Les premiers ministres se succèdent et rejouent la même scène : tendre la main au RN

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La lettre du 29 septembre 📨

par Catherine Tricot

Le rythme auquel les premiers ministres se rapprochent du RN s’accélère. En pure perte pour leur maintien à Matignon mais pas sans conséquence politique.

Ce week-end, dans un grand entretien accordé au Parisien, Sébastien Lecornu ferme la porte à toutes les attentes de la gauche et des syndicats. Attend-il pour autant les bras ballants son sacrifice annoncé ? Comme ses prédécesseurs, il espère l’indulgence de Marine Le Pen. Une nouvelle fois, c’est vers lui que le pouvoir se tourne. 

On se souvient que ce fut le cas de ses prédécesseurs. « Menacé de censure, Michel Barnier cherche le compromis avec Marine Le Pen », titrait Le Monde le 29 novembre. Michel Barnier n’était plus qu’à quelques jours de sa chute comme premier premier ministre post-dissolution. Il promettait alors de diminuer « sensiblement » le « panier de soins » de l’aide médicale d’État. Il assurait que des mesures seraient prises « à court terme » pour « lutter » contre l’immigration illégale et pour la « maîtriser » de façon « très stricte ». Il annonçait également qu’un projet de loi serait présenté « au printemps » pour instaurer une dose de proportionnelle aux élections législatives. Le 3 décembre, Michel Barnier chute.

Nommé dans des conditions rocambolesques, François Bayrou avait pris les devants et tentait d’amadouer le RN dès sa prise de fonction. Le 27 janvier sur LCI, le second premier ministre post-dissolution reprend à son compte un élément de langage essentiel du RN. Et il assume. « François Bayrou maintient l’idée d’une ‘submersion’ migratoire », titre Le Monde le 28 janvier après que celui-ci a réitéré ses propos devant l’Assemblée nationale.

Le 30 mars il se déclare « troublé par l’énoncé du jugement » contre Marine Le Pen. Il ne ménage pas ses efforts pour parvenir à un accord sur la proportionnelle. Les appâts sont les mêmes. La suite aussi. François Bayrou chute. Ultime lâcheté, même après avoir perdu la confiance de l’Assemblée, François Bayrou prépare des décrets pour réduire l’AME. 

À peine nommé, Sébastien Lecornu devance l’appel. Avant même sa déclaration de politique générale, il vient d’accorder un long entretien au Parisien. Il ferme la porte à toutes les revendications sociales et attentes de la gauche. Ni taxe Zucman, ni retour de l’ISF, ni suspension ou abandon de la réforme des retraites. Rien sur les déremboursements de médicaments, les suppressions de postes de fonctionnaire. On passe d’un objectif de réduction du déficit de 4,6% jugé trop rapide à… 4,7% ! La gauche n’aura rien. Elle va censurer, évidemment.

En revanche, le RN n’est pas oublié. Une loi sera présentée contre la fraude sociale. Les agences de l’État sont mises en cause. Et bien entendu, lui aussi promet une restriction de l’AME. Se référant au rapport de Claude Evin (l’ancien ministre socialiste de la santé) et Patrick Stéfanini (le grand humaniste chef de la campagne de Fillon et Pécresse), il propose « des évolutions de certains critères ou une modernisation administrative pour lutter contre les fraudes. Il faut examiner cela dans le détail. »

À la question « Faut-il réformer l’exécution provisoire qui frappe d’inéligibilité Marine Le Pen ? », le premier ministre déclare : « Si une loi pose débat, il appartient au Parlement de s’en saisir ». C’est un « go » clair et net. 

Ces séquences sont répétitives :

  • étape 1 : faire croire qu’on s’ouvre à la gauche (sortie en tête de la dissolution de 2024). Emmanuel Macron et le premier ministre mettent en scène le suspense et l’ouverture. Objectif : faire porter aux socialistes la responsabilité du blocage.
  • étape 2 : céder au RN. Sur les immigrés, l’abaissement sera total – sur le fond et dans les mises en cause de l’AME. Et dans la foulée tout lâcher : sur la fraude sociale, sur l‘inéligibilité de marine Le Pen et sur une réforme du mode de scrutin qui lui soit plus favorable, participer au concert de déstabilisation de la justice.
  • étape 3 : le RN empoche son gain. Ce week-end, sur LCI pendant deux heures, Marine Le Pen a encore joui du suspens de la goutte d’eau. Elle annonce ne pas vouloir censurer a priori. Sébastien Lecornu devra en lâcher encore et encore et valider ainsi thèses et propositions du RN. Et à la fin, renforcé, le RN censurera. 

Effroyable et pathétique.

Catherine Tricot

🔴 RAOÛT DU JOUR

À Bram en Occitanie, le PS, Place Publique et les Écologistes se cherchent mais ne se trouvent pas

Carole Delga, présidente socialiste de la région Occitanie, avait convié ce samedi une tripotée de responsables politiques : Olivier Faure, premier secrétaire du PS, Raphaël Glucksmann, président de Place Publique, et Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes. Une partie de la gauche (sans LFI donc, mais aussi sans le PCF, l’Après, Génération⋅s, Debout !…) s’est donc retrouvée… mais pas vraiment réunie. Car si Glucksmann et Delga persistent à voir en Jean-Luc Mélenchon un obstacle électoral, Tondelier, elle, rappelle qu’à l’heure où l’extrême droite se muscle, l’union est une nécessité. Mais au fond, la rencontre avait surtout un objectif implicite : continuer d’installer la présidentiabilité de Raphaël Glucksmann. Une mission réussie pour certains : Lejournal.info, le média fondé par Laurent Joffrin, a été convaincu par sa prestation.

P.P.-V.

ON VOUS RECOMMANDE…


« J’ai remis trois valises d’argent libyen à Guéant et Sarkozy » – Ziad Takieddine. Un entretien, filmé en 2016. On y voit Ziad Takieddine, l’homme qui a introduit Nicolas Sarkozy auprès de Mouammar Kadhafi, avouer avoir apporté au ministère de l’intérieur, fin 2006 et début 2007, plusieurs valises d’argent liquide préparées par le régime libyen, pour un montant total de 5 millions d’euros.

C’EST CADEAU 🎁🎁🎁

Le 29 septembre 1969, était créée à Leningrad, la symphonie n°14 en sol mineur par Dimitri Chostakovitch. Dédiée à Benjamin Britten, elle consiste en onze poèmes de quatre auteurs différents – Garcia Lorca, Apollinaire, Küchelbecker et Rilke. Enjoy.

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