Après le résultat de Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l’élection présidentielle, faut-il encore désespérer de la gauche ? La possibilité d’un accord de toute la gauche et la main tendue de l’union populaire peut-elle redonner l’espoir ? Rémi Lefebvre, politiste et auteur de Faut-il désespérer de la gauche aux Éditions Textuel, est l’invité de #LaMidinale.
UNE MIDINALE À VOIR…
ET À LIRE…
Sur la gauche post premier tour
« Tout confondu, la gauche totalise 30% des voix au premier tour de l’élection présidentielle. C’est un score qui n’est pas déshonorant mais il faut se rappeler qu’en 2012, François Hollande faisait 28% tout seul. »
« Le score de la gauche fait moins que le total de l’extrême droite. »
« Deux tiers des Français sont sur des positions très éloignées de la gauche. Donc on ne peut pas dire que collectivement, le rapport de force soit favorable à la gauche. »
« La campagne électorale a été très dominée par les thèmes de la droite donc on ne peut pas dire que, idéologiquement, la gauche ait pris le leadership sur la bataille des idées. »
« Il y a eu une primaire par les sondages qui s’est opérée à gauche. »
« L’union à gauche s’est faite par le bas. »
« Ce que les partis de gauche n’ont pas réussi à faire, les électeurs l’ont produit. »
« Ce qui est spectaculaire, c’est la poussée de Jean-Luc Mélenchon dans les derniers jours et sa capacité à fédérer les électeurs. »
Sur la social-démocratie
« On s’étonne encore du niveau du PS et c’est vrai que 2% c’est très bas mais ça n’est pas étonnant – les élections municipales et régionales ont été trompeuses. »
« La social-démocratie ne tient plus parce que beaucoup d’électeurs de gauche, modérés, sont partis chez Macron. »
« Les électeurs de gauche sont partagés entre les deux bouts de l’omelette : ceux, modérés, qui sont aujourd’hui chez Macron – un tiers des électeurs de Hollande sont chez Macron – et les électeurs plus à gauche qui sont partis chez Mélenchon et chez Jadot. »
« Les électeurs ont été désorientés par une campagne d’Anne Hidalgo qui n’était pas inintéressante sur le fond avec un programme à gauche mais qui, en invitant Hollande dans ses meetings et en critiquant très fortement Mélenchon, a perdu sur les deux tableaux : elle s’est aliénée les électeurs modérés et elle a perdu les électeurs de gauche. »
« On ne voit pas trop comment un espace électoral pourrait se reconstituer pour le Parti socialiste. »
« Idéologiquement, le PS n’a plus d’identité. »
Sur Jean-Luc Mélenchon
« Le centre de gravité de la gauche s’est déplacé vers Mélenchon. »
« La gauche de Mélenchon n’est pas si radicale. »
« Social-démocrate ne veut plus dire grand chose. »
« Mélenchon a vocation à gouverner. »
« Il est aujourd’hui totalement inopérant d’être de gauche sans radicalité dans un contexte d’exacerbation des inégalités. »
« Être de gauche aujourd’hui, c’est porter un projet radical. »
« Là où Mélenchon n’a pas rompu avec la culture social-démocrate, c’est qu’il veut gouverner. »
Sur Fabien Roussel et le PCF
« Il y a eu un moment Roussel pendant la campagne présidentielle. »
« Roussel a fait une campagne de marketing politique. »
« La gauche républicaine et populaire a été séduite par le discours de Roussel. »
« L’espace qu’a réussi à capter Roussel est un espace très exiguë. »
« Roussel aura réussi à incarner quelque chose mais n’a pas résisté à la vague du vote utile Mélenchon qui a déferlé. »
« Dans la palette de gauche, Roussel a incontestablement incarné une sensibilité. »
« La question pour le PCF, c’est celle des législatives : va-t-il maintenir sa base de députés. »
« On mesurera l’efficacité de la candidature de Fabien Roussel au moment des législatives. »
Sur les accords possibles aux législatives
« En 2017, Mélenchon fait 19,5% des voix et il ferme la porte à une union aux législatives. Il se plante parce qu’il fait 11% des voix et obtient 17% des voix. Il a dilapidé son capital électoral. »
« Aujourd’hui, on a l’impression que Mélenchon a changé de ton. »
« Mélenchon a mené une campagne beaucoup moins populiste qu’en 2017 et beaucoup plus de gauche traditionnelle qu’en 2017. »
« Le vote Mélenchon est un vote très métropolitain, jeune, quartiers populaires racisés. Il recule en revanche dans les anciennes zones ouvrières – notamment dans les Hauts-de-France. Toutes les voix que gagne Mélenchon se font en région parisienne. »
« Mélenchon se rend compte qu’il a un électorat de gauche traditionnelle ce qu’il avait refusé d’admettre en 2017. Donc il est plus ouvert aujourd’hui. »
« Mélenchon a une stratégie habile pour remobiliser son camp aux législatives. »
« Si la gauche arrive divisée aux législatives, tout le monde va en pâtir. »
« Le ton de Mélenchon a changé. LFI veut être la nouvelle force centrale à gauche mais veut rassembler les communistes et les écologistes à ses conditions. »
Sur une potentielle alliance du NPA au PS pour les législatives
« La question, c’est sur quelle base programmatique ? Pour LFI, elle doit se faire sur la base du programme de l’Union populaire. »
« Il y a énormément de problématiques locales très différentes mais l’état d’esprit général a changé. »
« Le cœur, c’est la question du rapport aux écologistes. »
« La stratégie de la France Insoumise a changé : est-ce que c’est simplement pour montrer qu’ils sont unitaires et, au bout du compte, LFI imposera, dans un jeu de poker menteur, des conditions qui ne pourront être acceptées ? »
Sur la perspective de Jean-Luc Mélenchon Premier ministre
« Je ne suis pas dans la tête de Jean-Luc Mélenchon mais je crois qu’il a assez de sens politique pour savoir que cette hypothèse n’est pas très réaliste. »
« Cela ouvre une mobilisation potentielle pour son camp. »
« Cela permet à Jean-Luc Mélenchon de transmettre un peu plus son capital politique. »
« Depuis l’inversement du calendrier électoral en 2002, il y a un problème d’abstentionnisme différentiel : les électeurs du camp qui a perdu à la présidentielle ne vont pas voter aux législatives, ce qui donne une surprime au camp sortant. »
« Beaucoup de jeunes et de gens racisés issus des quartiers populaires ont voté pour Jean-Luc Mélenchon mais appartiennent aussi à des catégories très abstentionnistes aux législatives. »
Sur les différentes sensibilités de la gauche
« Les écologistes effectuent un repli tactique : David Cormand qui est un peu l’idéologue écolo, est beaucoup plus prudent, affirmant qu’ils ont perdu la présidentielle et qu’il faut aller vers LFI. Mais ils n’ont pas renoncé au fait que c’est eux qui sont dans le sens de l’histoire. Ils veulent des circonscriptions mais je ne crois pas qu’ils aient renoncé au fait que c’est autour d’eux que doit s’écrire l’avenir de la gauche. »
« Le Parti communiste n’est pas prêt à renoncer à son identité organisationnelle. »
« Le Parti socialiste pense toujours que, lorsque Macron sera parti, il n’y aura plus que de la droite et qu’il pourra retrouver son espace. »
« La mise en retrait de Jean-Luc Mélenchon, ou, à tout le moins, le fait qu’il ne sera plus candidat à l’élection présidentielle, va changer la donne à gauche parce que c’était lui qui tenait l’électorat très composite de LFI. »