La France se droitise-t-elle ?
On entend un peu partout que la France serait « de droite » et donc que son gouvernement devrait l’être aussi. Mais la réalité est bien plus complexe et subtile.
Le politiste Vincent Tiberj publie un des meilleurs livres de sociologie politique qu’il m’ait été donné de lire depuis bien longtemps1. Il ne veut pas s’en tenir à la commode notion de « droitisation » de la France. Ou plutôt, il récuse l’idée qu’elle agirait tout aussi bien « par en bas » que « par en haut ».
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Par en bas, les données disponibles suggèrent plutôt une montée tendancielle des valeurs d’ouverture et de tolérance, dont la récente cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques a montré tout autant la force que l’impact populaire. L’acceptation de « l’autre », dans toutes ses dimensions, est plus avancée qu’elle ne l’était il y a encore une vingtaine d’années.
Le problème est que ce processus, inégal, en dents de scie mais attesté, ne s’exprime pas dans l’espace politique et médiatique. C’est au contraire l’extrême droite qui a su imposer ses mots et son calendrier. Une partie de la droite s’est avilie à se placer dans son sillage. Quant au macronisme au pouvoir, enfermé dans sa tour d’ivoire, il a décidé de jouer avec le feu, au nom d’une realpolitik bien mal venue.
Pourquoi, alors que les valeurs humanistes progressent, est-ce que ce sont les valeurs contraires qui prévalent dans le champ politique ? Pourquoi les mobilisations électorales se font-elles au bénéfice d’une droite droitisée et pas de la gauche, même rassemblée ?
Vincent Tiberj, maître avisé des outils d’analyse des opinions, a l’immense mérite de nous montrer qu’il n’y a nulle fatalité dans ce décalage du « bas » et du « haut ». Mais encore faut-il pousser jusqu’au bout le décryptage du mystère ultime. Pourquoi, alors que les valeurs humanistes progressent, est-ce que ce sont les valeurs contraires qui prévalent dans le champ politique ? Pourquoi les mobilisations électorales se font-elles au bénéfice d’une droite droitisée et pas de la gauche, même rassemblée ?
Il ne suffira pas alors d’incriminer les méchants de l’autre camp, les cyniques de l’entre-deux ou les tièdes du côté gauche. Le problème est du côté de la gauche dans sa globalité, de ce qu’elle est, de ce qu’elle a fait, de la manière dont elle fonctionne et de sa capacité à se renouveler sans se renier. L’extrême droite a hélas su le faire ; pourquoi pas la gauche ?
Au fond, les récentes législatives nous donnent bien l’image d’une réalité à double face : le premier tour a illustré une fois de plus la prégnance accrue des valeurs de fermeture dans l’espace politique, mais le second a montré qu’une majorité n’entendait pas qu’elles deviennent officiellement l’ossature des pouvoirs institués.
Il reste donc à faire, d’un projet fondé sur l’ouverture et la tolérance, la base légitime des majorités à venir. La gauche n’y est pas parvenue à ce jour. Qu’elle surmonte ses propres limites pour atteindre cet objectif est donc désormais un enjeu crucial. La crise politique est trop profonde pour qu’elle se permette de contourner la tâche du renouveau.
- Vincent Tiberj, La droitisation française : mythe et réalités, PUF, à paraître le 4 septembre ↩︎
Ne votent plus que les gens qui ont quelque chose à perdre…
Et une grande partie d’entre eux, encouragée longtemps grandement par une « certaine » gauche qui croyait la représentée toute entière, en sont venu à croire qu’il n’y avait aucune alternative à la lente destruction du modèle francais issu du Conseil National de la Résistance car la guerre des classes avait manifestement bel et bien été gagnée par les « riches » (30 ans de politique de « droite » ont fini de les convaincre que c’était le cas).
Dans ces conditions, pourquoi s’étonner que les gens, pragmatiques votent plutôt a droite pour ceux qui leur proposent de protéger leurs intérêts propres (TINA)? Rassurons nous tout de même, il est notable que ceux ci cherchent malgré tout à mettre en place des solidarités à des échelles plus resserrées. Il ne manque plus qu’à les convaincre que le projet de la gauche « de rupture », qui porte l’Intérêt Général sera effectivement meilleur pour chacun d’entre eux que celui qui promet de sauvegarder des intérêts communs et/ou particuliers (mais pour combien de temps)…
Ce sera certainement plus facile lorsque le PS aura définitivement choisi son camp.
Il existe un document validé par la « gauche » de gouvernement : celui du programme du NFP qui n’a pas été diffusé et popularisé, faute de temps entre les deux tours des législatives. Il contient des idées fortes et majoritaires dans le pays. Qui est contre un relèvement du SMIC ? Qui est contre des services publics performants? Qui est contre une réforme fiscale qui assure plus d’équité ? Qui est contre une Europe de la solidarité et de la paix ? Bien entendu, il y a des contre : le Medef a dit clairement qu’une augmentation du SMIC ruinerait l’économie, n’est ce pas un dogme idéologique extrémiste ? Bien entendu, la grande bourgeoisie des propriétaires et des nantis est contre une réforme équitable de la fiscalité. Mais sont-ils les représentants de l’intérêt général ou les représentants d’une caste ? La gauche a tout à gagner culturellement, culturellement, moralement et politiquement à se réaffirmer pour ce qu’elle a toujours été lorsqu’elle a gagnée : une force plurielle, unie, résolument sociale et écologique. Au contraire, elle a tout à perdre en essayant de trouver des compromis avec ses faux amis et ses adversaires.