Contre-réforme des retraites : Artus et Aghion jouent aux apprentis sorciers
Les deux apprentis économistes formulent une proposition « ruse rusée » pour faire passer la réforme des retraites : une clause de revoyure. En voilà une idée qu’elle est brillante (non).
La contre-réforme des retraites est rejetée très massivement par les Françaises et les Français. Il n’y a qu’une moitié des retraités pour se dire « Après moi le déluge » et à être favorable au recul de l’âge de la retraite de leurs enfants et petits-enfants. Sinon, pour les moins de 35 ans, c’est du 80% contre, du 83% pour les ouvriers, du 81% pour les employés, et du 74% pour les femmes – soit cinq points de plus que les hommes[[Sondage Ifop réalisé les 17 et 18 janvier 2023.]].
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Mais les économistes très en vue Philippe Aghion, du Collège de France, et Patrick Artus, de Natixis, sortent de leur chapeau la formule magique pour faire avaler la pilule : « Avec la réforme, a expliqué le premier le 13 janvier dernier sur BFM Business, on sera à 63 ans et un trimestre d’âge légal en 2027. Je propose qu’il y ait une clause de revoyure et que, à ce moment-là, le nouveau gouvernement partira de là pour décider de la poursuite ou non du recul de l’âge de départ. »
Je dirais même plus, a expliqué Patrick Artus sur France Inter le 21 janvier, « on pourrait avoir un objectif de court terme et un objectif de long terme. Le gouvernement s’engage sur une durée trop longue. On pourrait mettre la fameuse clause de revoyure avant 2030. Une étape intermédiaire avant 2030 serait de nature à apaiser les relations sociales aujourd’hui ».
Et pour justifier une réforme visant à retarder l’âge de départ à la retraite, le conseiller de Natixis se réfère à la nécessité absolue de l’équilibre financier et à l’impossibilité d’alternatives. C’est dire s’il croit peu lui-même à ce qu’il évoque par ailleurs comme l’augmentation du taux d’emploi des jeunes et des seniors. Pour ne rien dire de l’augmentation du taux d’emploi et légalité des salaires hommes-femmes, laissée une fois de plus sous un épais tapis d’économiste en vue.
Je réforme à l’italienne
Pour justifier la réforme, l’économiste du Collège de France ne privilégie pas l’équilibre financier du système mais ce qu’il appelle « l’approche Draghi » : « L’État montre un sérieux budgétaire. Il donne un signal qui va donner une crédibilité à l’égard des marchés financiers et de nos partenaires européens pour pouvoir faire les investissements et les réformes qu’on doit faire pour l’éducation, la santé, la réindustrialisation par l’innovation. » Sauf que dans la vraie vie, ce qui va avec la contre-réforme des retraites, ce ne sont pas du tout des investissements matériels et humains dans l’éducation, la santé et pour la réindustrialisation, mais des réformes pourries comme celle de l’enseignement professionnel ou l’exercice du métier de professeur des écoles au-delà de 62 ans. Et toutes les autres réformes comme celles du chômage qui visent à « revaloriser » le travail en abaissant les salaires et en soumettant les travailleurs.
Que Philippe Aghion vante l’approche Draghi est tout de même un terrible signe de l’état des économistes qui prétendent participer au débat public au nom de la science économique et du pragmatisme. Et qui ont à ce point oublié de faire de l’économie politique. Car, enfin, à l’heure de la « revoyure électorale et gouvernementale », l’approche Draghi a bel et bien mené tout droit au gouvernement de la néofasciste Giorgia Meloni.
Et c’est vraiment jouer aux apprentis sorciers que de vouloir arracher ici et maintenant un recul de l’âge de la retraite, tout en mettant au centre de l’élection de 2027 « une clause de revoyure » sur la continuation du recul de l’âge de la retraite jusqu’à 64 ans.