Température maximale au travail : l’urgence d’une loi

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Les canicules, qui sont de plus en plus nombreuses, mettent en danger les travailleurs. Pour Anthony Smith, responsable syndical au Ministère du travail, il faut modifier le cadre législatif pour mieux les protéger.

Les canicules du siècle illustrent à quel point les questions sociales et écologiques sont totalement imbriquées. Les effets du changement climatique au travail imposent notamment de repenser une règlementation protectrice des droits des travailleurs afin de permettre réellement « d’adapter le travail à l’homme » comme le prévoient les principes généraux de prévention (notamment ceux de l’article L.4121-2 du Code du travail).

Mais les morts de la chaleur au travail (12 décomptés en France durant la seule période caniculaire de l’été 2020) pèsent peu lorsqu’il s’agit de limiter un tant soit peu les excès de l’accumulation capitaliste. Aucune des exhortations à agir des organisations syndicales, dont récemment celles de la Confédération Européenne des Syndicats (CES) en direction de la Commission Européenne, n’auront eu, pour l’instant, d’effets – et encore moins en France.

Un vide législatif

Pourtant, en Europe (source Eurofond), 23 % des actifs sont exposés à des températures élevées durant au moins un quart de leur temps de travail et plus de 35% dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et de la construction.

Or, en France, la réglementation ne prévoit rien à l’exception de quelques dispositions du Code du travail sur le renouvellement de l’air (article R4222-1), la mise à disposition d’« eau potable et fraîche » (article R4225-2) ou l’aménagement « dans la mesure du possible » des postes de travail extérieurs (article R4225-1). Sur les chantiers du bâtiment, la mise à disposition d’un local ou d’aménagements de chantier (article R. 4534-142-1) et la fourniture d’au moins 3 litres d’eau par travailleur (article R. 4534-143) complètent ce dispositif minimaliste et malheureusement couramment absent sur le terrain.

Pourtant, les effets de la chaleur sur les risques d’accidents au travail sont connus, notamment parce qu’ils entrainent une baisse de la vigilance, une augmentation des temps de réaction, etc. Ces risques s’accroissent en fonction de la difficulté de la tâche à réaliser ou, par exemple, de la nécessité de porter des équipements de protection individuelle (masque, combinaison, etc.).

Prendre en considération le risque

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) évalue la température optimale au travail entre 16°C et 24°C en fonction de la nature des tâches réalisées. C’est bien pour ces raisons que l’Institut National de la Recherche Scientifique (INRS) estime que, « au-delà de 30°C pour une activité sédentaire, et de 28°C pour un travail nécessitant une activité physique, la chaleur peut constituer un risque pour les salariés. »

Evidemment, avant même d’atteindre ces températures, il appartient à l’employeur de prendre des mesures limitant l’exposition à la chaleur des travailleurs et avant tout des mesures collectives et organisationnelles (limitation du travail physique, salle de repos climatisée et/ou ventilée, augmentation de la fréquence des pauses, meilleure utilisation des dispositifs du code du travail comme l’activité partielle et, sur les chantiers du BTP, l’arrêt intempérie qui devraient d’ailleurs bénéficier à l’ensemble des travailleurs concernés sans perte de salaire etc.).

Mais il est nécessaire de compléter ces dispositions basées sur le volontarisme par une loi créant, pour ne prendre qu’une proposition, un dispositif d’arrêt immédiat de l’activité auquel il serait possible de recourir dans toutes les situations de travail -en entreprise ou sur un chantier- où l’employeur n’agirait pas, ou insuffisamment, pour protéger les travailleurs face à des températures dépassant les 28° C.

Vers un arrêt des activités professionnelles en cas de fortes chaleurs

Cette extension du champ de l’arrêt d’activité – qui existe déjà notamment en cas de risque de chute de hauteur dans le secteur du BTP ou en cas d’équipement de travail non-conforme – entrainerait le retrait, sans perte de salaire, des travailleurs de leur poste de travail dans l’attente de la mise en œuvre de mesures correctives efficaces par l’employeur ou d’une redescente des températures afin de supprimer ou de réduire l’exposition au risque.

Cet arrêt d’activité (qui devrait aussi s’appliquer par cohérence aux situations de grand froid) relèverait d’une décision administrative dont les Inspectrices et Inspecteurs du travail auraient la compétence exclusive, à la condition bien évidemment que leurs effectifs (actuellement 1.700 agents seulement pour plus de 20 millions de salariés) soient largement revus à la hausse pour leur permettre d’exercer cette prérogative.

Anthony Smith, responsable syndical au Ministère du travail

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