La diplomatie ou le néant
La newsletter du 21 novembre 📨
par Catherine Tricot
La petite musique militaire commence à faire grand bruit. Partout, les États relancent la course à l’armement. Et voilà maintenant qu’on nous demande d’être prêts à « perdre nos enfants ».
Invité au congrès des maires, le chef d’état-major des armées – le CEMA, le plus haut gradé français –, Fabien Mandon a donc demandé aux élus locaux de préparer les citoyens à un possible affrontement avec la Russie ou la Chine dans les prochaines années. Le général a notamment déclaré qu’il fallait dorénavant « accepter de perdre nos enfants, de souffrir économiquement ».
Que le CEMA informe le président de la République, les ministres et les députés de ce qu’il perçoit comme de possibles dangers, de nécessaires mesures à prendre… c’est sa fonction. Mais, ce mercredi, il est évidemment sorti de ce rôle. Contre la tradition républicaine qui veut que les questions de guerre et de défense soient pilotées par les politiques, il a pris l’initiative d’énoncer un changement de cap : désormais, il faudrait nous préparer à la guerre.
Fabien Mandon était, jusqu’à cet été, le conseiller personnel d’Emmanuel Macron. Il ne fait aucun doute que cette sortie tonitruante a été pesée et prise de concert avec lui. Qu’un gradé se substitue au politique est un précédent inacceptable. Le président doit s’adresser au pays et aux élus si, désormais, il propose cette nouvelle orientation. Et il doit accepter d’en débattre et susciter un vote de l’Assemblée.
Il y a un point exact dans ce que dit Fabien Mandon : la guerre « zéro mort » n’existe pas. Il pose les mots justes : morts et destructions. Et alors le débat doit commencer.
Peut-on une seconde imaginer un conflit armée avec la Russie ? La Russie est la première puissance nucléaire mondiale. Qu’un pays disposant de l’arme nucléaire comme la France s’affronte avec la Russie serait une première et lancerait un engrenage dont l’issue est hautement incertaine. Comme le rappelle Bertrand Badie dans le dernier numéro de Regards, les guerres désormais ne redessinent pas un nouvel ordre mais, partout, produisent le chaos : Afghanistan, Irak, Libye, Proche-Orient…
Le rappel du caractère expansionniste, ultra-réactionnaire et d’extrême droite du pouvoir russe ne justifie en rien que nous renoncions à notre combat pour le droit international, pour la paix.
Il faut travailler à reconstruire un cadre de négociations, propice à la démocratie et qui se détache des relations bilatérales « entre hommes ». Ce n’est pas à Emmanuel Macron ou Donald Trump de solutionner les conflits. Celui qui dure depuis bientôt quatre ans en Ukraine ne trouvera d’issue que si l’on parvient à apporter une réponse conforme aux principes essentiels, parfois contradictoires : respecter l’accord passé à la fin de l’URSS de ne pas installer l’OTAN aux portes de la Russie ; respecter les frontières internationales reconnues ; accorder aux peuples la libre disposition d’eux-mêmes. D’autres sujets seront débattus comme celui de l’accès de la Russie à la mer Noire. Mais voilà l’essentiel. Les bombes ne régleront rien. Il faut que la diplomatie collective s’en mêle. C’est la solidité de ces principes qui limitent les soutiens à la Russie.
Il importe donc de façon prioritaire de recrédibiliser les instances qui ont été mises en place pour cela : l’ONU, la Cour pénale internationale. Le double standard mine les possibilités de négociations. Les entorses aux décisions de la CPI aussi. Agir en raison et conformément à nos principes dessine un autre horizon pour la France que de nous préparer à la mort et au cataclysme.
🔴 PHOTO DU JOUR
Paris renoue avec l’hospitalité républicaine pour ministres fascistoïdes

Étrange séquence parisienne. Elisabetta Casellatti, ministre des réformes institutionnelles et de la simplification du gouvernement de Giorgia Meloni, a été reçue par Anne Hidalgo. Officiellement, il s’agissait d’échanger sur le fonctionnement des communes… Super. Mais enfin, la maire de Paris n’est pas le chef de l’État et peut choisir plus facilement qui elle invite ! Et cette Italienne n’est pas piquée des hannetons : militante anti-IVG revendiquée, elle a qualifié l’avortement « d’erreur très grave, qui flirte avec la culture de mort ». Bien sûr, elle est aussi une opposante farouche au mariage pour tous et aux droits des personnes LGBT. Bref, une incarnation assumée de l’extrême droite réactionnaire portée par le pouvoir post-fascisant de Rome. Mais ce n’est pas tout : dans la foulée, la ministre a aussi effectué une visite à l’Opéra de Paris, accueillie par son directeur général Alexander Neef. C’est franchement génial ! Avant même que l’extrême droite n’accède au pouvoir en France, on démontre déjà une chose : ici, on sait lui dérouler le tapis rouge. Mais vous me direz, ce n’est pas la première fois dans notre histoire… À bon entendeur : merde !
P.P.-V.
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« Les armes servent-elles à la paix ? » C’est la question très intéressante quoiqu’un tantinet naïve que se pose ce document d’Arte. Avec une réponse implacable : pour aller vers la paix, il faut vouloir la paix.
C’EST CADEAU 🎁🎁🎁
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