Pour Darmanin et Schiappa, un bon casseur est un casseur corse

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Quelle est la différence entre une manifestation en Corse, en Guadeloupe ou dans une banlieue de l’hexagone ? La réaction du gouvernement. Traitant les uns comme de dangereux séparatistes et les autres comme ayant de légitimes revendications.

C’est ce qu’on appelle un deux poids deux mesures. Plus d’une semaine que la situation en Corse est des plus tendues. Dimanche dernier, 93 personnes ont été blessées, dont 70 policiers. Ce sont ainsi près de 650 cocktails Molotov qui ont été jetés, apprend-on dans Libération.

 

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La réaction des membres du gouvernement concernés par la question a été des plus… intéressantes. Ainsi, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin se rend sur l’île cette semaine pour « ouvrir un cycle de discussions » avec les élus. Mais aucun « La police gagnera toujours » dans sa bouche, comme lorsque ça pète dans la banlieue lyonnaise en mars 2021. Comme si toutes les expressions de la colère sociale ne se valaient pas, comme si certaines étaient plus légitimes que d’autres.

Dans un entretien accordé à Corse-Matin, Gérald Darmanin se lâche complètement : « Si quelqu’un est tué lors d’une garde à vue, on peut parler de la responsabilité de l’État ». À deux doigts de condamner les violences policières systémiques, vous savez, celles qui « n’existent pas » et dont la seule idée « étouffe » le locataire de Beauvau. Ce dernier ajoute : « Il ne peut pas y avoir de dialogue sincère en démocratie sous la pression des bombes agricoles et la présence, ou l’omniprésence, des forces de l’ordre. » On aimerait que l’exécutif gère toutes les crises sociales sans cette « omniprésence » des gardiens de la paix.

Et Marlène Schiappa, elle en dit quoi ? Non pas que sa fonction de ministre déléguée, chargée de la Citoyenneté, lui donne une quelconque légitimité pour évoquer le sujet. Non, c’est simplement que Marlène Schiappa est corse, voilà tout. Et les émeutes, les préfectures attaquées, les cocktails Molotov, ça « n’est pas un sujet ». Elle assure que « personne ne souhaite la violence ». C’est même carrément « insupportable d’entendre des petites phrases ou des petits commentaires dans les médias porter sur la Corse ». Rappelons, à toute fin utile, que, toujours selon Marlène Schiappa, la Corse est une terre « tout sauf raciste » – la preuve, « aucun Juif » n’a été dénoncé pendant la Seconde guerre mondiale – et qu’il n’y a presque aucune violence sexuelle sur la voie publique, contrairement au Nord de la France où il y en a « énormément ».

À lire les communiqués du préfet de la Haute-Corse, on constate un étrange choix de vocabulaire. « Échaffourées » – oui, des échaffourées, à ne pas confondre avec des échauffourées –, « tensions », « appel au calme, au dialogue et à l’apaisement ». Qu’il est loin le temps où l’État mettait 24 heures pour envoyer policiers et gendarmes, agents du GIGN et du Raid, pour « rétablir l’ordre républicain » devant la mobilisation contre les mesures sanitaires en Guadeloupe.

L’ordre républicain, tiens, parlons-en. Si prompt à dénoncer les velléités séparatistes des « jeunes de banlieue », à appeler à la reconquête des quartiers perdus de la République, le gouvernement propose aux Corses… l’autonomie. Avouez que ça change de « l’ensauvagement » ! Et puis c’est bien plus pratique, à quelques jours de l’élection présidentielle, de flatter quelques potentiels électeurs.

 

Loïc Le Clerc

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