Congrès PS : après la défaite, les petits espoirs de nuisance des anti-Faure

Le résultat du congrès des socialistes dessine un parti scindé en deux camps. De ce fait, les opposants internes n’envisagent pas de quitter la « vieille maison ». Ils pourraient disposer d’une importante minorité de blocage dans les instances internes.
Ils juraient qu’ils allaient gagner. A les entendre, c’était leur moment, ils allaient prendre la direction du Parti socialiste (PS). Encore râté. Le maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, a échoué une deuxième fois. L’agrégat d’opposants internes qui le soutenaient, du très médiatique maire de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) Karim Bouamrane à la présidente de la région Occitanie Carole Delga en passant par le député de l’Eure Philippe Brun, la maire de Vaulx-en-Velin (Rhône) Hélène Geoffroy, la sénatrice Laurence Rossignol ou le député de l’Essonne Jérôme Guedj, n’aura pas suffi. « NMR » recueille 49,1 % des suffrages. Si près d’Olivier Faure (50,9 %), le premier secrétaire du parti réélu. Quelques centaines de voix seulement séparent les deux hommes.
Mais ces opposants sont loin de s’avouer vaincus. Dans la nuit du 5 au 6 juin, alors que les résultats remontent fédération par fédération, Hélène Geoffroy et David Assouline convoquent la presse. Selon eux, les résultats provisoires, plaçant déjà l’édile de Rouen en deuxième position, seraient une semi-victoire. « La direction d’Olivier Faure a été mise en minorité au premier tour. Et maintenant, nous sommes au coude-à-coude », estime Geoffroy qui rappelle que le premier des roses n’a obtenu que 42,21 % des voix le 27 mai.
Les résultats de ce congrès dessinent un PS scindé en deux blocs. Si la ligne « unitaire » l’a emporté d’une courte tête, la ligne politique reste des plus floues, ce qui pourrait condamner le parti à chercher d’éternelles synthèses. De ce fait, les opposants à Olivier Faure pourraient tout-à-fait continuer de peser en interne et infléchir la stratégie du parti pour les municipales et la prochaine présidentielle. En effet, le premier tour du congrès a placé Olivier Faure en minorité relative au sein du conseil national, son score correspondant à 86 sièges. Quant à la motion défendue par « NMR », elle se hisse à 40 %, équivalent à 83 sièges. Une minorité de blocage existe donc. Et le premier secrétaire ne pourra l’ignorer. « C’est le seul premier secrétaire sortant qui fait moins de 50 %, c’est la première fois dans l’histoire du PS », prédisait un sénateur socialiste il y a plusieurs semaines. Il faudra aussi prendre en compte le courant de Boris Vallaud qui, dans l’espoir de s’autonomiser, pourrait être l’orientation pivot en interne.
Mino ou majo ?
« Cela fait trois congrès que la ligne d’Olivier ne cesse de s’effriter. Aujourd’hui, elle est minoritaire. C’est une inversion des courbes : celle d’Olivier Faure diminue quand la nôtre progresse », calculait Hélène Geoffroy juste après le premier tour du congrès. Les pronostics se vérifient dans les faits. Et la courbe pourrait même s’inverser. L’élection, le 19 et le 27 juin, des premiers fédéraux qui composeront le dernier tiers du conseil national, pourrait renverser le match. Dans le camp de l’édile de Rouen, on espère qu’une participation plus forte dans cette seconde phase du congrès donnera à son courant un second souffle. Mayer-Rossignol pourrait également compter sur de nouveaux soutiens au sein des instances puisqu’une partie non négligeable de signataires du texte d’orientation défendu par Boris Vallaud pourrait se ranger derrière les décisions de ce dernier.
En interne, le pouvoir de nuisance des opposants n’a donc jamais été aussi grand. « Nous avons déjà eu des victoires : on a réussi à gagner sur la liste autonome aux européennes en 2024, on a défendu le principe de non-censure avec le gouvernement pour ne pas participer au bruit et à la fureur des insoumis… On continuera », annonce Baptiste Ménard, membre du bureau national sortant, proche de Hélène Geoffroy et membre de La Convention, le micro-mouvement de Bernard Cazeneuve. Mais pour peser, encore faut-il que cette coalition tienne la route sur le long-terme. « Ils nous vendent une convergence depuis le congrès de Blois, ils ont eu le temps de faire quelque chose entre-temps et ils n’ont rien fait », raillait un soutien d’Olivier Faure au moment où la coalition d’opposants peinait à s’entendre sur leur candidat pour renverser le premier secrétaire.
Néanmoins, le risque d’implosion du parti existe. « Les partis sont mortels, il ne faut pas l’oublier », admet Nicolas Mayer-Rossignol dans le Parisien. Si Olivier Faure n’arrive pas à composer une direction collégiale intégrant tous les courants, les opposants internes voudront-ils savoir si l’herbe est plus verte ailleurs ? Dès mars dans Ouest-France, Carole Delga avait promis de claquer la porte du parti si Olivier Faure était réélu. « Le clanisme du parti est une meurtrissure. Je suis au bout de ce que je peux supporter », avait-elle lâché. Les soutiens de « NMR » pourraient-ils prendre le même chemin ? Après tout, les chefs de file de cette alliance anti-Faure ont tous lancé leur petite écurie : Karim Bouamrane a « La France humaine et forte », Philippe Brun « La ligne populaire », Carole Delga « La République en commun »…
Pas de grand départ ?
« Si Olivier Faure est réélu, la moitié du parti partira chez Glucksmann », redoutait-on dans l’entourage de Boris Vallaud en mars. Durant ce congrès, Nicolas Mayer-Rossignol n’a cessé d’insister sur ses contacts avec l’eurodéputé social-démocrate. Certains imaginent donc les anti-Faure poser leurs valises dans les locaux de Place publique, dans le 9e arrondissement de Paris, le petit parti de l’eurodéputé qui revendiquait plus de 10 000 adhérents lors de son dernier congrès en mars. « Le résultat du congrès PS ne change rien pour nous. Place publique garde une relation spéciale avec le PS et nous continuerons de travailler ensemble en vue des prochains rendez-vous électoraux, dit-on au sein de la communication de Place publique. Il est structurel que des militants passent d’un parti à l’autre, notamment à gauche, en fonction de l’actualité politique. Si Place publique représente une alternative attractive pour ceux qui ne se retrouvent plus dans le leur, c’est une bonne chose. »
Grande transhumance à venir ? Rien n’est moins sûr. Si les opposants sont repeints, par les soutiens d’Olivier Faure, en partisans du retour au hollandisme, ils rappellent qu’ils n’ont jamais cédé aux sirènes du macronisme et soulignent qu’ils se sont tous opposés à la déchéance de nationalité, portée en 2016 par Manuel Valls, alors Premier ministre. « Ils racontent ces histoires mais ce n’est pas vrai. Personne ne veut le retour aux années Hollande. C’est Olivier Faure qui instrumentalise cette question, mais le “moi ou Hollande” est un faux débat », considérait le sénateur du Val-d’Oise Rachid Temal il y a quelques mois.
Pour beaucoup, il n’est donc pas question de quitter cette « vieille maison » après une nouvelle défaite. Certains y sont trop attachés. C’est le cas d’Hélène Geoffroy. Le 22 avril, alors qu’elle fait le point sur les grandes manœuvres du congrès devant quelques journalistes dans un café proche de l’Assemblée, elle s’arrête un instant et glisse : « Avec Olivier, on est divergents sur la ligne, mais on s’entend bien. On restera dans le même parti. » Baptiste Ménard abonde : « Nous avons toujours dit qu’il y avait plus de socialistes à l’extérieur du PS qu’à l’intérieur, que nous souhaitions le grand rassemblement de ces socialistes au sein d’un grand PS. J’ai connu un parti qui rassemblait en son sein Gérard Collomb et Gérard Filoche, ce parti est aujourd’hui rétréci… Néanmoins, nous participons à un vote, il faut donc en accepter le résultat. Une fois que la démocratie parle, il faut la respecter. Nous ne partirons pas comme ça. »
Certains se souviennent des mots rugueux d’Olivier Faure lors d’un bureau national à la fin du mois d’avril 2022 alors que le premier secrétaire plaidait pour un accord aux législatives avec les insoumis. « Si vous pensez que le PS est mort, qu’il n’y a plus rien à faire, que vous n’appartenez plus à la gauche, alors partez ! Rejoignez La République en marche (ex-Renaissance, ndlr). Sinon restez et battez-vous avec nous. Ça nous changera », avait froidement lancé le premier des roses. Un membre du bureau national s’en rappelle bien : « Quand on nous a invités à partir, nous n’avons pas pris la porte. Le PS, c’est aussi nous. » Les prochains conciliabules socialistes s’annoncent sportifs.