Budget 2025 : la démocratie (encore) malmenée
Alors que le débat commence dans l’hémicycle, on nous en annonce déjà sa fin via le 49.3. Autrement dit : la démocratie ? Rien à foutre.
La France est doté d’un régime semi-présidentiel. C’est-à-dire semi-parlementaire. Mais semi, c’est beaucoup dire… L’exemple du budget 2025, débattu en ce moment au Parlement, est éloquent.
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La semaine dernière, les commissaires des finances de l’Assemblée nationale co-construisaient un texte qui transformaient en profondeur la direction que lui avait donné Michel Barnier, notamment en permettant 60 milliards d’économies non par des coupes sèches dans des budgets mais par une hausse de la fiscalité pour les ménages les plus riches et les grandes entreprises. Profitant de votes pour ou d’abstention de la part notamment des groupes MoDem et RN, le NFP a réussi à réorienter le budget vers davantage de justice fiscale et d’investissements cruciaux. En commission des finances, les députés ont démontré qu’il existait une alternative aux cures austéritaires présentée comme seule issue au présent de nos finances publiques. Seul hiatus – et de taille ! –, des considérations tactiques n’ont pas permis un vote positif de la copie que la représentation nationale avait réussi à élaborer : le RN s’est ainsi abstenu, empêchant de facto que le texte puisse être étudié dans l’hémicycle.
Au registre des bizarreries, on a aussi vu Laurent Wauquiez, président du groupe LR, défendre les petites retraites menacées par le gel des pensions pendant six mois. On pourrait imaginer qu’il s’agissait pour lui de cajoler un électorat qu’il sait être le cœur de cible de son parti. Sans doute. Mais pas seulement. Cette position rend aussi compte d’une autre réalité : les dynamiques politiques ont de profondes racines qu’il faut aller chercher du coté du peuple plus que des postures. Les députés, dans leur permanence et sur les marchés, sont perméables à ces mouvements et leur vote à l’Assemblée en sont, parfois, la résultante (souvenons-nous de la réforme des retraites qui n’avaient pu être votée parce que trop de macronistes et de députés LR branlaient). C’est une preuve par les faits que le programme du NFP pouvait trouver des majorités au Parlement.
Le couperet du 49.3 transformera de facto l’élaboration à 577 de la loi en un simple débat préliminaire, sans incidence sur le fond. Notre démocratie mérite mieux que ça.
Ces dynamiques populaires et la tenue des députés dans la co-construction de la loi ne feront sans doute pas le poids devant la volonté de l’exécutif de présenter son budget comme seule alternative. Ainsi, le couperet du 49.3 transformera de facto l’élaboration à 577 de la loi en un simple débat préliminaire, sans incidence sur le fond. Le RN dit encore hésiter quant au vote d’une motion de censure déposée par le NFP – trop contents d’être l’épée de Damoclès au-dessus de la tête de Michel Barnier. Pis : le premier ministre compte sur le Sénat pour légitimer son budget. Tout acquise à la cause LR, la majorité de la chambre haute pourrait avaliser sa proposition. Sera-ce suffisant pour faire passer la pilule ? Notre démocratie mérite mieux que ça.