Bayrou, la guerre, la politique et les retraites

François Bayrou est arrivé à Matignon avec un long passé politique. Parmi ses engagements, il y a son obsession pour la dette et sa foi dans la démocratie sociale. C’était il y a trois mois, il y a donc un siècle.
L’équilibre des comptes est désormais largement passé au second plan, au bénéfice des nouveaux engagements financiers en faveur de l’armement. La démocratie sociale est sacrifiée sur l’autel de difficiles équilibres internes à son minoritaire « bloc » (lol) de gouvernement.
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Dès sa nomination, François Bayrou concède un « conclave » « sans totem ni tabou » sur le sujet qui avait tant hérissé la France qui travaille, et même au-delà. Les socialistes en avait fait la première condition de leur non-censure. Bayrou voulait gouverner, il accepta. Sans doute avait-il aussi pris la mesure de cet abcès qui n’en finit pas de puruler : il fallait purger le contentieux.
Le conclave n’avait pourtant pas été placé sur de solides rails. D’importants syndicats comme Solidaires et la FSU en avaient été écartés. Les chiffres annoncés par Bayrou sur le déficit des régimes de retraites – 50 milliards – étaient fantaisistes et seulement destinés à faire pression. La Cour des comptes l’a recadré. Enfin, il exigeait un consensus entre les partenaires sociaux. Même les moins avertis en analyse marxiste savent que les intérêts entre salariés et patronats divergent le plus souvent : le consensus était un verrou favorable au patronat.
Dès la première réunion il posait un cadre : l’équilibre pour 2030. Et puis patatras final dimanche midi, il dit son opposition au retour à 62 ans. Après FO, la CGT se retire de ce lieu où elle ne pourra défendre ce pourquoi elle était venue.
Restent donc autour de la table la CFDT qui veut obtenir le retour de critères de pénibilité en particulier ceux supprimés par Macron en 2017, et le patronat qui veut un big bang. Désormais, de façon explicite, la bataille pour la fin de la retraite par répartition est lancée. Après Édouard Philippe ce week-end, le patronat veut promouvoir la retraite par capitalisation. Pas de chance, la proposition ne tombe pas très bien au moment où les Américains s’angoissent des variations de la bourse.
Il s’agit, dans la foulée du mouvement de fond porté par les États-Unis de démolir les équilibres d’après-guerre, revenir sur les droits sociaux, défaire les protections sociales. Cette bataille désormais conduite au bulldozer par la droite est, n’en doutons pas avec les enjeux internationaux, la question qui va structurer les débats à venir. Le sujet est profond, existentiel même. La gauche a raison de penser que ce modèle social est une base décisive pour resouder une nation et des citoyens qui s’angoissent pour la place de leur pays et pour leur avenir.
Financement et champ de la protection sociale, modernisation des services publics, démocratie sociale et paritarisme… ces sujets seront au cœur des débats à venir. Clémentine Autain vient de publier ses réflexions à ce sujets (L’avenir, c’est l’esprit public aux éditions du Seuil) . Utile et trop rare. Ces questions sont bien sûr distinctes des enjeux internationaux, de paix et de guerre… mais il n’y a pas de voix autonome, de voix qui porte pour un pays aussi divisé et aussi inquiet. Pas d’histoire : détruire le modèle social qui nous unit ne prépare qu’à une marginalité sur la scène mondiale. La diversion détestable sur l’interdiction du foulard aux sportives ne sera pas l’antidote de cette relégation.