Les boniments du Président-candidat

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Emmanuel Macron n’a pas coutume d’attacher beaucoup d’importance à la vérité. Encore moins en campagne présidentielle. Sur l’apprentissage à 12 ans, la retraite à 65 ans, le pouvoir d’achat ou McKinsey, Bernard Marx rétablit les faits.

MAD MARX. Comme une séance de rattrapage. Sauf qu’à chaque fois s’étale un même mépris de classe. Comme si, pour ce Président-candidat, ce n’était pas grave de mentir au peuple. Et comme si celui-ci n’en était pas conscient. Qu’espère-t-il ? Rassurer, convaincre et rassembler les catégories sociales de son électorat ? Pas sûr qu’il y réussisse tant les ficelles sont grosses.

 

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Sur l’apprentissage à 12 ans

Pourtant, il l’a bien dit, pas plus tard que le 31 mars en tournée électorale à Fouras : « Je suis restaurateur à Fouras et j’ai des difficultés pour embaucher, qu’est-ce que vous comptez faire ? »

« Écoutez la réponse d’Emmanuel Macron », dit le compte Twitter d’En Marche. D’accord, écoutons (ou lisons) la réponse :

« Alors, un, ce qu’on veut faire, c’est aussi ce qu’on a commencé avec la réforme de l’assurance chômage. On va la continuer. Parce que les gens qui sont demandeurs de droits, quand il y a des emplois vacants, qu’on les oriente et qu’on soit plus directifs. Deux, former parce que si vous avez besoin de formation, on a mis le paquet pour former justement sur ces métiers, là où il y a des besoins. Trois, on a besoin de mieux connaitre vos métiers. Et donc alternance, apprentissage et orientation dès la 5ème, pour connaitre et faire connaitre ces métiers. Vous êtes prêts à prendre des apprentis ?

– Tout à fait

– Mais alors là pour le coup, si vous êtes prêt à prendre des apprentis, on va vous en trouver ! »

Apprentissage : l’explosion du travail quasi gratuit

« L’effet sur l’emploi des entrées en apprentissage est très important. Si on estime que le stock de contrats en cours avoisine 900.000 fin 2021, contre 478.000 fin 2019, 422.000 emplois d’apprentis auraient été créés en deux ans expliquant l’immense majorité des emplois créés depuis 2019. La très forte baisse du taux de chômage, notamment le chômage des jeunes, reposerait donc sur une contribution très importante de l’apprentissage, lui-même dopé par un niveau de subvention atypique (niveau inédit des aides allouées à des emplois du secteur marchand, ampleur des populations éligibles, faiblesse des contreparties demandées aux employeurs, mais aussi durée de ce soutien justifié par la crise sanitaire qui ne cessera que fin juin 2022). »

OFCE, Le marché du travail au cours du dernier quinquennat, Policy Brief, 17 mars 2022 (Page 103 du document)

Sur la retraite à 65 ans : quatre bobards pour un enfumage

« De manière concertée et progressive, c’est faire travailler plus longtemps. Et la réalité c’est qu’aujourd’hui, en moyenne, en France, on ne s’arrête pas de travailler à 62 ans. La moyenne doit être à 63,5 ans. Et vous avez plusieurs millions de nos compatriotes qui vont travailler jusqu’à 67 ans. Et qui sont souvent des femmes qui ont des carrières hachées. Il y a une forme d’hypocrisie. Donc on décale progressivement l’âge légal. Ça, c’est à la négociation, mais en gros, on arrivera à 65 ans pour la génération née en 1969, ce qui veut dire que pour quelqu’un qui est à un ou deux ans de la retraite, il ne va pas passer du jour au lendemain à 65 ans. C’est pour permettre les progrès que sont les 1100 euros (de retraite minimum pour une carrière complète) et on tiendra compte également des invalidités qu’il faut laisser à 55 ans ; des carrières longues, qui garderont un avantage ; des métiers qui sont les plus pénibles et sur lesquels on ne peut pas travailler jusqu’à cet âge-là. Il y aura un système de bonus pour partir plus tôt. Je n’abandonne pas la grande réforme, mais je dis en parallèle de ça ce qu’il faut faire maintenant si on veut être sérieux, si on veut pouvoir financer ces progrès sociaux et pas laisser de dettes à nos enfants… »

Mensonge numéro 1. Actuellement, l’âge moyen de départ en retraite n’est pas de 63,5 ans mais de 62,2 ans (62,5 pour les femmes et 61,9 pour les hommes. Il est en augmentation depuis 2010, mais moins fortement depuis 2016).

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[cliquez sur le graphique pour l’agrandir]

 

Mensonge numéro 2. L’âge de cessation d’activité n’est pas le même que l’âge de départ en retraite, compte tenu des droits à la retraite pour carrière longue, des problèmes de santé et du sous-emploi des séniors de plus de 55 ans. L’âge effectif moyen de sortie du travail est de 60,6 ans pour les femmes et 60,5 ans pour les hommes. (Données OCDE 2019).

Mensonge numéro 3. Il n’y a pas plusieurs millions de personnes qui vont travailler jusqu’à 67 ans. Il y en a au maximum 150 000. Dont la moitié cumulent un emploi et une retraite et 40% sont des non-salariés. Selon les statistiques du ministère du travail, il y a en France, 3.840.000 personnes âgées de 65 à 69 ans. Leur taux d’emploi est de 7,5%. Soit une évaluation maximale d’environ 150.000 pour les personnes de 67 à 69 ans. Heureusement le système de retraite français permet à la grande majorité de la population de partir à la retraite avant 67 ans. L’âge de 65 ans à partir duquel on peut partir à la retraite sans décote, même si les durées de cotisations sont insuffisantes, est passé à 67 ans. Il n’existe pas encore de statistique sur l’impact de ce recul. Selon le COR, les départs à la retraite à 65 ans pour éviter la décote représentent environ 12% des retraités d’une génération. Soit moins de 100.000 personnes. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes. Il est probable que le nombre de personnes qui retarderont de deux ans supplémentaires leur départ à la retraite va augmenter. Mais Emmanuel Macron ajoute un trucage supplémentaire en disant que ces personnes, souvent des femmes, vont travailler jusqu’à 67 ans. Au contraire, elles seront massivement sans emploi et sans chômage.

Mensonge numéro 4. « C’est pour permettre les progrès que sont les 1100 euros (de retraite minimum pour une carrière complète) ». Rappelons que porter la retraite minimum à 1 000 euros pour une carrière complète faisait partie des promesses marconiennes post crise des gilets jaunes. Elle est passée sous le tapis. Si la promesse de 1100 euros de retraite minimum pour une carrière complète était cette fois ci réalisée, cela « coûterait » au maximum deux milliards d’euros. La retraite à 65 ans cela en « rapporterait » 3 fois plus en 2027 et 9 fois plus en 2032. À quoi s’ajouteront les économies sur les carrières longues puisque le candidat-président laisse le flou sur « l’avantage gardé » par celles-ci et que le Président-candidat s’est dépêché en 2017 de démanteler le « dispositif travaux pénibles ».

Sur le pouvoir d’achat

« Face à ce défi du pouvoir d’achat, le gouvernement s’est mobilisé depuis des mois. C’est l’équivalent de plus de 20 milliards d’euros par an pour protéger les ménages face aux hausses d’électricité, de gaz et les bloquer. C’est aussi ce qui a permis de résister face à toutes ces augmentations dont celle de l’essence. C’est, depuis hier la ristourne décidée. Mais il faut aller plus loin. Le vrai pouvoir d’achat c’est celui qui vient du travail, celui qui est durable. C’est pourquoi dès cet été je veux permettre aux travailleurs de toucher une prime de pouvoir d’achat pouvant aller jusqu’à 6000 euros sans charges ni impôts ».

Le retour du quoi qu’il en coûte budgétaire pour compenser les effets des hausses de prix de l’électricité du gaz et de l’essence a ses limites. Il compense très insuffisamment la détérioration de la situation de celles et ceux qui ont déjà le plus de difficultés, qui font de grandes distances en voiture, ou dont les logements sont des passoires thermiques. La remise de 15 centimes sur le litre d’essence prévue seulement jusqu’à juin, est nettement insuffisante et mal ciblée pour compenser la hausse des prix.
D’autre part sur les 20 milliards annuels annoncés plus du tiers sera prélevé sur EDF au détriment de sa situation financière.

Si le vrai pouvoir d’achat est celui qui vient du travail, alors il faut augmenter les salaires dans le privé et les rémunérations dans la fonction publique. Là est la dignité, là est le respect, là est la voie pour la qualification de celles et ceux qui travaillent. Les prix accélèrent, même en tenant compte des « chèques énergie ». Mais les hausses de salaires décidées en début d’année ne sont pas calées sur cette accélération. Il y a une menace de baisse massive du pouvoir d’achat des salaires. Seul le mécanisme d’ajustement du SMIC ralentit cette baisse. Mais il faudrait une revalorisation du SMIC et des salaires. Et Emmanuel Macron s’y oppose.

Au lieu de quoi, il veut tripler la mise de la prime d’activité. Comme un marchand de foire il met des gros chiffres sur la table. Rendez- vous compte 6000 euros ! Enfin il propose. Car si le Candidat président veut bien mettre sur la table, trois fois plus de baisse de charge et trois fois plus de non-imposition, tout dépendra des patrons et de leur bon vouloir. Ce ne sont plus les salaires qui font le pouvoir d’achat, ce sont les baisses d’impôt et de cotisations sociales. La même politique que celle préconisée par Marine Le Pen ou Valérie Pécresse. Pour le coup cela vaut donc la peine de faire un petit bilan de la PEPA, la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat mise en place pour solder la crise des gilets jaunes. En 2021, elle a été perçue par 4 millions de salariés, soit moins d’un salarié sur cinq (un chiffre en baisse). Ne sont éligibles que les salariés qui gagent moins de trois fois le SMIC. Le montant moyen est de 500 euros environ. Surtout elle présente deux défauts majeurs. Elle diminue les ressources de la protection sociale. Et elle tend à remplacer les hausses de salaires, pas à défendre et augmenter le pouvoir d’achat.

Sur les impôts McKinsey

« S’indigner contre l’absence d’impôt minimal, vouloir se battre contre l’évasion fiscale. On ne le fait pas en Français. Ce n’est pas vrai. Parce que l’entreprise contre laquelle on se bat elle va s’installer en Belgique, elle va s’installer à nos frontières. Elle va délocaliser. Mais elle continue à sévir. Ces gens-là n’ont donc pas compris comment le monde fonctionnait. Il ne faut pas simplement s’indigner, il faut agir. L’impôt minimal en Européen, nous nous sommes battus nous l’avons fait, et cet impôt minimal c’est celui qui fera que toutes les sociétés internationales devront payer un minimum d’impôt là où la valeur est créée. En Européen, car c’est ainsi qu’il faut agir ».

Le candidat-président n’a pas un mot dans son programme, sur l’évasion et la fraude fiscale. Devant le « scandale McKinsey » il essaye à une bien pauvre contre-attaque.

Un récent rapport d’Attac et du syndicat Solidaires sur la fraude fiscale et la « fraude sociale » montre que « si l’on assiste à un renforcement du « contrôle social », pour leur part, les résultats de la lutte contre la fraude fiscale (sur les bénéfices et sur la TVA) baissent fortement. Or quel que soit le besoin d’action à l’échelle européenne et internationale, c’est également le résultat d’une politique nationale : les redressements issus du contrôle fiscal baissent en raison d’une part, de la baisse des effectifs des services de contrôle fiscal et d’autre part, de dispositifs qui affaiblissent la lutte contre la fraude fiscale. En particulier la loi dite Essoc ( Pour un État au service d’une société de confiance), promulguée en août 2018, interdit à l’administration de revenir sur un contrôle. Et l’administration doit s’assurer que les entreprises acceptent les éventuels redressements qui découleraient des contrôles… Les auteurs de la note préconisent donc d’agir et aux plans national, européen et international pour renforcer la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale « agressive ».

S’agissant spécifiquement du fait que McKinsey France n’a payé aucun impôt sur les sociétés depuis dix ans, il s’agit comme l’explique le rapport du Sénat, d’un exemple caricatural d’optimisation fiscale utilisant la mécanique des prix de transferts et une localisation des profits aux USA dans le paradis fiscal du Delaware.

Contrairement à ce que prétend Emmanuel Macron la transposition européenne de l’impôt minimal mondial n’est pas faite. Le mensonge est assez grossier puisque le 15 mars, les ministres des finances de l’Union européenne, réunis sous la présidence de Bruno Le Maire, ne sont pas encore parvenus à se mettre d’accord.

En tout état de cause le texte sur la table, aboutirait à ce que McKinsey paierait 15% sur ses bénéfices français dans le Delaware aux USA et non en France. Encore faudrait-il qu’il déclare des bénéfices en France et donc que l’on agisse ici et maintenant contre l’utilisation abusive et caricaturale des prix de transferts.

 

Bernard Marx

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