IVG : les réacs décomplexés

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L’abrogation du droit à l’IVG aux États-Unis suscite de très nombreuses réactions en France pour dénoncer le recul des droits des femmes. La Nupes et Ensemble ont d’ailleurs décidé de présenter un projet de loi pour inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution française. Alors qu’on imaginait cette proposition faire l’objet d’un large consensus – et même si l’on peut s’étonner du revirement soudain de la majorité présidentielle qui avait refusé une proposition de loi similaire venue de la gauche lors du quinquennat précédent – en réalité, l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution est loin de faire l’unanimité.

 

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D’abord, interrogeons-nous : qu’est-ce qu’une inscription dans la Constitution changerait ? En réalité pas grand-chose. Le geste est surtout symbolique. L’inscription de l’IVG dans la Constitution enverrait un signal fort au monde entier et sécuriserait un petit peu plus ce droit. Je dis un petit peu plus parce que ce que l’on inscrit dans la Constitution – soit par référendum soit par vote des 3/5ème du Congrès, c’est-à-dire la réunion de l’Assemblée nationale et du Sénat – peut aussi être désinscrit et retiré par d’autres. Par ailleurs, si notre Constitution est évidemment un texte majeur est-il pour autant contraignant ? Regardez… La Charte de l’Environnement est un texte de valeur Constitutionnelle depuis que Jacques Chirac l’a intégrée dans le bloc de constitutionnalité du droit français en 2005. Les droits et devoirs consacrés dans cette Charte sont-ils pour autant respectés ? Hélas, non.

Alors l’inscription du droit à l’IVG est-elle une fausse bonne idée ? Non. C’est une arme symbolique. Un signal fort qui va dans le bon sens. On aimerait toutefois que le gouvernement accompagne cette décision de mesures concrètes et complémentaires, comme un soutien financier plus massif au planning familial par exemple. On aimerait aussi que le signal – aussi symbolique soit-il – ne soit pas contrarié par des décisions contradictoires : à cet égard, l’élection à la présidence du Parlement européen de la maltaise Roberta Metsola, connue pour ses positions anti-avortement, fait particulièrement tâche. D’autant plus tâche qu’elle a été soutenue par le groupe européen de la majorité présidentielle. De même, l’inaction de l’Union européenne face à l’un de ses Etats membres, la Pologne, qui restreint le droit à l’IVG, apparait de ce point de vue parfaitement incohérente.

Un débat va donc avoir lieu en France et Emmanuel Macron pourrait bien trouver sa toute première majorité. Celle qu’il peine à réunir depuis le résultat des législatives. Et si ses amis manquent d’enthousiasme sur ce texte, François Bayrou a d’ores et déjà fait savoir son désaccord, c’est la gauche qui pourrait redonner le sourire au président. Marine Le Pen, un peu embarrassée s’est contentée d’un : « Pourquoi pas ». Si elle votait pour, pas sûr qu’elle soit suivie par ses députés dont plusieurs sont proches des mouvements anti-IVG, à commencer par le député Christophe Bentz qui avait comparé l’avortement à un « génocide de masse ». Glaçant !

Parce que c’est sans doute l’effet pervers de cette juste décision. Le retour des réacs. La loi sur le mariage pour tous avait fait émerger le mouvement de la Manif pour tous qui avait largement gâché la fête qu’avait pourtant suscitée la grande réforme portée par Christiane Taubira et ses nouveaux droits consacrés. « C’est la plus grande victoire du siècle pour la vie », a tweeté l’ancienne ministre de la famille Christine Boutin après la décision américaine. Pas de doute, les réacs sont de sortie. Et pas les moins cintrés.

 

Pierre Jacquemain

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