait savoir – sans que personne ne l’attende, sinon c’est pas drôle – mais, cerise sur le gâteau, elle a déjà des noms pour son futur gouvernement. Au point où on en est, les 67 millions de Français devraient envoyer à Macron leur gouvernement rêvé… Que cette queue-leu-leu des ambitieux est ridicule. De quoi perdre, par dégoût, encore quelques poignées d’électeurs.
L.L.C.
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Après son puissant Les Vilaines (Métailié, 2021), l’écrivaine argentine Camila Sosa Villada revient encore plus fort avec Histoire d’une domestication (Métailié, 2024) : le travestissement y est magique, l’identité une claque au monde et les rires de tous ses personnages une pluie de météorites.
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« là où il y de la volonté, il y a un chemin » : personne ne peut nier la volonté de Ruffin. Il y a donc un chemin possible avec Ruffin.