Censurer le gouvernement : a-t-on encore le choix ?

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Dans un entretien accordé à France 5, Lionel Jospin a pris une nette position contre la censure du gouvernement. Faut-il le suivre ?

par Catherine Tricot

François Bayrou a donc décidé de ne pas soumettre le budget de l’État aux votes des députés. Ce lundi, il engagera la responsabilité de son gouvernement en utilisant l’article 49.3. Si aucune motion de censure n’est votée, le budget issu des arbitrages de la commission mixte paritaire (CMP), où droite et macronistes sont majoritaires, sera donc adopté. Mais, évidemment, dans la foulée, les insoumis et peut-être d’autres, déposeront une motion de censure. Faute d’avoir lié une non-censure à un calendrier de retour aux urnes les socialistes sont dans la nasse. Nous le suggérions dès le 17 décembre et le redisions dans le débrief de ce week-end. Les gauches sont soumis au chantage : non-censure ou chaos national. 

Sur France 5, Lionel Jospin a pesé de tout son poids : l’ancien premier ministre socialiste, qui a réuni dans son gouvernement toutes les composantes de la gauche – y compris Jean-Luc Mélenchon -, a pris fermement position en faveur de la non-censure. Certes, il ne reprend pas les fariboles des « progrès » et « promesses tenues » par François Bayrou qui rendraient le budget acceptable et justifieraient une non-censure. Il ne prédit pas non plus le désastre économique. Il ne fait pas de cette non-censure un acte de rupture avec La France Insoumise. Enfin, malgré l’insistance des journalistes, il ne considère pas que la censure s’impose en conséquence des propos du premier ministre sur la submersion migratoire. 

L’argument de Lionel Jospin est tout entier contenu dans une conviction : il faut un gouvernement pour la France, en particulier face à Donald Trump. S’appuyant sur son expérience au sommet de l’État, il plaide pour la stabilité. Anticipant les effets d’une censure, il met en garde : « Il se passerait que l’administration ne serait plus dirigée (…) Qui pourrait faire face au drame de Mayotte, qui chercherait la réconciliation en Nouvelle-Calédonie, qui assurerait (…) la sécurité ? Qui (…) lancerait enfin ce plan contre le narcotrafic ? Voter la censure aujourd’hui, effectivement, ne serait pas responsable. »

Lionel Jospin tient un discours de raison… qui contredit son scepticisme, voire son opposition à un gouvernement technique. Les sujets qu’il énumère ne sont pas sans importance, mais ils sont les rares à pouvoir faire l’objet d’un possible consensus national… si François Bayrou le veut bien et calme les radicalisés de son gouvernement. Ce sont peu ou prou les sujets sur lesquels pourrait plancher un gouvernement technique. Pour tout le reste, ce qui bloque notre pays, c’est l’absence de choix politiques clairs, décidés démocratiquement. On le voit dans les équilibres de ce budget. 

D’ores et déjà, les socialistes sont aux prises avec les accusations de l’extrême droite de vouloir que tout continue comme auparavant, de reconstituer l’UMPS. Le PS ne veut qu’une chose : gagner du temps pour éviter l’élection d’une majorité de députés RN ou de Marine Le Pen à l’Élysée. Juste inquiétude. Mais leur stratégie hésitante voire conciliante conduit, à leur corps défendant, à alimenter le RN. Ce qui domine aujourd’hui est le sens politique des actes. Celui d’une non-censure serait incompréhensible ou inacceptée.

Malicieux, Jospin suggère aux socialistes de laisser les macronistes gérer les finances publiques qu’ils ont si profondément détériorées. On peut aussi recommander aux socialistes de laisser les macronistes gérer les conséquences de l’impasse politique dont ils sont responsables à plusieurs titres. On ajoutera, pour conclure, que suivre Lionel Jospin serait renoncer à s’opposer, puisque ses arguments valent pour tout projet de loi passé au 49.3 en 2025, comme pour les budgets et lois en 2026 comme en 2027. 

Catherine Tricot

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