On ne déteste pas toujours les lundis

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La lettre du 8 septembre 📨

par Catherine Tricot

Ce lundi est tout à fait étrange : il flotte comme un moment suspendu avant le gros temps. Pourtant ce qui va se passer dans l’hémicycle est déjà connu ; la seule incertitude porte sur l’ampleur du désaveu que va subir le premier ministre et qui conduira inéluctablement à la chute du gouvernement. Mais ce lundi sera un jour de bascule.

Il ne s’agit pas d’un épisode de plus dans l’affaissement du pouvoir d’Emmanuel Macron. La différence, cette fois, est la conjonction entre l’impasse politique et les vives attentes et inquiétudes d’un peuple qui semble vouloir se faire entendre. On le croyait assommé par l’échec de la bataille contre les retraites, il a resurgi en juin et juillet 2024 en envoyant la Macronie dans les cordes. On le croyait désabusé et il a signé en masse, spontanément, la pétition pour refuser de tout sacrifier aux betteraviers. François Bayrou a eu beau asséner les pires prédictions pour le pays, têtu, ce peuple n’a pas voulu que deux jours de bonheur et de liberté lui soient retirés après avoir perdu deux années de retraite heureuse. Cet été, le rapport des sénateurs en a ajouté une couche : ainsi donc, 211 milliards sont déversés aux entreprises sans exigences quand le RSA ou les indemnités chômage sont liés à des efforts vérifiés avec scrupule. Le peuple se donne rendez-vous à lui-même, mercredi 10 et jeudi 18. Nul ne sait ni l’ampleur ni vraiment ce qu’il va se passer : cela aussi est le signe d’une profonde nouveauté d’où tout peut sortir.

Car il y a de l’insupportable dans cette situation si incroyablement inégalitaire et inquiétante. Et il y a de l’attente non pour de pauvres arrangements mais pour une autre politique. Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen l’ont bien perçu et, ce week-end, ils ont tonné et livré deux discours de candidat à la fonction présidentielle. 

Mordante, Marine le Pen a rappelé que François Bayrou avait voté tous les budgets depuis huit ans.  Il a cru acheter l’abstention des députés RN parce que, elle, Marine Le Pen, était inéligible ? Mais non, assurait-elle, elle ne mange pas de ce pain-là. Et elle annonce vouloir encore et toujours ses quatre mesures d’extrême droite : contre les aides aux étrangers, contre les agences de l’État, contre la fraude – pas question ici de l’optimisation fiscale, cette fraude légale en col blanc –, contre la contribution au budget européen. Forte d’intentions de vote très élevées, elle propose un débouché politique à la colère : son élection. Et elle demande donc le départ au plus vite de celui qui est la cause de la situation : le président.

À la braderie de Lille, devant un sobre fond de scène bleu-blanc-rouge, Jean-Luc Mélenchon a retrouvé ses accents de révolutionnaire français. Il a puisé dans l’histoire du pays les précédents qui donnent de la force et de la fierté avant la bagarre. Il a rassuré : non, la dette n’est pas un cataclysme, ne vous laissez pas impressionner. Moins précis que Marine Le Pen, il n’a pas détaillé un programme mais affirmé un projet : tout changer. Tous les mots n’étaient pas là : on n’entendit pas ce qu’il voulait faire avec cette Europe avilie. Mais ceux qui furent prononcés sonnaient juste, quand il affirmait que l’heure n’était pas au compte d’apothicaire, un milliard placé ici, un milliard déplacé là. Il a parlé de la France, du bonheur et du vivant. Mais il y avait un trou béant dans son discours : la politique. On fait comment pour écrire cette autre page ? Il a agoni et moqué ses partenaires, hier encore si chéris. Alors, lui et les insoumis, seuls, vont régler la question ? Qui peut le croire ?

On est prévenu : il faudra et il y aura un débouché politique à ce moment de rejet et de colère. Si la gauche n’est pas au rendez-vous… le RN, lui, est prêt.

Catherine Tricot

🔴 ANTI-BAYROU DU JOUR

La Chine s’offre deux jours fériés supplémentaires pour stimuler l’économie

Pendant que notre François Bayrou national propose de sauver la France avec une cure d’austérité et la suppression de deux jours fériés, les Chinois font un pari tout à fait différent : relancer l’économie en créant deux nouveaux jours fériés. L’argument est le suivant : quand on travaille, on ne dépense pas et c’est mauvais pour le tourisme intérieur et pour la consommation. Pékin instaure donc un nouveau jour férié pour le Nouvel an chinois (montant la période à cinq jours chômés !) et un second le 2 mai, histoire d’offrir un joli pont avec le 1er mai. « Au total, la Chine comptera 13 jours fériés annuels, dépassant ainsi les 11 jours accordés en France », apprend-on sur France Culture. Bref, travailler moins pour dépenser plus… Pas sûr que ça inspire nos Mozarts de la finance !

L.L.C.

ON VOUS RECOMMANDE…


« Fantôme utile », au cinéma depuis le 27 août. Vous avez déjà vu un homme faire l’amour avec son aspirateur ? Dans la fresque déjantée, surréaliste mais ultra politique, le réalisateur thaïlandais Ratchapoom Boonbunchachoke redonne vie aux massacrés de son pays, morts dans les poussières des usines, morts dans les démolitions des sculptures et des maisons, morts lors des rébellions étudiantes. C’est franchement drôle, inattendu et magnifique.

C’EST CADEAU 🎁🎁🎁

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2 commentaires

  1. Lucien Matron le 8 septembre 2025 à 12:41

    Le sort de Bayrou est réglé , pas celui de Macron qui reprend donc les rênes pour quelques jours, le temps de prendre la ou les décisions que lui seul est en capacité de prendre : nomination d’un nouveau premier ministre, dissolution et par conséquent nouvelles législatives, démission ou pleins pouvoirs. Lui seul le sait, et c’est inquiétant! Tour à tour, Jupiter, Maître des horloges, Mozart de la finance, Docteur es dissolution, ce président s’est trompé sur toute la ligne et il est toujours là. Pendant sa présidence, la dette s’est creusée, les inégalités et la pauvreté ont augmenté, le fonctionnement démocratique des institutions a régressé, l’image internationale de la France s’est dégradée dans les chiffres et dans les faits….Mais il est toujours là, insensible à la souffrance de la population, inflexible sur une son idéologie libérale, et à son impopularité croissante.
    Le Parti Socialiste se déclare prêt à gouverner, mais pour appliquer quelle politique ? Celle qui sera le fruit d’un compromis avec le bloc central et qui sera donc à peine différente, sur le fond, des politiques Castex, Borne, Barnier, Bayrou…Franchement, ce n’est pas très excitant avec le risque de se faire débarquer suite aux compromis qui ne seront que des compromissions.
    Le RN se dit prêt pour l’alternance : au vu des sondages, il peut y croire mais en aucun cas, il n’offrira une vraie solution pour la France : il reste le parti de trois R : Raciste, Réactionnaire, pro Riche…
    Au final, la proposition de LFI : destitution de Macron aurait le mérite de tout remettre à plat, puisque dans la Constitution actuelle, l’élection présidentielle prime sur toutes les autres. Mais LFI et JLM se sont tellement recroquevillés sur eux mêmes et sur une pseudo-révolution fantasmée, que personne d’autre ne demandera la destitution.
    Une seule inconnue, à ce jour, la mobilisation populaire des 10 et 18 septembre, qui pourrait influencer les décisions à prendre pour sortir de cette crise politique aux multiples causes.

  2. Florent le 9 septembre 2025 à 08:08

    Pourquoi ne pas avoir détaillé les propositions du RN faites par Jordan Bardella aux universités d’été du Medef comme alléger les normes européennes ou baisser les impôts de production à hauteur de 20 % ? Peut-être parce que ces propositions ajoutées à la non lutte contre la fraude fiscale, et très précises, le rangerait dans le même camp que Macron et ne permettraient plus de l’opposer à « l’imprécision » de JLM ?

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