LA LETTRE DU 18 MARS

Darmanin veut réintroduire la torture blanche en France
40 ans après la suppression des quartiers de haute sécurité par le vénéré Robert Badinter, Gérald Darmanin et le gouvernement soutiennent une proposition de réintroduction de la torture blanche dans nos prisons. La honte absolue. Les graines du fascisme sont là.
Depuis ce lundi, une proposition de loi « visant à sortir la France du piège du narcotrafic » est examinée à l’Assemblée nationale. Le texte prévoit que les grands narcotrafiquants puissent être placés en situation d’isolement quasi-complète : pas de promenade collective, communications téléphoniques réduites au minimum, séparation physique lors des visites poussée à l’extrême : aucun contact avec un autre corps, fouilles à nu systématisées après tout contact avec l’extérieur, audition par visioconférence. Toute distraction est interdite, y compris la lecture. Toute formation est proscrite.
On appelle cela la torture blanche. Nulle trace corporelle, juste une atteinte irrémédiable à la personne alors même que la France est signataire des conventions internationales qui bannissent la torture. Notre pays va légiférer pour sa réintroduction à grande échelle : 700 narcotrafiquants sont visés à ce jour… avant un élargissement possible du périmètre de cette peine aux terroristes, aux prédateurs sexuels, etc.
Gérald Darmanin ne compte pas s’en tenir là : il a proposé, par voie d’amendements, de durcir encore la loi. Le ministre de la justice, en concurrence politique avec Bruno Retailleau, se fait fort de « créer quelque chose de révolutionnaire » en produisant la loi « la plus répressive d’Europe ». Ainsi, le régime d’isolement des prisonniers relèverait d’une décision du garde des sceaux, il ne serait plus limité à trois mois, mais porté à quatre ans renouvelable – et ce que le narcotrafiquant ait été condamné ou qu’il soit en attente de jugement (donc présumé innocent). Toutes ces dispositions ne relèvent plus de la sévérité mais de la décivilisation.
La lente évolution vers une prison en adéquation avec nos valeurs démocratique, c’est-à-dire tendant à la réduction de l’enfermement répressif, à préparer la réinsertion future et donc à l’humanisation des conditions de détention, est foulée au pied. La République installe en son sein des espaces qui bafouent ses principes fondamentaux.
En 1982, Robert Badinter avait fait fermer les quartiers de haute sécurité. Leur rétablissement est un danger pour la sécurité des Français. La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot l’annonce : on va construire des fabriques de fous. C’est ce qu’il va advenir des prisonniers à qui l’on veut supprimer tout ce qui fait d’eux des êtres humains. En un sens, la France se met au même niveau que les narcotrafiquants : pour leur crime, Gérald Darmanin réinvente le châtiment.
Honte à ceux qui, à l’instar des ministres de la justice et de l’intérieur, nous plongent dans les ténèbres d’un ordre punitif qui nous éloigne des droits de l’homme. Gérald Darmanin, une partie de la droite et toute l’extrême droite ne considèrent plus les criminels comme des humains à part entière. Qui pour défendre le statut d’être humain même aux narcotrafiquants ? Qui pour défendre le droit ? Qui pour défendre les libertés ? Pour le moment, les résistances sont molles. Porté par un populisme pathétique, le gouvernement entend piétiner le fragile édifice que le peuple français construisait depuis les Lumières. Au point de les éteindre ?
Pablo Pillaud-Vivien
LARGAGE DU JOUR
Boyard placé à l’isolement par les siens
La France insoumise n’est pas un parti comme les autres. Son style, son mode de gouvernance se veut à l’avant-garde éclairée – et se décline désormais à l’échelle locale. Louis Boyard vient d’en faire l’expérience à Villeneuve-Saint-Georges. Candidat malheureux à la municipalité le 2 février dernier, on apprend que cinq de ses colistiers-élus ont constitué un groupe… sans la tête de liste. Un retour à l’envoyeur après le parachutage de Louis Boyard ? Le député insoumis, désormais esseulé, fait mine auprès du média 94 Citoyens qu’il s’agit d’un non-événement : « C’est de la bureaucratie municipale mais cela ne change rien. Ce qui compte, ce sont les combats que l’on porte au conseil municipal et ce qu’il se passe sur le terrain […] Je n’ai pas été évincé de mon groupe, c’est factuellement faux car il n’y avait pas de groupe politique. » De la bureaucratie, créer un groupe d’opposition municipal ? Drôle de façon d’envisager la politique pour quelqu’un qui ambitionnait d’être maire. Après la défaite, le seum. Ça pue la Belgique chez Louis !
L.L.C.
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« La véritable histoire de la conquête française de l’Algérie », sur Mediapart. Dans son émission en libre accès, Mediapart revient avec Alain Ruscio, l’historien de la colonisation, sur la conquête de l’Algérie à partir de 1830 et ses litanies de massacre. Une histoire si mal connue qu’elle permet qu’on écarte un journaliste, Jean-Michel Apathie, pour en avoir parlé à l’antenne et qui tolère que des avenues, parcs et stations de métro desservant la banlieue aient le nom de ces militaires criminels.
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