Assemblée nationale : le FN fait son retour

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« Pour cette première séance de la XVIème mandature, l’Assemblée vient d’applaudir le discours du doyen RN sur l’Algérie Française perdue. Je suis abasourdie. Quelle déchéance ». C’est en ces termes que la nouvelle députée écologiste Sandra Regol a dénoncé l’installation hier de la XVIè législature de la Vème République. En sa qualité de doyen de l’Assemblée nationale, José Gonzalez, élu député du Rassemblement national des Bouches-du-Rhône, avait pour mission de prononcer le discours inaugural, suscitant l’indignation de la gauche et des écologistes. Qu’a-t-il dit exactement ? Il évoque d’abord « le symbole d’unité » que représente l’hémicycle dont les députés sont installés par ordre alphabétique et non pas selon leurs couleurs politiques et ajoute : « Ce symbole d’unité, dit-il, touche l’enfant d’une France d’ailleurs arraché à sa terre natale et brossé sur les côtes provençales par le vent de l’Histoire en 1962. J’ai laissé là-bas une partie de ma France et beaucoup d’amis. Je suis un homme qui a vu son âme à jamais meurtrie. Je pense à mes amis que j’ai laissés là-bas ». Sans même revenir à l’usage récurrent du terme « unité française » qui renvoie nécessairement à la naissance du Front national, la nostalgie à peine voilée du député d’extrême droite pour l’Algérie française avait-elle sa place au sein de nos institutions ?

 

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Non. Comme le rappelle Sébastien Dubois, journaliste au Populaire du Centre : « Quand on sait que la Vème république a été bâtie pour sortir de la crise algérienne, c’est un drôle de retour en arrière. Il ne manque plus que le putsch des généraux pour compléter cette belle année 2022 ». Il a raison. Cette complaisance pour ce que fut le passé colonial de la France, l’OAS et la torture, ces mots sonnent comme une provocation et qui renvoie le parti de Marine Le Pen à ce qu’elle ne voulait plus. Pire encore furent les réponses qu’il a données aux journalistes présents dans la salle des quatre colonnes. « Franchement, je ne suis pas là pour juger si l’OAS a commis des crimes, je ne sais même pas ce qu’était l’OAS ou presque pas », a déclaré le député RN. Nouvelle provocation. « Un homme de son âge », balaie-t-on du côté du RN. « Du révisionnisme », assume-t-on, du côté de LFI. D’autres, plus étonnant, sont venus à la rescousse du député d’extrême droite : « L’émotion d’un vieil homme pensant à sa terre natale et à ceux qu’il a laissé là-bas est une tristesse universelle, quand bien même cet homme est député RN pied-noir d’Algérie. Que pèse, en regard de ses larmes, le sectarisme bête, borné, faux, ensuite de ses propos sur l’OAS ? », a tweeté le journaliste Claude Askolovitch – qu’on ne peut soupçonner de bienveillance ni même de complaisance avec l’extrême droite. Des mots qui interrogent. Et se discutent.

Le problème, c’est le contexte. Tout le contexte. Rien que le contexte. Le contexte d’un hémicycle où siègent 89 députés du Rassemblement national – que personne n’avait vu venir. Une extrême droite forte. Légitimée. Et de plus en plus banalisée, voire confortée par la droite, la Macronie comprise. Comme le rappelle l’historien Fabrice Riceputi : « Cette scène, impensable dans les années 90, n’est que le symptôme de la victoire idéologique de l’extrême droite ». Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Un accord technique – à haute portée symbolique – serait sur le point d’être conclue entre la coalition présidentielle, les Républicains et le Rassemblement national. L’objectif : empêcher la gauche et les écologistes d’obtenir les postes importants à l’Assemblée nationale : la questure et deux des vice-présidences. Le RN plus fréquentable que la gauche. Jusque-là, nous avions les mots. Parfois les intentions. Nous voilà face aux actes. Si le RN devait obtenir demain, lors des nominations aux postes stratégiques de l’Assemblée nationale, la questure, ou la vice-présidence, voire peut-être la présidence de la commission des finances, ce serait un fait majeur. Et c’est tout le quinquennat de Macron qui en serait entaché. Celui-là même qui avait promis d’éradiquer l’extrême droite en 2017. Celui-là même qui s’est fait élire à deux reprises pour lui faire barrage. Celui-là porte une lourde responsabilité. Nous en jugerons demain.

 

Pierre Jacquemain

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