Gouverner, mais comment ?

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Après la censure, la gauche se cherche et les stratégies divergent.

Le gouvernement intérimaire de Michel Barnier est tombé. On a fait un pas de plus vers la crise de régime. Ses causes sont connues : dissolution précipitée et incomprise, non-respect du résultat. Le Rassemblement national a raté la dernière marche en juillet dernier mais il a montré son pouvoir d’indiquer la sortie à ses locataires.


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Du Président en exercice, on n’attend que le pire. Il est ainsi aisé de se convaincre que seule une élection présidentielle anticipée permettrait de retrouver la dynamique majoritaire que son arrogance et sa cécité ont fait éclater. Faut-il pour autant vouloir la précipiter ? Dans le marasme actuel et alors que le RN confirme sa force d’attraction… rien n’est moins sûr. Alors qu’à trois reprises, entre 2017 et 2024, la gauche a cumulé ses plus mauvais scores législatifs, nul ne sait ce que les dés jetés vont indiquer. De plus, un Président élu dans l’urgence bénéficiera-t-il d’un soutien politique authentique ? En tout cas, jusqu’à l’été, on vivra avec une Chambre chaque jour plus divisée. Dans ces conditions, la gauche peut-elle s’offrir le luxe d’un simple petit tour à Matignon ?

Gouverner par ces temps de tempête n’est un cadeau pour personne. Faut-il donc vouloir assumer les responsabilités gouvernementales ? La gauche dit qu’elle le souhaite et elle a raison. En fait, elle n’a pas le choix. Si elle s’affirme disponible uniquement pour la forme, elle laisse la gouvernabilité à une droite qui passera davantage encore sous les fourches caudines du Rassemblement national. La gauche doit vouloir sincèrement gouverner et, pour cela, créer les conditions pour qu’il soit de plus en plus difficile, en décembre, de récuser une légitimité de gouverner à gauche qui a été dédaignée à l’été.

Sur ce point, les écologistes et les socialistes viennent de faire deux ouvertures. Au nom du groupe écologiste, Cyrielle Chatelain propose une « feuille de route pour gouverner », sous la forme d’un « socle de onze mesures prioritaires », assorti d’une proposition d’entente, à savoir l’engagement de ne pas utiliser de 49-3 si une partie de la droite renonce à censurer le gouvernement. C’est une logique de compromis raisonnable qui est proposée, rendant possible les accords partiels à l’Assemblée… jusqu’à de nouvelles élections.

Sur France Inter ce matin, Olivier Faure tient un propos voisin. Il récuse l’idée de provoquer une présidentielle anticipée et reprend l’hypothèse d’un deal (non-censure contre non-recours au 49-3). Il éloigne sans le dire la formule maximaliste « Le programme, tout le programme et rien que le programme ». Il propose à la place une autre formule : « Le NFP au gouvernement [donc avec son programme] et le front républicain à l’Assemblée [donc en cherchant des compromis partiels marginalisant le Rassemblement national] ».

La gauche a intérêt à débattre de telles propositions ou d’autres encore, peut-être. Il lui faudra trancher entre des hypothèses différentes, sans masquer les contradictions qu’elle devra affronter. Gouverner, même pour quelques mois seulement, dans un rapport de forces si défavorable, n’est pas sans risque majeur : celui que le RN apparaisse comme seule issue aux échecs répétés de la droite et de toute la gauche. Mais ne pas vouloir gouverner, c’est laisser l’extrême droite orienter l’action gouvernementale, sans assumer la responsabilité de son exercice. Renoncer à gouverner serait rester sur le bord du chemin et contempler la course entre une droite désemparée et une extrême droite sûre que son temps est venu, en France comme ailleurs.

Refuser aujourd’hui les responsabilités du pouvoir ou s’en exclure par des conditions inatteignables, c’est décider soi-même de se mettre sur la touche, sans qu’il soit besoin des habituels oukases décrétés par les adversaires. Entre les aléas du pouvoir et la splendide inutilité, le danger le plus redoutable dans l’immédiat est dans le second terme de l’alternative.

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