La vraie crise financière qui vient
La newsletter du 1er décembre 📨
par Bernard Marx
L’alarme est donnée. Et ce n’est pas la France qui est menacée pour cause de dette publique, mais les États-Unis et le monde.
Si vous cherchez les raisons d’une nouvelle crise financière majeure, la réponse est à trouver du côté des suraccumulations du capital multiples et effrénées, réelles, financières et spéculatives dans l’IA, les cryptomonnaies, en amont et en aval. Partout ou presque.
Dans Les Échos du 26 novembre, c’est Patrick Artus qui annonce « la crise financière qui vient ». Le lendemain, c’est Ludovic Subran, économiste d’Allianz, qui affirme que « tous les ingrédients d’une bulle sont là ». Deux pages plus loin, l’éditorialiste maison François Vidal parle de « la bulle à fragmentation de l’IA dont l’éclatement pourrait durablement plomber l’économie des États-Unis à la manière du Japon à la fin du siècle dernier après l’éclatement de sa bulle immobilière ».
Sur le site Project Syndicate, le même jour, six économistes (un prix Nobel, Simon Johnson, et cinq femmes : Anat R. Admati, Hilary J. Allen, Jayati Ghosh, Corey Klemmer et Erin Lockwood) du Nord et du Sud répondent à la question « L’année 2026 sera-t-elle marquée par une crise financière ? » Il ne donnent pas la date, ne disent pas si ce sera un jeudi noir, mais alertent sur les menaces qui s’accumulent et sur les risques majeurs que cela fait courir : « Au cours de l’année écoulée, les politiques économiques du président américain Donald Trump – notamment le dérapage budgétaire, la démolition du système commercial international, les menaces pesant sur l’indépendance de la Réserve fédérale et l’érosion de la capacité d’innovation à long terme du pays – ont déclenché l’alarme aux États-Unis et dans le monde entier. Ajoutez à cela un secteur de l’IA en pleine effervescence, la normalisation des cryptomonnaies, la multiplication des catastrophes climatiques et l’alourdissement de la dette publique. L’économie mondiale semble en proie à de nombreux risques. »
Sur le même site il y a deux semaines, le « Nobel » Joseph Stiglitz avait lui aussi diagnostiqué la bulle boursière de l’IA : « Une bulle qui a soutenu non seulement le marché boursier, mais l’ensemble de l’économie. D’importants investissements dans l’intelligence artificielle ont compensé la faiblesse du reste de l’économie. Mais comme toutes les bulles de ce genre, celle-ci éclatera tôt ou tard. Personne ne sait exactement quand ; mais avec une grande partie de l’économie qui repose sur un seul secteur, l’effondrement sera inévitablement largement ressenti. »
Et son collègue Paul Krugman considère lui aussi que « l’IA est effectivement en pleine bulle spéculative ». Certes, il ne pense pas que nous soyons au bord d’une nouvelle crise financière. Mais, comme il le reconnaît lui-même, il ne le pensait pas non plus en 2007. À partir de l’analyse de la bulle financière internet de 2000, il alerte néanmoins : « Attention, la FED (la Banque Centrale des États-Unis, ndlr) ne sauvera pas l’IA ». Même The Economist s’alarmait mi-novembre que « si un krach boursier ne surprendrait à peu près personne, rares sont ceux qui ont réfléchi à ses conséquences ». Et ce alors même « qu’une récession hors norme pourrait s’ensuivre ».
J’ai cherché des analyses et des préconisations des ministres français et européens, de la présidente de la BCE ou du gouverneur de la Banque de France et je n’ai rien trouvé sauf des appels du pied pour alléger les normes réglementaires sur les banques et sur l’IA en Europe et pour accélérer le marché unique financier européen. Il semblerait donc utile que le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Éric Coquerel, use de ses prérogatives pour organiser une discussion sur ce sujet à l’Assemblée nationale comme il l’a fait le 1er octobre sur la taxe « Zucman ».
J’ai même une suggestion : inviter l’économiste Daniela Gabor, professeure d’économie et de macro-finances à l’université de Bristol. Il y a quelques jours, elle s’inquiétait avec humour : « Je demande gentiment à la bulle IA d’attendre et d’éclater une fois que mon article prévenant qu’elle va éclater sera publié ». Cet article est maintenant publié.
🔴 VIDÉO DU JOUR
La France qui rêve encore en grand
La vidéo vintage qui cartonne sur Instagram n’est pas qu’un condensé de nostalgie : elle évoque les années Concorde, TGV, fusée Ariane, barrages, centrales et sous-marins nucléaires… 73% de la population pense que « c’était mieux avant », y compris une majorité de jeunes : l’imaginaire collectif reste puissamment aimanté par les grands travaux et les horizons ambitieux. Cette ferveur pour les « grands projets » dit la soif d’un récit national capable de dépasser la gestion au jour le jour. Une envie de construction, de projection, de choses qui transforment réellement le pays. Si cette vidéo touche juste, c’est moins parce qu’elle ressasse le passé que parce qu’elle rappelle ce qui manque aujourd’hui.
P.P.-V.
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