Immigration : les gauches européennes cèdent à l’extrême droite
Courant après une « opinion publique » abreuvée des thèses de l’extrême droite, la gauche en finit par prendre le « problème » migratoire pour acquis.
En Allemagne, le chancelier social-démocrate, Olaf Scholz, a décidé de renforcer les contrôles aux frontières pour lutter contre l’immigration clandestine. Au Danemark, qui avait été en 1952 le premier pays au monde à ratifier la convention de Genève sur les réfugiés, les socialistes se sont mis à assumer une politique migratoire qui fait de leur pays un champion des restrictions migratoires.
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Est-ce la réalité des problèmes sociaux qui pousse à ce choix ? Non. On s’y résout parce que l’extrême droite a imposé son credo anti-immigration comme une donnée d’évidence. Et, comme toujours lorsqu’elle marque des points, il se trouve des forces pour expliquer que les questions posées par elle sont pertinentes et qu’il faut simplement y répondre autrement. En Allemagne, Sahra Wagenknecht le dit depuis longtemps, alors même qu’elle a été une figure de l’aile gauche de Die Linke. Et ses propos ont trouvé chez nous à l’époque des échos favorables, y compris au sein de La France insoumise.
Nous revoilà en tout cas au point de départ, à un moment où la scène politique européenne s’infléchit vers la droite. Il ne faut pas donner des armes à l’extrême droite. Chercheurs, militants associatifs, experts du dossier migratoire peuvent toujours expliquer que les mouvements migratoires n’ont rien d’un tsunami, que le « grand remplacement » est une absurdité, que la montée des flux migratoires est un phénomène mondial (voir encadré ci-dessous), etc., les responsables n’en ont cure : si « l’opinion publique » pense que l’immigration est un « problème », il faut le traiter comme tel.
La nouvelle politique migratoire devra mettre en balance les intérêts de tous au lieu de pousser à fond le curseur dans une seule direction. Le défi est considérable : anticiper les « crises migratoires » annoncées par les instances situées en première ligne ; mobiliser au plus tôt les moyens humains nécessaires (et pas seulement sous forme d’emplois précaires) ; rappeler les réussites tout autant que les échec de l’intégration ; saluer le rôle majeur des immigrés dans les emplois « essentiels » (et pas seulement par temps de pandémie) ; relayer publiquement les travaux qui, tels ceux de l’OCDE dans son rapport sur l’année 2001, démontrent que l’immigration rapporte plus au budget public qu’elle ne lui coûte ; rompre avec une logique perverse qui voudrait faire de l’intégration – voire de l’assimilation – une condition d’entrée sur le territoire, alors que l’intégration à la nation s’est toujours effectuée à force de temps, sur une ou deux générations, au prix d’un effort mutuel de toutes les parties. Bref, sortir du déni.
François Héran, Immigration : le grand déni, Seuil, La République des idées, 2023
On conviendra ici que la réalité des migrations se prête mal au jeu des oppositions extrêmes, à la sanctification des murs comme à l’affirmation éthique du « no border ». Mais quand, à gauche, on commence à expliquer que « nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde », on finit très vite par se trouver pris dans un engrenage qui, au nom du réalisme, conduit à des reculs successifs et, à l’arrivée, à l’abandon même des valeurs. Car, le contrôle accru des frontières n’étant en aucun cas une solution, s’y engager conduit inexorablement à devoir aller toujours plus loin dans la solution répressive. Cela ne pose aucun problème si, comme à l’extrême droite, on pense que la clôture nationale est en elle-même une valeur.
Mais si l’on s’y refuse, on doit avoir d’autres ambitions que celles de faire mieux que la droite ou l’extrême droite et, en aucun cas, on ne peut laisser croire qu’une gestion humaine volontaire des flux migratoires repose d’abord sur des moyens techniques de contrôle. Pour « accueillir » – et comment ne pas le faire quand on sait que les migrations continueront d’augmenter à l’échelle planétaire ? –, il faut une société compatible avec l’exigence de partage, de solidarité, d’impératif absolu des droits humains, d’inclusion et non d’exclusion.
Si la gauche n’est pas capable de se porter à ce niveau de projet, si elle n’installe pas le récit de cette société nécessaire et possible, elle se perdra elle-même et elle perdra, sur le terrain des valeurs tout autant que sur celui du réalisme.
La question de l’immigration ne peut pas être abordée sans tenir compte, entre autres, de l’épaisseur du racisme, de l’interprétation de la laïcité, des leçons de l’histoire, des difficultés socio-économiques et des causes et conséquences du changement climatique. Se replier sur des modes de pensée identitaires en construisant des murs de béton ou des barrières de barbelés est un faux-semblant qui permet à l’extrême droite française, européenne ou américaine de prospérer en évitant soigneusement les débats sur le fond. Si la gauche française ne se saisit pas de cette approche globale avec ses valeurs et ses ambitions de solidarité, de fraternité pacifique, d’émancipation, de développement des droits humains, d’intelligence collective, elle perdra cette bataille.
Merci !
On ne combat par l’extrême droite en adoptant ses idées.
Et, quand on est démuni, on ne sort pas de sa condition en en rendant responsable plus démuni que soi.
Stigmatiser les immigrés, tout autant que stigmatiser les chômeurs, c’est, quand on est exploité, tomber dans le piège de la rengaine du bouc-émissaire.
Question: Peut-on « rattraper » ceux qui sont tombés dans le « piège »?
Regards, ton titre, son contenu, s’il en a un, sinon refaire notre manif de troisième à l’infini, fait monter l’extrême droite de trois points supplémentaires en quinze secondes.
Tenir vaillamment la barricade quand l’ennemi tire des balles en coton t’occupe, mais ça peut bientôt canarder pour de vrai.
Je suis contre l’absence de contrôles aux frontières ( historiquement chères au patronat, tu le sais ), je suis pour le contrôle de l’immigration et je suis de gauche, depuis ma troisième.
Effectivement être de gauche c’est avant tout se préoccuper de l’accroissement de la pauvreté dans ce pays avant de chercher à en importer davantage pour accroitre encore les difficulté des plus pauvres pour se loger, trouver un travail, se soigner, manger à sa faim, se chauffer en hivers… mais la gauche bourgeoise se désintéresse du sort des pauvres car l’unique chose qui l’a préoccupe c’est d’avoir bonne conscience. En réalité les bourgeois ont noyautés la gauche afin que la progression de la misère, dans leur propre pays, puisse leur assurer des votes tout en préservant leurs privilèges. Leur stratagème est évident : laissons s’installer la misère car les miséreux votent pour nous. Mais les miséreux ont pris conscience de la duplicité de ceux qui prétendent les défendre tout en contribuant à accroitre leurs difficultés quotidiennes, alors ils votent autrement.
Ils seront de nouveau trahis par ceux qui manipulent leur aspiration à une vie digne et à un meilleurs avenir pour leurs enfants car leurs préoccupations ne sont sincèrement jugées essentielles par aucun partie politique, même pas par les communistes d’aujourd’hui qui sympathise avec Édouard Philippe, le bourreau des Gilets Jaunes. Le problème de notre époque n’est pas le populisme mais l’invisibilisation de la lutte des classes et que le mépris des pauvres soit devenue, même à gauche, politiquement correcte.
« si « l’opinion publique » pense que l’immigration est un « problème », il faut le traiter comme tel. »
Sans aucune ironie : oui.
Est-ce que quelqu’un s’est demandé pourquoi le discours d’extrême-droite a pris autant d’importance pour « l’opinion publique »? »
Est-ce qu’il ne faudrait pas commencer par tarir ce qui alimente en énergie ce vote du désespoir?
Pourquoi les gens en sont ils venu à croire que leurs maux s’évaporeraient en même temps que disparaîtraient les « étrangers »?
Il y a toujours eu une gauche un tantinet « raciste »… Qui se rappelle par exemple du foyer de travailleurs maliens à Vitry ? Travailleurs maliens qui ont eu, plus que quiconque dans cette affaire, à supporter dans leurs chairs (par le froid de l’hiver sans chauffage) et dans leurs têtes (par la peur de se retrouver agresser), les effets de la vindicte du PCF qui alors semblait avoir oublié pour l’occasion la formule incantatoire: “Prolétaires de tous pays, unissez-vous !” A défaut d’avoir produit assez d’efforts pour les unir dans une « conscience commune » avec pour horizon leur émancipation propre, cette gauche a préféré alors opposer les travailleurs sur les mêmes bases que le patronat: ce qui était une solution pour le second, l’immigration, devenait donc un problème pour la première ! Alors, qu’il était là le piège… Comment n’a t’elle pas vu que c’était en accompagnant massivement les travailleurs immigrés vers la reconnaissance de leurs droits que l’immigration serait alors devenue « une voie sans issue » pour obtenir de la maind’oeuvre corvéable à merci aux yeux du patronat qui aurait constaté de fait avoir renforcé encore le nombre des porteurs de revendications sociales sur le sol national !
https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/caa8001946101/foyer-malien-a-vitry
https://youtu.be/sCfVkATt1vs?si=y9lDBMpPKTKo8urn
Bref, le racisme est une construction sociale bien pratique quand on n’a plus d’idées…
Et actuellement, elle est fort utile à tous ceux qui souhaitent faire croire que décidément NON, il n’y a plus aucune alternative face à l’appétit des puissants et des riches!
Et puisque la recette visant à s’en prendre à plus faible que soit, réussit parfaitement à ceux qui ont transformé à leur profit la société en « chaîne alimentaire » (puisqu’installés à son sommet), les électeurs d’extrême-droite paupérisés par l’incurie des plus riches, voient comme une solution pour échapper à leur destin tragique (le notre à tous finalement dans cette société inique), le programme de l’extrême-droite qui consiste à spolier de leur droits les plus fragiles qu’eux que sont les immigrés.. mais aussi… les minorités visibles (car il s’agit d’un cercle vicieux qui n’aura pas de fin et pour chaque bouc-émissaire un autre lui succèdera inévitablement)!
Pour combattre l’extrême droite, il faut s’en prendre à la croyance qui assène qu’un autre monde n’est pas possible!
Il faut aussi que la gauche accompagne Toutes les luttes sociales, plutôt que de radoter que « l’Etat ne peut pas tout »!
Le pouvoir pour le pouvoir n’est rien… c’est pour ce qu’on doit en faire qu’il a de l’importance! Si le fourvoiement des « Ruffin » et « Roussel » laisse entrevoir un peu de cet héritage peu avenant, l’un avec sa « France des bourgs et des Tours », l’autre avec ses « frontières-passoires », on attend avec impatience que le NFP, une fois débarrassé de tous les boulets qu’il traîne dont le principal reste le parti socialiste, travaille à renforcer « l’éducation populaire », les médias « alternatifs » autant qu’elle devrait supporter tous les combats sociaux, progressistes et écologistes aux côtés de ceux qui les mènent!