LA LETTRE DU 15 MAI

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Bétharram : Bayrou ne démissionnera pas

par Pablo Pillaud-Vivien

Qu’une telle affaire ne pousse pas un premier ministre à la démission en dit long sur l’impasse de la Macronie.

Embrouillaminis, confusion et joute politique : pendant près de 5h30, François Bayrou a tenté de répondre aux questions incisives des députés réunis en commission d’enquête pour comprendre son rôle dans l’affaire Bétharram. Celui qui était sur le grill, c’était le premier ministre, l’ancien élu local, l’ancien président du conseil général, l’ancien ministre de l’éducation nationale. Ça, c’était ce que les deux co-rapporteurs, la macroniste Violette Spillebout et l’insoumis Paul Vannier, ainsi que la présidente socialiste Fatiha Keloua-Hachi, ont essayé de travailler. Mais François Bayrou a préféré répondre en tant que père de famille d’une autre époque, éludant ses responsabilités politiques. Cette stratégie creuse un fossé d’incompréhension dans lequel s’enlise le résidant de Matignon.

« Des méthodes un peu rudes » : voilà comment François Bayrou continue de qualifier les conditions « d’éducation » de l’établissement Bétharram, sous le prétexte que l’on était « en 1996 » et que l’époque n’était pas la même. Mais c’était déjà inacceptable… et identifié, par les parents qui y plaçaient leurs enfants pour ces méthodes d’un autre âge. L’incapacité du premier ministre à prendre de la hauteur pour expliquer son inaction face à ces exactions confine à la faute politique grave. C’est précisément ce que l’on attendait de lui hier : comprendre, expliquer pourquoi, durant ces longues années, il n’a rien vu, rien dit. La généralisation des responsabilités – « Nous sommes tous coupables » – ne permet pas de tracer une direction politique au confusément élaboré.

Le rôle de François Bayrou dans les horreurs révélées sur Bétharram n’est pas en tant qu’acteur des exactions. Évidemment. Il n’était pas entendu non plus là en tant que père de famille. C’est au titre de ses fonctions politiques passées et de son devoir de vérité devant les députés que le chef du gouvernement est interrogé. Sur ce dernier point, il est établi clairement qu’il a baratiné en prétendant dans l’hémicycle n’avoir rien su et reconnaitre aujourd’hui ne savoir que ce que la presse avait rendu public. Ses attaques à l’encontre de la professeure de mathématique qui a donné l’alerte ont provoqué un réel malaise : elles peuvent être qualifiées d’odieuses et d’hors de propos. Jamais son discours n’est revenu de façon étayée sur le système et sur les victimes. Des enfants et des adultes ont parlé, ont porté plainte mais n’ont pas été entendus ; ils entendent que cela change et que leur place, la première, revienne dans les réflexions. Déconstruire le système de violences des établissements catholiques est une nécessité à laquelle François Bayrou se dérobe.

Pourtant, le premier ministre ne court pas le risque imminent de se voir démissionné. Paradoxalement, la force de sa position institutionnelle actuelle réside dans sa faiblesse politique. La coalition à la tête de laquelle il a été placé ne sera pas remise en question par son audition malaisante. D’abord parce qu’aux yeux d’Emmanuel Macron, il n’y a pas d’alternative. Le président a rappelé, la veille sur TF1, sa confiance en François Bayrou qu’il « connaît depuis longtemps ». Un soutien d’« homme à homme ». En vérité, ce n’est pas la dextérité politique ou la justesse de son récit qui ont permis à François Bayrou de devenir premier ministre. Il est le fruit de circonstances qui rendent le pouvoir exécutif tellement faible que même l’absence de sincérité ou de compréhension de la société ne semble pas une raison suffisante pour coaliser assez de forces et le démettre. François Bayrou sur Bétharram est la preuve de la profondeur de l’impasse politique dans laquelle nous sommes enlisés. Devient d’une gravité extrême quand elle touche la morale et affecte la probité.

Pablo Pillaud-Vivien

CONTRE-ALYA DU JOUR

Quasi 40% des Israéliens envisagent de quitter le pays

C’est un des sujets les plus tabous pour les autorités israéliennes, qui s’efforcent de rendre les données difficiles d’accès : Israël, terre refuge pour le peuple juif, ferait fuir des juifs. C’est ce que rapporte un article du quotidien Haaretz : « Près de 60 000 Israéliens ont quitté le pays l’année dernière et ne sont pas revenus – c’est deux fois plus qu’en 2023 [ils n’étaient que 21 000 en 2020, ndlr]. 81% d’entre eux sont des jeunes et des familles, souvent âgés de 25 à 44 ans. Selon Ci Marketing, près de 40% des Israéliens envisagent de partir. » Des départs en hausse, des désirs d’exil en croissance. Les sondages le rapportent : les motivations sont la guerre, cela va de soi, et sa dérive meurtrière sans limite envers les Palestiniens – sans parler de l’incapacité du gouvernement d’assurer la sécurité de ses citoyens. Mais c’est aussi la défaillance du politique qui est fautive. L’extrême droite a emporté la bataille, au point que l’historique Likoud accepte de s’en faire un allié. La corruption gangrène le pouvoir, Benyamin Netanyahou est prêt à démanteler l’État de droit plutôt que d’assumer ses fautes devant la justice. Tant de raisons qui font que « la seule démocratie du Proche-Orient » ne fait plus rêver.

L.L.C.

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« Le PKK en Europe : lutte armée ou terrorisme ? », sur Arte. Quelques semaine après l’appel d’Abdullah Öcalan, fondateur du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) incarcéré depuis 1999 en Turquie, le PKK vient d’annoncer sa dissolution et la fin de la lutte armée. Arte, dans ce documentaire, revient sur cette histoire kurde, complexe, internationale, dont le bilan est lourd : plus de quatre décennies de lutte armée contre l’État turc et des dizaines de milliers de morts.

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