Homophobie : Hugo Lloris n’en est pas à son coup d’essai

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Au-delà de son refus du drapeau arc-en-ciel et de son respect pour la politique homophobe qatarie, le capitaine des Bleus nourrit depuis longtemps une ambiguïté envers l’homophobie – qu’il qualifie de « folklore »

La question des droits des homosexuels est peut-être le plus gros point de clivage concernant cette coupe du monde au Qatar – devant les droits des femmes et même plus généralement les droits humains, on pense aux milliers d’ouvriers-esclaves morts pour construire les stades…

 

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En organisant un tel événement sportif, le Qatar se doit de donner un minimum de gages. Pour se faire, ses lois répressives – l’homosexualité, tout comme les relations hors mariage, est punie de sept ans de prison – ont été « suspendues » le temps de la compétition. Des mots de Nasser al-Khater, le chef de l’organisation de la Coupe du monde, sur CNN : « Les homosexuels sont les bienvenus au Qatar, mais pas main dans la main. […] Nous respectons également les autres cultures et nous attendons des autres qu’ils respectent également notre culture. »

Or, dans les faits, après seulement trois jours de tournoi, les choses se corsent petit à petit. Ainsi, le brassard « One Love » et son cœur arc-en-ciel, que devaient arborer les capitaines des équipes qui le souhaitent, après avoir été toléré (avant que la compétition ne commence), a finalement été tout bonnement interdit – la FIFA menaçant les joueurs de sanctions sportives. À la place, les capitaines portent un brassard où l’on peut lire « No discrimination »…

Comme on lit sur lemonde.fr : « Ce brassard aux six couleurs encloses dans un cœur n’a pourtant pas été pensé comme un avatar de l’emblème des communautés LGBTQ+. À en croire ses initiateurs, en tout cas. Visant à « défendre le vivre-ensemble et [à] s’interdire toute forme de discrimination », des mots tellement vagues qu’il semble impensable de s’y opposer, le brassard « One Love » évoquait un mystérieux coffre fermé. Chacun y mettait ce qu’il y voyait, puisque personne ne savait ce qu’il contenait : la défense des droits LGBTQ+, l’antiracisme, l’égalité des genres, la défense des droits des personnes en situation de handicap, ou la protection des travailleurs migrants. »

L’amour et les arc-en-ciel, c’est mal

Visiblement, le Qatar a choisi avec grande précision le symbole auquel il souhaite s’attaquer : le deuxième maillot de la Belgique a été retoqué car il figure sur l’intérieur son col le mot « Love ». Rien de plus, rien de moins.

On a vu également des supporters de l’équipe galloise se voir refuser l’entrée du stade au motif qu’ils portaient des vêtements aux couleurs de l’arc-en-ciel. La rhétorique qatarie est assez orwellienne : ils font ça pour protéger ces personnes d’éventuelles agressions. En avril dernier déjà, le responsable de la sécurité pour la Coupe du monde déclarait : « Si un supporter brandit un drapeau arc-en-ciel dans un stade et qu’on le lui enlève, ce ne sera pas parce qu’on veut l’offenser, mais le protéger. Si on ne le fait pas, un autre spectateur pourrait l’agresser. » Interdire, c’est donc autoriser.

En France, pas mieux

Cette politique, le capitaine de l’équipe de France Hugo Lloris semble y adhérer pleinement. Lui avait refusé de porter le brassard « One Love » avant que la FIFA ne l’interdise, aux motifs suivants : « Sur ce sujet, bien sûr, j’ai mon opinion personnelle. Et ça rejoint un petit peu celle du président Noël Le Graët. Lorsqu’on est en France, lorsqu’on accueille des étrangers, on a souvent l’envie qu’ils se prêtent à nos règles, qu’ils respectent notre culture, et j’en ferai de même quand j’irai au Qatar, tout simplement. Après, je peux être d’accord ou non avec leurs idées, mais je dois montrer du respect par rapport à ça. » ; « Nous, on nous demande de jouer au football et de représenter notre pays sportivement. Je préfère rester dans mon cadre, celui de joueur et de compétiteur. »

L’homophobie, le sexisme, l’esclavagisme, une « culture » ? Drôle de façon de parler de politique. Mais c’est un autre débat…

Avant cette conférence de presse du gardien des Bleus, le président de la fédération française de football avait déclaré, toujours à propos du brassard de la discorde : « J’aime autant qu’il ne le fasse pas. On va jouer dans un pays que l’on doit respecter. Mais s’il faut le porter, on le portera. Ce n’est pas que je ne suis pas favorable à ce brassard, mais quelques fois, je me dis que l’on veut être tellement donneurs de leçon qu’il faudrait regarder aussi ce qui se passe chez nous. »

Ce n’est pas la première fois qu’Hugo Lloris se place derrière Noël Le Graët. En 2019, plusieurs matchs du championnat français avaient été interrompus suite à des chants ou des banderoles homophobes venus des tribunes. Réaction du patron du foot français : « Pour être clair, je trouve qu’on arrête trop de matchs. Cela fait plaisir à certains ministres, mais moi, ça me gêne. Le football ne peut pas être pris en otage pour des propos vulgaires. » Et devinez qui avait alors soutenu son président ? Hugo Lloris, se déclarant lui aussi « contre l’arrêt des matchs, quelle que soit la forme de discrimination ».

Et Noël Le Graët, peu connu pour être un individu progressiste, de préciser qu’a contrario il ferait arrêter un match « pour des cris racistes, pour une bagarre, des incidents s’il y a un danger dans les tribunes », car le racisme dans les stades et l’homophobie en tribunes, « ce n’est pas la même chose ». C’est d’ailleurs tellement « pas la même chose » que, un an après cette sortie, il assurait que « le phénomène raciste dans le football n’existe pas, ou peu ».

Ironie de l’histoire, en mars dernier, la FFF avait commencé un clip contre l’homophobie dans le football, clip auquel n’avait accepté de participer que trois joueurs, dont Hugo Lloris et… clip finalement censuré. Et pour cause, le capitaine français s’amusait des insultes homophobes comme étant du « folklore » : « Lorsqu’on est sur un terrain, ça fait partie du décor, les supporteurs qui chambrent, on peut se faire insulter. À la rigueur on peut s’en servir comme motivation supplémentaire dans l’adversité, on a envie d’en découdre sur le terrain. »

Et pendant ce temps-là, les joueurs iraniens refusent de chanter leur hymne en solidarité avec le mouvement de protestation en cours dans leur pays, violemment réprimé. Preuve, s’il en est, qu’il n’y a pas qu’une seule façon de rendre le football politique.

 

Loïc Le Clerc

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