Bardella : mytho ou stratège ?
Retraites, TVA, impôts, voile… Le RN renie ses promesses de campagne, en pleine campagne ! Et vous pensez que c’est autre chose que de la stratégie politique ?
Les retournements de veste, le candidat d’extrême droite à Matignon commence à les accumuler. L’interdiction immédiate du voile dans l’espace public ? « Cela reste un objectif » … renvoyé à 2027. La suppression de la TVA sur les produits de première nécessité ? « Dans un second temps. » L’abrogation de la réforme des retraites ? « Nous verrons. » Dernier exemple : la suppression de l’impôt sur le revenu pour les moins de 30 ans qui a disparu des professions de foi du RN. Tant de renoncements que, comme l’a remarqué François Ruffin, « le site de campagne de Marine Le Pen pour la présidentielle 2022, http://mlafrance.fr, a été désactivé ».
Un candidat qui renie ses promesses, c’est monnaie courante en politique. Mais le faire avant l’élection, ça a quelque chose de cocasse, il faut bien le reconnaître. Les commentateurs, sur les réseaux comme dans les médias, s’en donnent à cœur-joie.
Et chacun baisse la garde.
Jordan Bardella n’est certainement pas le cerveau de l’extrême droite française. Dans cette affaire de promesses trahies d’avance, qui est l’imbécile : celui qui désigne la lune ou celui qui regarde le doigt ?
Écoutons comment le président du RN justifie son recul sur les retraites : « J’ai la lucidité de dire aux Français que la situation économique dont nous allons hériter – dans un pays qui pulvérise, sous Emmanuel Macron, les records de déficit et de dette – d’une situation économique qui sera compliquée. Par conséquent, nous serons amenés à faire des choix. […] On va devoir réparer les bêtises économiques qui ont été faites. […] Économiquement, moi, je suis raisonnable. »
« Raisonnable ». Ou tout l’inverse du programme économique du Nouveau Front Populaire, si l’on en croit ses détracteurs ultra-libéraux – le chef de l’État en tête de proue.
Avons-nous oublié le coup de la sortie de l’euro de Marine Le Pen ? L’abandon d’une telle proposition, parmi tant d’autres paramètres, lui a permis de passer 7,6 à 8,1 millions de voix entre les premiers tours des présidentielles de 2017 et 2022.
Il s’agit-là encore d’une étape dans la vaste opération de dédiabolisation de l’extrême droite française, entamée par Marine Le Pen. Ne pas effrayer les marchés, ne pas répudier un électorat de droite tout près du baiser de la mort. Une opération qu’il faut accélérer un brin depuis que le RN a réussi à pactiser avec Éric Ciotti : être compétent, ça passe par LR ? Il faut croire…
Jordan Bardella ne ment pas, il avance vers le pouvoir. Coûte que coûte. Car au fond, qu’est-ce qui peut le plus faire gagner le RN : l’abrogation de la réforme des retraites ou le « sérieux budgétaire » ?
Mais il ne faudrait pas non plus que le RN apparaisse auprès de son électorat comme un ramassis de traîtres. Sur ce terrain-là, Jordan Bardella peut compter sur l’aide de Gabriel Attal et de son camp, qui jouent un « en même temps » de moins en moins clair sur la ligne.
Quant au vocabulaire de l’équitation, pas sûr que ça soit une bonne chose pour faire moins bourgeois déconnecté des réalités des Français…
« Mais il ne faudrait pas non plus que le RN apparaisse auprès de son électorat comme un ramassis de traîtres. Sur ce terrain-là, Jordan Bardella peut compter sur l’aide de Gabriel Attal et de son camp, qui jouent un « en même temps » de moins en moins clair sur la ligne. »
N’oublions pas le « en même temps » du PS non plus…