Borne II : la régression en marche
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S’il y a bien un exercice dans lequel Emmanuel Macron n’excelle pas, c’est celui des ressources humaines. À chaque remaniement, depuis 2017, le président de la République peine à trouver les bonnes personnes au bon endroit. Et quand la fumée blanche s’échappe enfin de l’Elysée, c’est toujours une déception. Ça vaut pour le choix de ses premiers ministres. Il faut dire que quand on ne connait pas soi-même la feuille de route, ça n’aide pas : on a quand même un président de la République qui a hésité de longues semaines entre une première ministre de gauche ou une première ministre de droite. Comment composer un gouvernement quand on ne sait pas bien où on habite. Et ça vaut aussi, évidemment, pour ses ministres. Le souvenir le plus frappant c’est quand même celui de la gestion de la démission de Gérard Collomb au ministère de l’Intérieur. Il aura fallu attendre 13 jours pour qu’il prenne la décision de nommer Christophe Castaner.
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Donc ça y est. Nous avons enfin un nouveau gouvernement. Borne II est né ce matin par un simple et sobre communiqué de l’Elysée, court-circuitant le secrétaire général de l’Elysée et sa traditionnelle annonce depuis le perron du Palais présidentiel. D’abord, pour être honnête, j’ai souri en observant le retour de Marlène Schiappa. Cette macroniste de la première heure, espérait sans doute une promotion. Il n’en sera rien. C’est même une forme d’humiliation machiste, misogyne que le président lui inflige sous nos yeux. Après avoir été ministre déléguée, la voilà reléguée au rang de Secrétaire d’Etat à l’économie sociale et solidaire. Tout ce que Macron n’intéresse pas. J’ai souris, disais-je mais en réalité, ça ne prête pas tant à sourire. 90% des secrétaires d’Etat sont des femmes. Sur 16 ministres, cinq seulement sont des femmes. Sur les 10 premiers ministères dans l’ordre protocolaire, huit sont des hommes contre deux femmes seulement. Preuve qu’avoir une femme à la tête du gouvernement ne prémunit de rien. Ou alors, c’est que Borne n’a pas la main.
Les autres enseignements que l’on retient à la lecture du nouveau gouvernement ne sont pas plus glorieux. Le ministère de la transition écologique passe du cinquième rang protocolaire au dixième. Et c’est le proche d’Edouard Philippe, Christophe Béchu, qui prend la place d’Amélie de Montchalin au ministère. Un grand progressiste, peu connu des écologistes et qui avait par exemple voté contre l’interdiction des néonicotinoïdes. Ça promet. Un grand progressiste, disais-je, bien connu pour ses positions anti mariage pour tous. Tout comme sa nouvelle collègue, Caroline Cayeux, ministre déléguée aux collectivités territoriales, proche de la Manif pour tous. Le casting est donc parfait. A droite toute. Et vive les réacs. Mais ça n’est pas tout. Il y a plus subtile. Peut-être plus inquiétant. La ministre déléguée à l’enseignement professionnel, Carole Grandjean, est désormais placée sous double tutelle du ministère de l’Education nationale mais aussi et du ministère du travail. Inédit ! Pareil pour Sarah El Haïri, secrétaire d’Etat chargée de la Jeunesse et du SNU (Service national universel). La voilà placée sous la double tutelle du ministre de l’Education nationale et, tenez-vous bien, du ministre des Armées. La jeunesse et le SNU placés sous les armées…
Manquerait plus que Gérald Darmanin soit maintenu à Beauvau. Ah ben si, il est toujours là. Et il voit même son portefeuille agrandit aux Outremers. Seul lot de consolation : Damien Abad n’est plus membre du gouvernement. Mais rassurez-vous : Dupont-Moretti et Zacharopoulou sont toujours là. Elisabeth Borne a d’ores et déjà annoncé qu’elle ne solliciterait pas un vote de confiance ce mercredi lors de son discours de politique générale. Sans confiance, que reste-t-il ? La défiance. Et on voit mal comment tout ça pourra tenir durablement…