« Le Marx qui importe aujourd’hui, c’est le Marx qui fâche, le Marx politique »

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ARCHIVES. Karl Marx est réputé n’avoir pas su penser la politique en tant que telle. Pourtant, il suffit de se pencher sur les textes pour faire apparaître un théoricien inventif et surprenant par son actualité. Discussion, avec Isabelle Garo et Stathis Kouvélakis, sur le trajet d’un Marx penseur de formes inédites de la politique.

Regards. Pourquoi convoquer Marx aujourd’hui, au sujet de la politique ? Est-ce parce qu’une nouvelle nécessité s’impose, celle de ne pas dépolitiser Marx, et de ne pas en faire un auteur académique, neutralisé ?

Isabelle Garo. Une de nos préoccupations, en publiant ce livre, est en effet de mettre en lumière un Marx initiateur d’une culture vivante, qui ne soit pas embaumé dans l’académisme. Mais il n’est pas du tout incompatible d’aborder Marx à la fois de façon rigoureuse et sous l’angle politique. Nous voulions aussi contrecarrer deux préjugés contraires : d’une part, il est courant de dire que Marx n’aurait pas pensé la politique en tant que telle. D’autre part, et à l’opposé, on lui attribue parfois une vision autoritaire et sectaire de la politique, incarnée par les pays socialistes et sanctionnée par leur effondrement. Il était important de montrer que Marx réélabore en fait la notion même de politique, tout au long de sa réflexion. Il ne sépare pas la théorie de l’intervention dans des situations historiques données, il ne perd jamais de vue que l’abolition du capitalisme ne peut être que politique, en un sens qui déborde les usages antérieurs du mot.

Stathis Kouvélakis. À mes yeux, le Marx qui importe aujourd’hui c’est le Marx qui fâche, c’est-à-dire le Marx politique. On a tendance, depuis la crise de 2008, à reconnaître une certaine pertinence au propos de Marx comme analyste du capitalisme ; mais c’est pour préciser immédiatement que le projet politique de Marx est inconsistant, voire dangereux. Si, avec Isabelle, nous pensons que Marx est actuel, c’est au contraire parce que Marx est un auteur qui clive, et qui doit cliver : c’est sur ce terrain que se joue l’actualité théorique de Marx.

La mise en avant, chez Marx, de formes de politique inédites, notamment dans les écrits sur la Commune, n’a-t-elle pas conduit à déplacer la question de la politique ?

Stathis Kouvélakis. Depuis Machiavel, la théorie classique se propose de penser la politique dans sa spécificité. Mais elle subsume cette spécificité sous la question de la fondation d’un État, d’une souveraineté étatique. Marx, lui, déplace les termes de la question : bien sûr, la question que Marx pose inclut la question du moment fondateur, et Marx pense ce moment sous le concept de révolution, qui implique la conquête du pouvoir d’État et la création d’un pouvoir de type nouveau. Il faudra d’ailleurs revenir sur point. Mais Marx élargit considérablement notre compréhension du politique en montrant que la politique consiste précisément à politiser les sphères de l’activité sociale qui sont considérées comme non-politiques, tout particulièrement dans l’ordre des rapports sociaux de production. D’où la remise en question des modes de séparation et de cloisonnement des activités sociales, qui sont essentiels à la reproduction des rapports de domination.

Isabelle Garo. Tout à fait d’accord avec ce que vient de dire Stathis. J’insisterai encore sur cette redéfinition de la politique chez Marx : c’est le propre même du capitalisme que de séparer la politique d’autres sphères sociales, d’en faire une instance spécialisée et circonscrite, et du coup d’expulser les rapports de production et d’exploitation, les rapports de propriété, hors de la question politique, en en faisant des questions privées, soustraite à la décision collective. Or la démocratie au sens plein, telle que Marx la conçoit, concerne au premier chef l’organisation du travail, de la production, de la distribution des richesses collectivement produites. C’est cette figure de la politique dont nous voulions souligner l’actualité, spécialement dans ce moment de crise profonde du capitalisme, et de crise de la démocratie.

Justement, cet élargissement de la notion de politique ne reste pas, chez Marx, indéterminé : il prend corps dans l’invention de formes politiques irréductibles à des appareils d’État…

Stathis Kouvélakis. La question de l’État, chez Marx, est sans doute la plus difficile, celle qui appelle le plus de recherches et clarifications. Par exemple, il est clair, lorsque l’on relit la Critique du programme de Gotha dans la nouvelle édition qu’en proposent Sonia Dayan-Herzbrun et Jean-Numa Ducange, que la critique du droit qu’on trouve dans ce texte est dirigée essentiellement contre la vision de la transition centrée sur la réforme juridique et le réaménagement de l’armature institutionnelle de l’État, qui est en fait la vision de Lassalle. Ce n’est pas une théorie générale qui donne congé au droit, et a fortiori à la problématique institutionnelle. Marx parle du communisme comme d’un processus de « transformation » de l’État – de l’État comme instance distincte, séparée de la société et la surplombant. Très tôt, Marx se propose le problème suivant : il entend penser, dès le Manifeste, un « pouvoir public » qui ne soit pas un État. Marx déclare expressément que l’État disparaîtra dans la société communiste, avec la domination de classe dont il est l’expression. La formulation est assez énigmatique, mais Marx tient à tenir cette question ouverte pour ne pas anticiper sur les expériences nouvelles, issues des luttes. Ce n’est pas un hasard si chaque avancée décisive de la pensée de Marx sur les questions politiques, et notamment la question des institutions, ne survient qu’après un cycle de luttes et d’expériences révolutionnaires concrètes.

Comme celle de la Commune de Paris ?

Stathis Kouvélakis. L’expérience de la Commune sera effectivement un marqueur essentiel, au point que l’on peut parler de véritable « tournant politique » de Marx. Marx se pose alors la question de l’organisation ouvrière, en tant que mode spécifique d’organisation qui intervient sur le champ politique (tel qu’il est en train de se former en Europe à ce moment-là) ; et la question des formes spécifiques, émancipatrices, que peuvent produire les luttes ouvrières quand elles se confrontent à la question du pouvoir. C’est cela, évidemment, la grande expérience historique de la Commune. Même si cette expérience a duré très peu de temps, même si les conditions en étaient tout à fait exceptionnelles et singulières, elle reste une expérience concrète de l’exercice du pouvoir par les classes dominées.

Isabelle Garo. Cela relance évidemment la question du communisme, dont on ne trouve pas, chez Marx, de figure nettement dessinée, mais des indications essentielles. Le projet communiste n’est pas un programme bouclé et prêt à être appliqué, il ne prend sens que dans une dynamique, où les formes d’organisation s’inventent au fur et à mesure, se corrigent et se révisent. Le communisme est une construction en acte, qui s’appuie à la fois sur des institutions existantes (par exemple des élections, pas seulement mais aussi, des alliances), sur des luttes de classes de grande ampleur, et vise l’élaboration de formes politiques neuves (des organisations ouvrières, et à terme, une démocratie de producteurs associés).

Stathis Kouvélakis. Pour Marx, le « secret » de la Commune, c’est qu’elle une « forme politique expansive ». En quoi consiste son expansivité ? C’est qu’elle permet justement de prendre en main les questions du fonctionnement économique, mais aussi de la vie quotidienne, de réorganiser l’ensemble des activités sociales. Le bouillonnement, l’effervescence de la Commune de Paris, avec son aspect très expérimental, permet à Marx de comprendre que la politique, loin de dépérir au cours de la transition communiste, est amenée à se développer et se transformer. C’est le contraire de ce qui se passe dans nos sociétés qui opèrent une réduction du sens de la politique à de simples mécanismes étatiques et institutionnels.

Revenons à cette idée de « pouvoir public ». N’est-ce pas là la véritable novation théorique de Marx dans ses écrits sur la Commune, ainsi qu’une manière de renouer en profondeur avec Kant et la Révolution Française ?

Stathis Kouvélakis. Marx a en effet été très sensible au fait que le discours communard est saturé de références à la Révolution française, et notamment à 1793. Ce qui l’amène à rectifier certaines de ses formulations et critiques antérieures, pour renouer ce lien avec l’aspect le plus radical de la Révolution, c’est-à-dire l’idée, d’inspiration rousseauiste, que la volonté générale n’est « toujours droite » que d’être toujours ouverte à sa propre rectification. Cette forme est donc expansive dans la mesure où elle est ouverte à sa rectification. Elle est donc liée à celle de la publicité des délibérations, idée que l’on voit émerger chez Kant, et comme pratique populaire de masse à l’époque de la Révolution française. Marx comprend de plus en plus la continuité fondamentale du phénomène révolutionnaire : c’est une idée qu’a brouillé un certain marxisme, lorsqu’il érige une muraille de Chine entre la « révolution démocratique bourgeoise » et la révolution socialiste. Il y a bien eu, dans la Révolution française, quelque chose qui va au-delà de l’horizon de la démocratie bourgeoise sur lequel elle s’est finalement arrêtée et qui touche à l’idée d’une « égalité » qui ne soit pas simplement juridique.

Isabelle Garo. La rupture avec Kant se situe, me semble-t-il, avec l’idée de démocratie radicale, qui n’est plus de l’ordre d’un simple contrôle public, d’un progrès du droit et par le droit, mais d’une transformation révolutionnaire des institutions et d’un mode de production tout entier.

Stathis Kouvélakis. J’irai un peu au-delà. Dans Philosophie et révolution, j’essayais de montrer que la conception que Marx a du journalisme politique se développe sur un fond kantien. L’expérience de la Gazette rhénane amène Marx à penser que la raison s’élabore dans l’action, dans les pratiques sociales, ce qui n’est pas sans rappeler l’idée de Kant que la sphère publique est en mesure de réformer, de manière graduelle, les institutions étatiques. Bien sûr, pour Marx une rupture révolutionnaire avec l’État est nécessaire. Mais Marx est avec Kant car il pense une raison pratique, une rationalité nouvelle, présente dans l’action. Seulement, cette rationalité n’est plus simplement celle d’une libre discussion, a fortiori d’une discussion entre penseurs, mais une rationalité exercée par les masses populaires elles-mêmes, qui pratiquent la politique comme activité de transformation matérielle et pas simplement comme délibération rationnelle.

Vous insistez tous deux sur une nouvelle pratique politique, transformatrice. Est-ce en ce sens que Marx parle de « pouvoirs publics », qui ne seraient plus tout à fait des « services publics » sous tutelle d’une administration d’État ? De formes politiques d’organisation inédites et expérimentales, vouées à une forme d’expérimentation quotidienne, et qui conduisent à une politisation de la vie quotidienne ?

Isabelle Garo. Il y a peu d’indications de Marx sur ces questions concrètes, elles restent liées à l’histoire en train de se faire, en particulier aux innovations qui sont celles de la Commune de Paris. Ces indications on pu nourrir, dans les années 60 et 70, une riche réflexion sur la vie quotidienne, sur la ville. Mais si, lorsqu’on parle de vie quotidienne, on entend par là les conditions de travail, les rapports sociaux liés à la production, l’organisation du temps, l’on retrouve ces questions au cœur de la pensée de Marx. Elles sont spécifiques, mais en même temps jamais coupées de la perspective globale de dépassement du capitalisme, alors que ces deux dimensions seront parfois opposées ensuite.

Stathis Kouvélakis. Avec la Commune, Marx prend en effet en compte un aspect fondamental de la politique populaire, c’est-à-dire l’aspect spatial, géographique. Marx comprend qu’avec le pouvoir communal, la forme politique de l’émancipation du travail implique une très grande part de décentralisation du pouvoir. Si Marx, contrairement à la vision « fédéraliste intégrale » réserve une place à des formes centralisées de délibération, un niveau avancé de décentralisation et de déconcentration du pouvoir lui apparaît nécessaire, par opposition à cette forme autoritaire et centralisé de pouvoir que représentait l’État du Second empire. Second aspect spatial : l’aspect urbain. Marx comprend que la Commune est une réaction contre le Paris haussmannien, que la prise de pouvoir par la classe ouvrière implique une rupture avec le type d’espace urbain, très contrôlé, que le capitalisme spéculateur mettait en place. Enfin, il faut insister, avec Kristin Ross, sur le fait que c’est à partir de l’expérience de la Commune que Marx va repenser le rapport entre ville et campagne ou, si l’on veut, le rapport entre la paysannerie et la classe ouvrière, ce qui va l’ouvrir à une réflexion sur les formes de coopération des communautés paysannes, notamment en Russie. Dans « commune » il y aussi « commun » et « communautaire », ce qui fait de Marx un penseur en résonnance avec des questions actuelles : les formes de décentralisation de la politique, les formes spatiales de la politique, les formes communautaires reconstruites « par en bas » comme alternatives au capitalisme et non comme « archaïsme » qu’il s’agit de dépasser.

Peut-on dire que la marxisme doit aujourd’hui en prendre en compte non seulement les effets globaux du capitalisme, mais également les différents types d’appartenance communautaires (qu’ils soient nationaux, ethniques ou de genre par exemple) ?

Isabelle Garo. L’article de Kevin Anderson sur les sociétés non occidentales et non capitalistes montre en effet que Marx, après avoir hérité d’une vision hégélienne de la Chine et de l’Inde comme de pays sans histoire, et que la colonisation fait entrer dans une dynamique qui est celle de l’Occident, va changer radicalement de point de vue, pour porter une attention extrême aux singularités et aux trajectoires historiques originales. Pour revenir à notre livre, il s’efforce de montrer que les questions des nationalités, de l’ethnicité, du genre, sont aujourd’hui au cœur des interrogations politiques présentes mais aussi du marxisme, alors qu’on croit souvent qu’elles lui sont étrangères.

On est frappé, en lisant vos textes, de découvrir les classes, repensées non plus comme des touts homogènes et substantiels, mais des ensembles hétérogènes, composés de fractions de classes en conflit.

Isabelle Garo. Il n’y a jamais eu chez Marx de conception substantialiste des classes, c’est-à-dire découpées de façon statique. Les classes se définissent d’abord par et dans les conflits qui les structurent. La conscience d’elles-mêmes que les classes construisent dans ces conflits les conduit à s’organiser, et à mener plus ou moins loin l’offensive. Du coup, lors de ses analyses historiques, Marx ne généralise jamais, il est attentif à cette diversité des fractions et sous-fractions de classe, aux questions d’alliance, donc à la dimension fondamentalement politique de cet affrontement. Ceci dit, les classes restent déterminées par leur position dans le processus de production, liées au conflit central capital-travail qui structure le mode de production capitaliste en tant que tel.

Stathis Kouvélakis. Que Marx ait une conception politique des classes veut dire que Marx comprend que, dans les classes sociales telles qu’elles apparaissent, il y a une part de construction et de contingence. Mais, contrairement à ce que dit par exemple Ernersto Laclau, les forces politiques ne sont pas des pures constructions, et leur mode de constitution est ancré dans des déterminations structurales, des rapports de production et de reproduction sociales. Certes, on trouvera quelques textes de jeunesse, dans lesquels le prolétariat apparaît de façon quelque peu idéalisée comme investi d’une « mission » révolutionnaire. En réalité, Marx a passé l’essentiel de sa vie en Angleterre, un pays où le mouvement ouvrier, très puissant, était pourtant sur des positions politiquement très modérées. Marx comprend alors que la radicalité du mouvement ouvrier n’est pas inscrite d’avance dans la logique de développement des forces productives, ou dans un fait sociologique, mais qu’elle dépend de tout un ensemble de médiations politiques, idéologiques, culturelles. C’est pour cela qu’aux yeux de Marx, l’attitude vis-à-vis de la situation coloniale en Irlande est le test de vérité du mouvement ouvrier britannique, et représente l’opérateur d’une radicalisation possible.

Ne faut-il pas, en définitive retenir la lecture de Rosa Luxembourg et, par la suite, de Hannah Arendt ? Celle d’une idée marxiste de la politique, organisée autour de comités populaires qui, dans l’action, forgent des alliances inédites, expérimentent de nouvelles formes d’émancipation ? N’est-ce pas la grande leçon de Marx : c’est dans l’action et la transformation publiques que se forgent les nouveaux objets, les nouvelles pratiques, les nouvelles formes politiques ?

Isabelle Garo. Tout à fait d’accord. La question est de savoir pourquoi cette importance chez Marx de l’invention politique est passée inaperçue. Le fait que Marx ait été caricaturé, simplifié, la fabrication d’un marxisme stalinisé ont lourdement pesé et pèsent encore. Disons que sa conception de la politique est indissociable d’expériences qui font vivre cette idée de la politique, qui font exister ces esquisses de formes politiques nouvelles, qui sont les moyens d’un véritable dépassement du capitalisme. Faute de lien à des pratiques de masse, à des mobilisations de grande ampleur, le marxisme tend à se rétracter en théorie pure. Mais l’invention politique ne se décrète pas, même si le travail théorique y participe. Cette conviction est ce qui donne son unité à ce petit livre.

Ne retrouve-t-on pas cette idée de la politique à l’œuvre dans des expériences comme celles qui ont cours en Espagne ? À Barcelone, où la politisation se produit autour de questions comme la violence policière, l’électricité, le logement, mais où cette politisation de la vie quotidienne est inséparable d’une réflexion sur les modalités de gouvernement, et l’exercice du pouvoir ?

Isabelle Garo. Nous pensions bien sûr à ce contexte. Concernant Podemos, il s’agit évidemment de savoir comment concilier des formes de démocratie et d’intervention locales avec une structuration relativement verticale et surtout avec des orientations globales, qui restent à préciser. Ces questions sur les formes d’organisation sont d’une grande actualité, d’une grande urgence même. Pour nous, ce livre est une façon d’intervenir dans ce débat et d’appeler à l’élargir. Il nous semble important de réactiver ces traits essentiels du marxisme : son caractère international et le débat critique, même vif, informé.

Stathis Kouvélakis. Nous avons pensé au présent avec l’idée que pour gagner, pas simplement pour résister, pour remporter des victoires même partielles « il ne faut pas avoir peur de la politique », comme disait Gramsci. Chaque fois que le mouvement ouvrier, que les classes dominées ont peur de la politique, c’est qu’ils sont dans une position subalterne. Pour en sortir il faut réinvestir le terrain politique, mais précisément pour le transformer. C’est d’autant plus vrai à l’heure où le néolibéralisme emporte avec lui une véritable dé-démocratisation qui confirme de façon éclatante que capitalisme et démocratie sont, en définitive, incompatibles.

Comment sortir de la dé-démocratisation, de la dépolitisation, de l’étatisation de la politique, qui affecte également nos pratiques et nos outils politiques ?

Stathis Kouvélakis. La crise historique du mouvement ouvrier n’est évidemment pas résolue par des expériences, même très intéressantes, qui adviennent ici ou là. Il s’agit de remettre au travail une modalité de réflexion autocritique, notamment par rapport à un héritage historique auquel il faut encore se mesurer. Et cette modalité de réflexion autocritique ne peut évidemment pas faire l’impasse sur la critique, notamment d’inspiration trotskyste ou sartrienne, des phénomènes de bureaucratisation et d’institutionnalisation étatique. Les crises qui nous affectent aujourd’hui ne sont pas nouvelles ; elles peuvent et doivent être repensées dans le cadre des courants critiques du marxisme, d’ailleurs très précoces et toujours vivaces recommencées, qui se nourrissent notamment de l’apport de Trotsky, de Gramsci ou de Sartre.

Isabelle Garo. La gauche radicale en France est encore hantée par bien des préjugés sur Marx et la politique, ce qui empêche de formuler certains enjeux contemporains, d’aborder la question stratégique dans toute son ampleur. Mais il ne s’agit surtout pas de chercher des vérités toutes prêtes chez Marx. Car on voit aussi resurgir un marxisme « orthodoxe », nostalgique du stalinisme. Ce sont deux positions – ignorance et sectarisme – qui au fond, s’accommodent très bien l’une de l’autre. Elles rendent impossible l’intervention intellectuelle et politique dont nous avons besoin aujourd’hui. Bref, avec ce livre, nous voulons donner à voir un marxisme ouvert et combatif à la fois, capable de féconder l’activité politique et militante, et théoriquement charpenté.

 

Propos recueillis par Gildas Le Dem

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