Izïa Higelin n’est pas la première victime du crime de lèse-macronie

higelin

Et elle ne sera sûrement pas la dernière…

En 2013, François Hollande avait aboli « l’offense au chef de l’État ». Et si elle n’a pas été rétabli dans la loi, en Macronie, on ne se moque pas du Roy. On ne touche pas à sa figure sacrée. Depuis ce 14 mai 2017, jour saint marquant son accession à la fonction suprême, jour mémorable où le premier acte du Président Macron aura été de se rendre en pèlerinage à la basilique Saint-Denis pour s’imprégner de l’âme des rois de France.

Lire aussi sur basta.media → Outrages envers Macron : « Ce n’est pas parce que des propos sont grossiers qu’on peut les interdire »

Alors imaginez un concert, six ans plus tard, où une jeune chanteuse aurait pamphletisé le locataire de l’Élysée, imaginant un lynchage collectif des plus colorés. Qui est-ce qui l’attend à la sortie de la scène ? Les gendarmes. À se croire le 17 novembre 1970, quand le journal Hara-Kiri a été interdit pour s’être moqué de la mort de De Gaulle.

Izïa Higelin, jeune chanteuse, s’est cru au pays de son père, au pays de Charlie, où la liberté d’expression est une valeur cardinale, d’autant plus pour les artistes. Un « dérapage », selon franceinfo – faut-il s’étonner des approximations sémantiques de la part d’un média qui qualifie d’étrangers des Français noirs et arabes ? Mais le pire dans tout ça, c’est qu’elle n’est pas naïve. À peine avait-elle fini sa diatribe qu’elle lançait à la foule : « Je vois déjà le gros titre de Nice-Matin demain : Izïa appelle au meurtre de Macron ». Et ce fut exactement le cas. La Macronie est la chose la plus prévisible au monde, où le pire est toujours possible.

Izïa Higelin, hors de l’arc républicain ?

Bien entendu, les chiens de garde du Président ont de suite poussé leurs cris d’orfraie habituels : c’est la République qu’on assassine ! Point de liberté artistique, point de liberté d’expression, Izïa Higelin lance un appel au meurtre, rien de moins. Son concert du 14-Juillet, prévu à Marcq-en-Barœul, a de suite été annulé car sa présence « serait en contradiction avec les valeurs de rassemblement qui prévalent lors de notre Fête nationale », dixit le maire LR de la commune. De surcroît, une enquête de police a été ouverte par le parquet de Nice pour « provocation publique à commettre un crime ou un délit ».

Izïa Higelin est loin d’être la première à subir les foudres jupitériennes.

En 2022, un ancien publicitaire avait été condamné à 5000 euros d’amende pour « injures publiques » au président de la République pour avoir affiché deux montages d’Emmanuel Macron en Adolf Hitler, et ce slogan : « Obéis, fais-toi vacciner ». La Cour de cassation avait finalement annulé cette condamnation, au nom de la liberté d’expression. En mai dernier, à Avignon cette fois-ci, une affaire similaire a eu lieu. Des dizaines d’affiches représentant Emmanuel Macron en Hitler ont été placardées dans la ville. Une enquête pour injure publique envers le Président et provocation à la rébellion a été ouverte.

On pense également à ce retraité de l’Eure, 77 ans, qui avait placé une affiche « Macron, on t’emmerde » sur sa maison, en pleine séquence de réforme des retraites. Convoqué au commissariat dans un premier temps – il évitera la garde à vue « étant donné son âge » –, il sera finalement condamné à un stage de citoyenneté pour outrage à personne dépositaire de l’autorité publique. « Je n’en ai rien à foutre, mais on va bien se marrer », avait alors réagi le bougre.

On pense aussi à cette dame, simple citoyenne, qui avait eu le malheur de qualifier Emmanuel Macron d’« ordure » sur sa page Facebook. Poursuivie pour « outrage à personne dépositaire de l’autorité publique », après une plainte du sous-préfet, elle passera huit heures en garde à vue et sera convoquée au tribunal. Elle n’a, in fine, pas été jugée, « en raison de la nullité de la procédure », avait indiqué le procureur. En effet, il aurait fallu qu’Emmanuel Macron en personne dépose plainte, puisque c’est lui qui est insulté. Une tentative d’intimidation manquée. C’est l’exception qui confirme la règle.

On pense enfin aux décrocheurs de portraits de Macron, condamnés pour « vol en réunion », alors qu’ils ôtaient des mairies les portraits officiels du Président dans le but de dénoncer son inaction climatique.

Et que penser, par ailleurs, du violent plaquage au sol qu’a subi un jeune homme, en avril dernier, alors qu’il chantait l’hymne des gilets jaunes à quelques mètres du chef de l’État ?

Seule constante à toutes ces histoires : jamais Emmanuel Macron ne commente quoi que ce soit. Jamais Jupiter ne descend de l’Olympe.

BONUS. Conseils à Izïa Higelin

Izïa Higelin a fait l’erreur de s’en prendre au chef de l’État en improvisant, alors qu’elle aurait pu rester dans la tradition française et citer « Le Déserteur » de Boris Vian :

« Vous êtes bon apôtre
Monsieur le Président
Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je n’aurai pas d’armes
Et qu’ils pourront tirer. »

Ou pourquoi pas un bon vieux Brassens qui le jour du 14-Juillet reste dans son lit douillet. Ou, quitte à parler prise de la Bastille, évoquer directement les paroles de « La Marseillaise » en lançant un brave « Aux armes, citoyens ! »

Ou tiens, puisque c’est d’actualité, Izïa Higelin aurait aussi pu se moquer de la police. Mais elle n’a pas chanté « L’Hécatombe » de Brassens : 

« En voyant ces braves pandores
Être à deux doigts de succomber
Moi, j’bichais car je les adore
Sous la forme de macchabées
[…]
Ils tombent, tombent, tombent, tombent
Et selon les avis compétents
Il paraît que cette hécatombe
Fut la plus belle de tous les temps »

Elle n’a pas non plus déclamé « Dingue » de Ferrat : 

« Un flic tabasse
Un jeune en loques
Ça laisse pas d’traces
Justice en toc
Un flic qui casse
Comme un canaque
Putain d’ta race
Un beur qui claque »

Elle ne s’est pas prise pour Coluche, singeant « le flic » : « Oui ! Je sais, j’ai l’air un peu con. Mais l’uniforme y est pour beaucoup », ni pour Boris Vian : « La police est sur les dents, celles des autres, évidemment. »

On dit ça, on dit rien.

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14 commentaires

  1. J Philippe NARBEY le 11 juillet 2023 à 14:24

    Je suis consterné. le souci n’est pas tant d’appeler au lynchage du president mais bien d’appeler au lynchage d’ un etre humain qui qu’il soit. Cautionnez ca si vous voulez sous couvert d’envolée delirico artistique, je suis moi meme musicien (modeste) et j’évolue en permanence dans ce milieu , je n’ai jamais entendu PERSONNE tenir de pareils propos!!!!!
    Je dis ca je dis rien mr LECLERC. Apres cette dame dit ce qu’elle veut libre a chacun de cautionner ou pas…

    • Mackno le 11 juillet 2023 à 15:47

      Ne dites rien alors.
      Merci d’avance.

      • PhP le 12 juillet 2023 à 11:07

        Si il faut dire car la liberté d’expression c’est fait pour ça que ça plaise ou non. Car je, tu, il, nous, vous et ils ont le droit de penser et dire des choses même si ça ne plait pas même à la majorité des personnes. N’est ce pas Mackno ?
        Bonne journée à tous.

    • C. Rohou le 11 juillet 2023 à 17:35

      Il s’agirait de la critiquer pour les mots dits. Certes, ce n’est pas courtois, ce ne sont même pas des mots bien choisis. Mais elle n’a appelé à rien. Elle dit ceci : « Il [Macron] s’est dit : là, ce qui serait bien, ce que le peuple veut (…) c’est qu’on m’accroche à 20 mètres du sol… » Ainsi, elle pose une perspective, celle d’un Macron tellement pervers que c’est lui, par ses actes et ses dires, qui appellerait le peuple à le punir d’une manière violente (battes, clous, sang, etc.). Elle donne son avis sur la dimension décalée du personnage, hors sol. Rien n’a de prise sur lui, au point qu’elle évoque ça, comme chacun de nous essaie de comprendre la psychologie de ce personnage hallucinant à sa manière. Elle exorcise très clairement la colère et le dégoût que Macron lui procure, lui, intouchable, méprisable, et lui renvoie ça (« mais gentiment, tu vois »).
      On peut critiquer ça. Je trouve que la forme est bancale, que le texte n’est pas bon, que l’expression de sa colère ne fonctionne pas car sans doute trop réfléchie et pas naturelle, mais elle n’a jamais appelé au lynchage. Elle nous dit, dans cet exercice d’exorcisation maladroit, qu’il va tellement loin que la seule explication qu’elle voit à sa « folie », c’est sa demande de le « libérer ».
      Lui faire dire ce qu’elle n’a pas dit… ça ne tient pas.

    • Michel GUÉNOT le 16 juillet 2023 à 22:51

      Que la paix soit avec vous…

  2. Zonasec le 12 juillet 2023 à 08:57

    Ce qu’elle a dit, la majorité des français-es en rêve, que ça plaise ou non aux autorités
    Aucun gouvernement ne peut interdire à ses esclaves de rêver

  3. F. Leclerc le 12 juillet 2023 à 12:58

    Il aurait été préférable que l’article reparte des faits, en citant ce qu’a dit Izïa Higelin. Cela aiderait à comprendre ce qui est en jeu.

    Quoi qu’il en soit, Macron et ses sbires seraient plus crédibles quand il s’en prennent à leurs opposants, le mot RÉPUBLIQUE plein la bouche, s’ils étaient cohérents et envoyaient au tribunal les factieux d’Alliance et UNSA-Police qui publient des communiqués séditieux.

  4. Php le 13 juillet 2023 à 08:35

    En effet, il est toujours préférable de publier les propos originaux qu’une interprétation subjective voir polémiste des propos. Pour que chaque citoyen (qui ne sont pas tous dénués de cerveau) puisse se faire sa propre opinion.
    Petite observation à la famille de journaliste de quelque opinion soit elle, vous êtes sûrement plus cultivé que certains français mais vous ne détenez certainement pas la vérité, seulement la votre.

  5. Berthelot Jacques le 14 juillet 2023 à 06:49

    Toutes et tous les commentateurs n’étaient pas au concert d’Izia.
    Pour cette raison , il aurait fallu publier l’intégralité des propos d’Izia , pour pouvoir se faire un avis digne de ce nom.
    C’est comme celle et ceux qui parlent d’un livre ou d’un film qu’elles et ils n’ont ni lu ni vu, en répétant mécaniquement ce que des critiques en ont dit.
    Tout en rappelant tout de même que la peine de mort est abolie , qu’en principe la torture n’est pas légale en France et que le lynchage , acte ignoble , abus de pouvoir , la mise en scène de la violence, d’un châtiment ne sont pas des valeurs de gauche.
    Il n’est pas question d’interdire mais la liberté d’expression n’interdit pas la lucidité et de dire que des propos sont contestables, ambigus, violents sinon la notion de débat n’existe plus et on met l’esprit critique à la poubelle.
    le rapprochement avec le texte de Boris Vian , non violent semble hasardeux…..

  6. Justice4ALL le 15 juillet 2023 à 18:20

    Ils veulent faire un « exemple » avec elle (IZIA HIGELIN) comme ils en ont fait avec d’autres bien avant !C’est comme ça que fonctionne la « république » et, qui s’oppose par moment à la « démocratie » !!!Dissuader plutôt que punir !Réprimer quand on peut pas détruire … »caveant consules! » ### (que les consuls prennent garde!)1er mot d’une formule qui se complète par « ne quid detrimenti republica capiat ! » (Afin,que la république n’éprouve aucun dommage!) et, par laquelle le sénat romain ,dans les moments de crises accordait aux consuls ,les « pleins pouvoirs » …On y est !

  7. le.bare le 22 juillet 2023 à 14:46

    Ugh! Avez-vous déjà oublié les arrogances, les violences mentales et physiques, la répression avec tout son cortège de mutilations de l’illégitime Macron et de ses sbires? Seront-ils entendus une seule fois par les gendarmes, eux les « intouchables »? IZIA est une combattante, dans la lignée de toutes celles de la libre-pensée et de la libre expression victimes de l’oppression, mais également des Brassens ( suite du texte d’Hécatombe « mort aux cons, vive l’anarchie! » ) et des Vian (j’irai cracher sur vos tombes…) ou encore à Henri Tachan…
    En soutien à ces « combattantes » nous vous invitons à écouter/regarder/abonner notre single/vidéo : Sur youTube : https://youtu.be/f1_Hn-uqfNs

    Pour mieux nous connaître et diffusion du single par liens plateformes musicales et laisser vos commentaires, site web : https://le-point-bare.monsite-orange.fr/
    https://open.spotify.com/album/2RIQELoKHwY74TypBCwhil?si=_pdLcxUYQWy_pKeILwJ01g
    également sur deezer et itunes…
    Il suffit de la résilience et de la bienveillance, LQR néolibérale qui soumet et rend complaisant! YA BASTA!

  8. Berthelot Jacques le 31 juillet 2023 à 17:09

    Il n’y a pas eu de première version  » interdite » de la chanson « le déserteur ».
    Parce qu’elle n’a pas été enregistrée, interprétée ,diffusée avec la fin suivante :
    « Si vous me poursuivez
    prévenez vos gendarmes
    que j’emporte des armes
    et que je sais tirer »
    Mouloudji qui devait être le premier interprète parle de cette fin à Vian qui vient d’écrire le texte :
    « Ce déserteur qui veut tuer des gendarmes pour ne pas aller se battre ,c’est curieux.
    Mouloudji le lui fait remarquer, il est intéressé mais n’approuve pas cette fin.Boris est d’accord avec lui, cependant il butte dessus.Ils trouvent ensemble cette chute :
    « Si vous me poursuivez
    prévenez vos gendarmes
    que je n’aurai pas d’armes
    et qu’ils pourront tirer »
    Mouloudji ajoute donc le titre à son répertoire »
    Source : Boris Vian par Claire Julliard ( folio biographies)

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