Ce que « La Meute » dit de la gauche et qu’elle refuse d’entendre

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Peut-on dénoncer l’autoritarisme et l’accepter en son sein, au nom de l’unité ?

Deux semaines ont passé depuis la sortie de La Meute, enquête rigoureuse et accablante sur les pratiques internes de la France insoumise. Deux semaines de silence gêné dans une partie de la gauche. Non pas faute de lecture – tout le monde l’a lu ou au moins parcouru quand ce n’est pas vécu. Mais faute d’envie de revenir sur ce que ce livre documente : le fonctionnement d’un mouvement qui accepte une culture interne de l’unanimité, de la mise à l’écart, du contrôle et de la peur. La surprise, ce n’est pas tant le contenu – nombre de cadres et de militants avaient déjà alerté sur les dysfonctionnements internes. La surprise, c’est que La Meute ne provoque rien. Pas de débat en interne. Pas de remise en cause publique. Pas de réponse argumentée de ceux qui se réclament de « l’humain d’abord », ni de ceux qui militent pour l’unité.


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Ce silence est révélateur. Dans la gauche d’union, on choisit de faire comme si ce livre n’existait pas. Comme si on peut laisser sous le tapis les pratiques autoritaires qu’on dénoncerait partout ailleurs. On peut comprendre la gêne. Le calendrier électoral s’accélère. Les sondages s’accumulent. Le risque d’un second tour entre l’extrême droite et la droite extrême devient crédible. Le temps n’est plus à la dispute, entend-on. Surtout pas à celle-là. Marine Tondelier, cheffe de file des Écologistes, résume la ligne : « La stratégie de diversion consiste à dire que le mal incarné, c’est Mélenchon et LFI ». Comprendre : ce n’est pas le moment de régler les comptes. Ce serait faire le jeu de l’ennemi. Et quel ennemi !

Mais est-ce faire diversion ? Depuis quand nommer un problème empêche-t-il de le résoudre ? Comment dénoncer la brutalité des sociétés de classe et la pratiquer sans dans ses rangs ? Comment critiquer l’autoritarisme croissant dans nos pays et accepter, au nom de l’efficacité, que l’on use du même au sein de l’organisation ? Comment mettre en cause le présidentialisme, le césarisme, la concentration extrême et accepter de faire attendre d’un individu qu’il trace la voie et incarne le peuple censé être souverain ?

Il est toujours temps de poser les bonnes questions. Pas seulement sur qui incarne la gauche, mais sur ce qu’elle incarne. Pas seulement sur le casting, mais sur les méthodes. Pas seulement sur l’unité, mais sur ce qu’on accepte, au nom de cette unité. De ce point de vue, plutôt que de crier au complot à propos de La Meute, mieux vaudrait y voir une mise en garde. Elle concerne d’abord la France insoumise, parce qu’elle est au cœur de la polémique, mais surtout parce qu’elle a été, avec Jean-Luc Mélenchon, une force motrice, décisive à gauche.

Mais les questions posées le sont à la gauche dans son ensemble. Face à Bardella, à Retailleau, à toutes les variantes et de droite extrême et de l’extrême droite, il faut de la rigueur politique. Il faut leur opposer des propositions, plus encore un projet qui donne du sens et du cœur à l’engagement. On doit faire vivre une stratégie démocratique et rassembleuse, qui mobilise et qui rassure. Et il importe de montrer une image qui soit conforme aux valeurs que l’on entend promouvoir. Trop de révolutionnaires ont théorisé, hier, que la démocratie interne d’un parti n’avait pas à reproduire celle de la société. Cette faute a coûté cher et coûterait si on poursuivait dans cette erreur alors que c’est la démocratie même qui est en jeu.

On n’imposera rien aux Insoumis, car c’est à eux de réfléchir sur eux-mêmes. Mais ceux qui croient encore à une gauche à la fois unie et digne ont le droit et le devoir de leur dire que notre combat commun souffre d’une image et de pratiques qui jettent un ombre sur ce à quoi nous croyons. Dans le devoir, il y a la franchise. Pas pour humilier, mais pour espérer ensemble.

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7 commentaires

  1. Lucien Matron le 24 mai 2025 à 11:58

    On s’en moque des pratiques internes de LFI, phagocytée depuis sa création par l’esprit trotskyste de ses fondateurs. « La meute » n’a donc aucun autre intérêt que de confirmer un fonctionnement interne obsolète ( et de ce point de vue, il serait intéressant de faire stricto sensu la même enquête dans les autres formations politiques…chez les Macronistes, la culture du chef jupitérien et infaillible n’est elle pas une réalité , idem chez Ciotti, chez Le Pen, etc…) et de détourner le débat d’idées pour en faire un débat de personnes….La trumpisation de la vie politique s’accélère, il est temps de remettre du séreux et de la rigueur

  2. gadjo le 24 mai 2025 à 13:39

    votre article relève de la calomnie et de l’indécence : tous les textes d’orientation et de programme sont régulièrement soumis aux militants LFI et soumis à leurs votes !!!
    vous participez par votre ignorance du réel fonctionnement de LFI à la campagne mensongère des droites et des « gauches de droite » qui soutiennent la politique de Macron en refusant la censure de ce gouvernement !!!

  3. HLB le 25 mai 2025 à 01:17

    « La meute ». Enquête « rigoureuse », écrite par 2 journalistes du Monde et de Libération.
    2 journaux de gauche, parait il….et qui étaient à la pointe de la coalition large (une meute ?) des ouiouistes de tous horizons, lors du référendum de 2005 sur le TCE !
    ça augure mal de la crédibilité qu’on peut accorder à ce genre de média, et à celles et ceux qui en sont les porte-drapeaux….

  4. peg le 25 mai 2025 à 14:35

    celui (ou celle) qui nage dans le sens du courant fait rire les crocodiles.

    (disons que face à la collaboration d’une certaine gauche avec le centrisme droitier macronik devenu extrêmement droitier, l’urgence n’est pas d’hurler avec le loups mais de convaincre qu’une autre modalité politique dans un imaginaire présidentiel)

    sur mediapart :
    « Pour le dire comme Manuel Cervera-Marzal, « si on veut vraiment lutter
    contre l’autoritarisme de Mélenchon, il ne s’agit pas de le remplacer
    par Tondelier, Autain ou Ruffin qui subiraient sans doute les mêmes
    attaques de la part des médias tenus par des milliardaires ».

    Pour le sociologue, « un tel livre a le mérite de documenter la
    violence, les purges et le manque de pluralisme de LFI, mais il
    n’empêche qu’il touche à côté, puisque ce manque de pluralisme est
    assumé et théorisé par l’entourage de Mélenchon. Par ailleurs, on peut
    se demander pourquoi les livres similaires, qui montrent que cette
    culture du chef est aussi forte chez Macron ou au RN, reçoivent beaucoup
    moins d’attention médiatique ».

    Le chercheur préfère donc poser les termes du débat comme cela : « Je
    continue d’espérer une grande primaire respectant toutes les
    sensibilités de la gauche qui accoucherait d’un nom qui ne soit pas
    Mélenchon. Mais la machine de guerre qu’a réussi à construire LFI est
    indéniablement une réalité que certains, médiatiquement et
    politiquement, cherchent à abattre. »
    « 

  5. carlos_H le 26 mai 2025 à 16:19

    Pour resituer d’où je parle: je ne suis pas à la France Insoumise mais je suis sympathisant et électeur. Pour compléter: je ne vote pas pour 1 personne mais bien pour 1 programme… « l’avenir en commun », qui reste sans concurrence à gauche quoiqu’on en pense.
    Ceci étant dit, au stade où nous en sommes, la manière dont vous posez votre question n’est pas forcément la bonne: En effet, le personnel politique a montré à quel point ses principes étaient à géométrie variable à commencer par les partenaires de LFI lorsque, par exemple, Macron a décidé de s’assoir sur les résultats des élections législatives, et que pas un n’était prêt à s’engager en faveur de la destitution de Macron portée par LFI, même de manière symbolique, ne serait-ce que pour défendre le vote de leurs électeurs face à une dérive autoritaire évidente du pouvoir. D’autre part, on aura compris qu’il aura fallu une forte pression des électeurs de gauche pour que le NFP voit le jour alors que les partis traditionnels de gauche voyaient d’un très mauvais oeil tout accord sur le fond avec LFI… on constate aujourd’hui à quel point cette alliance n’était qu’une cynique cuisine électorale de circonstances faite pour continuer d’aller à la soupe! Votre question devrait donc être : Pourquoi continuer à voter puisqu’aucun parti ou formation politique n’est digne de confiance?

    Le fait est que très probablement, la personnalité du leader JLM doit imprégner la formation politique dont il a été longtemps l’incarnation, et alors que d’autres têtes y émergent, je ne crois pas qu’il existe un parti ou une formation quelconque qui résiste aux ambitions des politiciens eux-mêmes, pas même LFI… cependant, cette formation porte un programme et contrairement à d’autres, elle a su montrer son attachement au respect de ses engagements y compris à ses propres dépends par exemple lors de la constitution du NFP avec le partage des sièges avec le PS… pour ma part, j’ai dû voter pour Aurélien Rousseau et c’est donc moi, en tant qu’électeur qui est dû supporter les conséquences de cette négociation de dupes avec le parti socialiste qui n’en a plus que le nom.
    Je suis d’ailleurs à deux doigts d’aller à la pêche lors de la prochaine élection présidentielle si LFI continue à s’engluer dans ce marécage plutôt que de continuer à porter des aspirations et des luttes qui vont de le sens des droits et libertés et plus généralement dans l’intérêt général. Alors, les militants feront bien ce qu’ils voudront mais j’espère que « l’avenir en commun » aura encore un candidat pour le porter, et un candidat qui aura montré son engagement à aller au bout contrairement à beaucoup dans cette faune qu’on trouve à « gauche »…

  6. Florent le 27 mai 2025 à 08:14

    Ce que la Meute dit de la gauche : cet article en est un nouvel exemple, la « gauche » préfère la bataille des ego est la recherche de l’homme providentiel, ou Messie, capable de gueuler à la tribune « C’est nôtre projet » en levant les bras au ciel, et de ne rien faire que de la com’ et une politique sur les traces de celles de ces 20 dernières années, que de réfléchir et de concevoir un véritable programme de rupture.

    • SABA Moulaye le 2 juin 2025 à 18:27

      Critique sur le fonctionnement des partis et/ ou mouvements politiques. Il faut rester lucide. Un parti de gauche est regi dans son fonctionnement par des principes au nombre desquels le centralisme démocratique et la prééminence de la direction qui est en charge d’assumer et de garder la ligne du parti. Il n’y a pas de dictature ou de personnalisation par un individu mais c’est de la responsabilité du chef, ou du comité de direction de décider de la vie du parti en dernier ressort. Celui ou le clan qui est en désaccord et qui se retrouve minoritaire se tait, est débarqué ou quitte les instances. C’est la discipline partidaire!!!

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