La droite contre 1789

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Sous couvert d’union des droites, une autre bataille s’avance : celle contre les Lumières et l’idée d’égalité. Une droite en train de redevenir ce qu’elle fut longtemps : anti-républicaine.

François Mitterrand aimait dire que la dernière fois que la droite avait gouverné en France, c’était sous la Restauration (1814-1830). La formule disait une chose simple : depuis la Révolution française, la droite n’exerce plus le pouvoir dans son ordre. Elle dirige parfois, mais toujours à l’intérieur du monde né de 1789, celui de la souveraineté populaire, de l’égalité en droit, de la République. Depuis deux siècles, la droite gouverne dans un cadre qu’elle n’a pas choisi mais avec lequel elle compose, celui de la modernité démocratique.


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Or voilà que ce cadre, aujourd’hui, se fissure un peu partout, en France et dans le monde. Et la droite française se redéfinit.

Ce qu’on appelle en France « l’union des droites » n’est pas qu’une recomposition électorale entre les héritiers de la Manif pour tous, les zemmouristes et les macronistes fatigués. C’est une mutation plus profonde, une tectonique idéologique qui relie Paris à Washington, Rome à Budapest et Buenos Aires. Partout, une partie de la droite s’arrache au vieux compromis d’après-guerre. Elle ne se contente plus de vouloir réduire l’État social ou flatter le capital. Elle s’en prend désormais aux fondements de l’ordre politique issu des Lumières : la raison, l’égalité, la démocratie.

Du président argentin Javier Milei au vice-président étasunien J.D. Vance, la rhétorique est commune : l’État de droit serait une fiction libérale, l’égalité une illusion destructrice, la démocratie un carcan empêchant les peuples de s’exprimer. C’est une droite qui ne cherche plus à gouverner la République mais à la défaire. Une droite qui revendique l’inégalité comme principe naturel, la religion comme identité politique, la hiérarchie comme ordre du monde.

Partout, une partie de la droite ne se contente plus de vouloir réduire l’État social ou flatter le capital. Elle s’en prend désormais aux fondements de l’ordre politique issu des Lumières : la raison, l’égalité, la démocratie. Elle revendique l’inégalité comme principe naturel, la religion comme identité politique, la hiérarchie comme ordre du monde.

Bien sûr, toutes les personnalités de droite ne se reconnaissent pas dans cette dérive et tous les militants ne sont pas acquis à l’idée d’union des droites. Une partie de la droite française continue de se revendiquer républicaine, sociale, attachée à l’État de droit. Ce fil-là conduisit certains d’entre eux dans la Résistance ce qui, après 1945, permis à la droite de ne pas sombrer sans l’opprobre de la collaboration et d’exister à nouveau. En embrassant la souveraineté, la résistance, la nation comme construction politique, la droite s’arrimait alors au projet républicain et social.

La droite française s’est sauvée quand elle a compris que le monde avait changé, quand elle a admis que les privilèges étaient caducs, que la liberté de conscience était irréversible, que la laïcité s’imposait, que l’État-providence n’était pas un accident mais un progrès. C’est lorsqu’elle accepte les conquêtes démocratiques, de 1789 à 1948, qu’elle se légitime. Et c’est lorsqu’elle s’y oppose qu’elle se perd.

En se mettant aujourd’hui à la remorque du Rassemblement national, la droite radicalisée met non seulement la République en péril, mais elle-même. Elle sombrera si elle s’écarte de la justice, de la solidarité, du respect du droit. Elle se prolongera si elle fait sienne les conquêtes démocratiques qui, des Lumières à la Libération, ont bâti notre civilisation politique : l’habeas corpus de 1679 contre l’arbitraire, la déclaration anglaise des droits de 1689, la déclaration française de 1789, les préambules constitutionnels successifs et la déclaration universelle de 1948. La droite qui renonce à la République se perd.

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