Pedro Sanchez, la preuve par la gauche

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Le chef de l’exécutif espagnol n’a rien d’un gauchiste. Mais les circonstances de son accession au pouvoir et le contexte politique dans lequel il gouverne l’obligent : il est le dernier soc-dem à mener une action de gauche en Europe.

Dur dur d’être un dirigeant socialiste en Europe. D’autant plus dur quand on tient la barre à gauche – contrairement à tant de soc-dems du vieux continent. À l’heure où chaque pays semble chercher son Trump national, Pedro Sanchez sera-t-il le dernier à tenir tête aux vents de l’extrême droite ?

Qu’on se le dise, rien ne prédestinait Pedro Sanchez à être ce premier ministre de gauche. Lui qui a dirigé le PSOE (parti socialiste espagnol) de 2014 à 2017, avant d’être élu chef du gouvernement, avait toujours penché pour un socialisme « réaliste », bien plus à l’aise avec les libéraux qu’avec les communistes. Seulement, les circonstances ne lui ont pas laissé le choix.

Il y a d’abord le contexte politique national : son prédécesseur, Mariano Rajoy, avait mené une politique très à droite, entre cures d’austérité, crises économiques et politiques (on pense aux bulles immobilières et au mouvement des indignés), scandales de corruption et, pour finir, la crise catalane qui conduira à sa chute. L’Espagne entra alors dans une instabilité politique (cinq élections législatives en 2015 et 2023) et s’ouvrit une ère où le bipartisme n’était plus maître avec l’irruption des centristes (Ciudadanos), d’une nouvelle gauche radicale (Podemos) et de l’extrême droite (Vox).

Arrivé après ce marasme provoqué par la droite espagnole, ça vous force à prendre le contre-pied.

Mais le contexte n’explique pas le positionnement politique de l’action de Pedro Sanchez. Lors des élections de 2015 et 2016, son alliance avec les centristes de Ciudadanos (les macronistes espagnols) ne lui avait pas permis d’être investi à la présidence. Impossible de gouverner avec le centre, impossible de gouverner rien qu’entre socialistes, c’est finalement sur sa gauche que Pedro Sanchez se tourne, non sans grandes difficultés, pour former une coalition avec Podemos et les communistes. Nous sommes début 2020 et le premier défi sera de taille : le covid.

La suite de l’aventure est faite de pure politique. Pedro Sanchez n’a pas de majorité au parlement espagnol. Son gouvernement ne tient qu’à l’alliance massive de quasi tous les partis (neuf au total, régionalistes compris), exceptés la droite et l’extrême droite. Et malgré une hostilité et une radicalité croissante de cette opposition, l’exécutif avance : augmentation du salaire minimum, protection des droits des travailleurs, instauration d’une taxe sur les surprofits du secteur des géants du numérique, des banques et de l’énergie, amnistie des dirigeants catalans emprisonnés à Madrid depuis 2017.

Premier président du gouvernement à ne pas être issu du parlement, Pedro Sanchez ne fait rien comme les autres. Lors de sa cérémonie d’investiture, il ne prête serment que sur la constitution, pas sur la bible ni sans aucun artifice catholique. Et même après une déroute électorale impressionnante lors des municipales et régionales de 2023, le socialiste a du flair : il convoque des élections législatives anticipées et les gagne – toujours minoritaire, mais avec plus d’alliés que la droite minoritaire ! Et il continue : reconnaissance de l’État palestinien, dénonciation du « massacre à Gaza », refus de l’ordre de Donald Trump de monter ses dépenses militaires à 5% du PIB – l’Espagne finira par céder aux menaces douanières américaines –, régularisation de centaines de milliers de sans papiers…

Pour paraphraser Bertrand Badie, ce sont les sociétés qui font la politique et en Espagne, la société tire Pedro Sanchez à gauche. Les prochaines élections législatives doivent se tenir au plus tard en juillet 2027. Il se dit qu’avec l’accumulation des scandales au sein du PSOE, Pedro Sanchez est plus fragile que jamais. Quelque soit sa fin, il restera comme le soc-dem le plus radical d’Europe de sa génération… presque malgré lui ! Pedro Sanchez tient bon, mais jusqu’à quand le pourra-t-il ? L’avenir nous le dira. Il n’empêche que la gauche espagnole paraît être le dernier phare dans la nuit, ne basculant ni dans un libéralisme autoritaire, ni dans une xénophobie populiste. Juste de gauche. Debout face au fascisme.

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