LA LETTRE DU 13 MAI

chaplin

Le PCF, les ouvriers et le 21ème siècle

La campagne du communiste Léon Deffontaines entend parler au monde populaire en ravivant la question sociale. Un pari… dépassé ?

Le Parti communiste a réussi à faire émerger quelques lignes d’identification politique pour porter sa liste aux élections européennes. Dernière force à parler encore et toujours du « non » de 2005 contre le traité constitutionnel européen, il entend s’adresser à cette majorité des électeurs de gauche qui s’était prononcé contre l’Europe libérale. Parmi eux une grande majorité du monde populaire. C’est cela le véritable fil rouge de la campagne de Léon Deffontaines.

Le tête de liste communiste s’est récemment interrogé sur ce qui est arrivé à la gauche pour qu’une Colombe, femme de 60 ans au RSA, militante des Restos du cœur, se retrouve dans une vidéo virale – vue par plus de 12 millions de personne – à exprimer sa confiance en Marine Le Pen. Comme en écho, le secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel, disait sur LCI ce 5 mai : « Il faut faire confiance aux ouvriers ! Faire confiance aux ouvriers, la richesse de ce pays ; ils sont l’honneur de la France. Ces ouvriers dans l’industrie, dans les services publics. »

Les communistes insistent, à raison, sur l’absence de la question sociale dans cette campagne des européennes, alors qu’elle fut au cœur du débat et du combat de 2005. Question : de qui parle le Parti communiste ? Le vocabulaire ici employé rend-il compte de la réalité du monde populaire d’aujourd’hui et à qui s’adresse-t-il ?

L’Insee vient de publier son « Portrait des professions en France en 2022 ».

Il ressort de cette étude que désormais les cadres (21,7%) sont plus nombreux que les ouvriers (18,9%). Ce croisement s’est en fait effectué en 2018. Et la tendance s’accentue. En longue durée, les employées restent « stables » et représentent plus de 25% des personnes en emploi. Il est exact de pointer, dans la baisse continue des effectifs ouvriers, la traduction du recul de l’industrie. Notons que Roussel inclut dans « monde ouvrier » les services publics… quitte à perdre un peu l’auditeur. Mais surtout, il exclut de son propos l’essentiel du monde populaire (les employés qui sont le plus souvent des employéEs). Il « ghost » les cadres de « l’honneur de la France », s’écartant ainsi de la rupture ancienne effectuée par le PCF avec l’ouvriérisme. Et de fait, Fabien Roussel semble souvent y revenir. Ne déclare-t-il pas qu’à ses yeux, « ce sont eux, les ouvriers, qui devraient siéger au parlement » ?

Les communistes mettent sur la table une bonne question, celle de la place du social dans les projets portés par la gauche. Mais ils le font trop souvent avec des concepts anciens, aussi bien dans leur approche du monde du travail que dans la définition étroite de ce qu’ils nomment la question sociale. Plus grave stratégiquement, ils se font les chantres d’une vision du rassemblement populaire très étroite. Pour devenir une proposition politique attractive, une bonne intuition doit en passer par toutes ces questions.

Sachant qu’aujourd’hui, le monde ouvrier a totalement quitté celui du communisme – et d’une façon plus générale, celui de la politique. Sur 100 ouvriers, près de 80 s’apprêtent à s’abstenir. Et parmi ceux qui votent, près de la moitié choisissent l’extrême droite. C’est dire que toutes les autres formations politiques n’existent plus vraiment.

Catherine Tricot

DÉLIRE DU JOUR

Mossad ?

Dans sa dernière note de blog « Rafah : le temps de la honte », Jean-Luc Mélenchon s’insurge contre « le massacre de Rafah, phase finale du génocide des Palestiniens de Gaza » (qui) est engagé. Il termine sa note par un post-scriptum à l’endroit des « rubricards » du Monde et de Mediapart, « payés pour tenir la tranchée devant le danger insoumis ». Ce n’est pas la première fois que JLM invective les journalistes. Cette fois, et comme régulièrement désormais, il emploie des mots à double sens. Il parle à leur propos de « délires maussades de fin d’apéro au café du commerce ». Délires maussades ? Vraiment ? Qui a déjà employé cette expression ? Il est évident ici qu’il faut entendre le mot « maussade » mais aussi « Mossad ». On peut critiquer le traitement médiatique de ce qui se passe à Gaza. Alain Gresh le fait dans Le Monde diplomatique de ce mois. Mais peut-on, quand on est un homme politique français, insinuer que les journalistes du Monde et de Mediapart sont à la solde d’un gouvernement d’extrême droite, de ses services de renseignement chargé des actions spéciales hors des frontières d’Israël ? C’est raisonnable ?

C.T.

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