Barnier et la dette : vrai problème, mauvaises solutions
Dans son discours de politique générale prononcé ce mardi, le premier ministre devrait mettre l’accent sur les questions économiques et fiscales, mais toujours en passant à côté du problème et donc de sa résolution.
Depuis sept ans qu’ils sont aux manettes, les Mozart de la finance, c’est-à-dire le président de la République Emmanuel Macron et son ministre de l’économie Bruno Le Maire, nous ont emmené droit dans le mur : une dette creusée de plus de 1000 milliards, un déficit public qui dépasse les 6%, une balance commerciale en berne, un taux d’emprunt national supérieur à celui de l’Espagne – et, à 10 ans, à celui de la Grèce –, une baisse de notre production industrielle et un retour de la hausse de la courbe du chômage.
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Comme l’a expliqué l’économiste Michaël Zemmour, tout cela n’est pas lié à un terrible fatum ou à des circonstances malheureuses. Cela s’inscrit dans une stratégie : on vide les caisses et quand on fait le constat qu’il n’y a plus rien, on coupe dans la dépense publique en argumentant qu’on ne peut pas faire autrement. C’est d’autant plus redoutable que tout débat politique sur le sujet n’a pu avoir lieu, ni pendant la campagne présidentielle de 2022 que le camp du président sortant et reconduit a pris soin de saboter, ni pendant la campagne législative de 2024, trop courte pour qu’il puisse en ressortir quoique ce soit.
La question de la dépense publique n’est pourtant pas anodine : l’institut de sondage Cluster17 démontre aujourd’hui que plus de 80% des Français se disent inquiets du niveau de notre dette. Il s’agira donc d’une des missions principales – voire unique vu le contexte parlementaire éclaté – du nouveau premier ministre Michel Barnier. Dans son discours de politique générale, il devrait annoncer un prélèvement exceptionnel sur les profits importants des grandes entreprises qui renflouerait les caisses de l’État de quelque huit milliards d’euros (et qui, ce n’est pas négligeable, participerait, quoique symboliquement, à lutter contre le sentiment profond d’injustice économique ressenti par les Français – surtout dans la mesure où ces mêmes entreprises ont bénéficié d’aides importantes ces dernières années, notamment au moment du covid) voire proposerait d’augmenter la taxation des revenus du capital pour les particuliers les plus aisés.
Le consentement à l’impôt ne sera pas remis en question par les Français malgré le taux important de prélèvements obligatoires, tant que la qualité des services publics sera jugée satisfaisante.
Pour autant, que l’on soit de gauche ou de droite, il faut se rendre à l’évidence : rien de tout cela ne fait la rue Michel, comme disent les jeunes. Macronistes et LR à l’unisson demandent donc à Michel Barnier d’engager un plan de réduction des dépenses. Et c’est là que le bât blesse, car s’il va vraisemblablement annoncer la suppression de comités Théodule et un choc de simplification administrative (comme l’ont fait tous ses prédécesseurs) dans l’objectif de lutter contre la bureaucratie, la droite est confrontée à ce qui fonde en grande partie notre République et notre attachement populaire à celle-ci : l’éducation publique et gratuite, la santé publique et gratuite, la sécurité publique sont parmi les principaux postes de dépense mais il est impensable dans la période d’en envisager le rabotage.
À gauche, pour répondre à cette question de la dette qui est trop souvent mise de côté, l’argument principal repose sur l’augmentation des impôts pour les plus aisés et sur les entreprises qui font le plus de profits. Il ne s’agit pas de dire ici que c’est inutile ou même pas nécessaire (tax the rich doit rester un mot d’ordre central de nos luttes) mais ne doit pas nous affranchir de réfléchir aux voies et moyens pour assurer, mieux que c’est le cas aujourd’hui, une éducation gratuite pour tous de qualité, une santé gratuite et pour tous efficace et une sécurité publique au plus proche de la population. Le consentement à l’impôt ne sera pas remis en question par les Français malgré le taux important de prélèvements obligatoires, tant que la qualité des services publics, c’est-à-dire de ce que l’on a décidé collectivement de mettre en commun, sera jugée satisfaisante. Battons-nous pour que ce soit le cas. Partout et pour tous. Et pour cela, penchons-nous sur les excellents travaux de Nos services publics, par exemple.
Pour Pablo Pillaud-Vivien, l’éducation, la sécurité, la santé sont gratuites. Et l’armée ? Selon lui elle est gratuite, elle aussi. Pourquoi avoir oublié l’armée dans la liste des services publics gratuits ?
On peut difficilement considérer l’armée comme un « service » pour la population.
En tout cas, pas dans les mêmes termes que la santé et l’éducation.
Mais pourquoi poser cette question étrange ?
Pour éviter de parler du fond ?
Il n’y a rien jamais rien de gratuit parce qu’il y a toujours quelqu’un qui paye. D’abord, il y a bien longtemps que l’école publique n’est plus totalement gratuite, chaque année le coût de la rentrée pour les familles est publié par les associations de consommateurs…Il en va de même pour tous les autres services publics et pour l’armée. Alors qui paye ? C’est la collectivité et la solidarité nationale…c’est à dire la fiscalitê directe ou indirecte ( les taxes) . D’où la nécessité d’une fiscalité juste et équitable ce qui n’est pas le cas actuellement, c’est tout l’enjeu de la bataille politique. Les solutions de réduction de la dette publique abyssale, ( creusée depuis plus de 10 ans par des gouvernements de droite, nous n´oublions pas que Macron était ministre du budget à Bercy sous la présidence Hollande, alors que les macronistes sont amnésiques) , par le rabotage systématique dans les ministères est fausse bonne solution. L’efficacité des services, leur évaluation, la lutte contre une certaine bureaucratie ne peut pas se faire au détriment du service rendu aux usagers et des conditions de travail des personnels. Le fond du problème est idéologique : l’extrême droite, la droite et les libéraux considèrent qu’il y a de l’argent à gagner dans l’éducation, la santé, la justice, etc…Leur rêve est la privatisation généralisée, c’est un choix politique et un choix de société.
Tout à fait, rien n’est gratuit. Ce mot ne devrait jamais figurer dans le vocabulaire de tout économiste sérieux. L’école n’a jamais été gratuite, qu’elle soit publique ou privée, indépendamment du coût des fournitures de rentrée. Elle est fiancée par l’impôt. Ce ne sont pas les parents d’élèves qui paient, mais les contribuables : ce sont les mêmes personnes, auxquelles s’ajoutent les contribuables qui n’ont pas d’enfant. Mais ils profitent comme tous les citoyens des savoirs acquis par les jeunes générations. On le voit bien : si l’éducation coûte cher, l’ignorance coûte encore plus cher.
Les fonctions régaliennes forment le cœur des missions de l’Etat : justice, santé, éducation, sécurité, défense. Elles sont toutes sur le même plan non par leur coût, qui est inégal, mais par leur dimension civique. Ces missions sont toutes au service des citoyens qui sont en droit d’exiger de l’Etat qu’il s’en acquitte du mieux possible, sans défaillir par incurie. S’ils constatent qu’il n’en est rien, leurs suffrages sanctionneront tout gouvernement indigne d’en assumer la charge.
Y a-t-il un type de gouvernement indigne selon des clivages politiques établis une fois pour toutes ? Vous imputez à l’extrême-droite, la droite et les libéraux de grands vices pour des raisons idéologiques. Ne citant qu’eux, cela laisse penser que selon vous en face il n’y aurait que vertu. Est-ce si sûr ? L’extrême-gauche, la gauche et les étatistes ne croient qu’à l’économie administrée, alourdissant sans cesse la charge fiscale pour nourrir un Etat pléthorique. Et le nourrissant mal : trop d’impôt tue l’impôt. Ce n’est pas mieux que le libéralisme. La sanction de l’histoire laisse même penser que c’est moins bien.