Peltier rallie Zemmour : un non-événement au coeur d’une droite sans boussole
Un tremblement de terre dans un verre d’eau : le numéro 2 de LR, Guillaume Peltier, va chez Éric Zemmour. Un mélange d’opportunisme et d’incohérence qui définit parfaitement le personnage.
Guillaume Peltier. Tout le monde connaît le personnage pour une seule et unique raison : tout le monde le trouve insupportable. Surtout à droite. Après mûre réflexion sur ses chances d’avoir un poste au printemps 2022, le numéro 2 du parti Les Républicains a fait un choix terrible : il quitte son parti de toujours – enfin, depuis 2009 – pour rallier Éric Zemmour. « Je préfère le destin à la carrière », ose le bougre dans son communiqué de ralliement au candidat Zemmour. C’est peut-être la réaction de Marine Le Pen qui est la plus parlante : après un éclat de rire à entendre un journaliste lui demander ce qu’elle en pense, elle rétorque : « Là où Peltier passe, les campagnes trépassent. » La candidate du Rassemblement nationale aurait refusé que le bougre la rejoigne. Miskin.
LIRE AUSSI SUR REGARDS.FR
>> Pécresse 2022 : pourquoi elle pourrait l’emporter et comment elle va perdre
Il faut dire que Guillaume Peltier traîne une belle réputation : celle d’être est plus infidèle en politique que Manuel Valls, Aurore Bergé et François de Rugy réunis. Comme l’a mesuré Chez Pol, « en moyenne, Guillaume Peltier change de parti tous les 5 ans ». Tenez : rien qu’en 2020, il se disait en accord avec Robert Ménard (30 mai), chantait les louanges de Xavier Bertrand (5 juillet) et indiquait avoir voté pour Éric Ciotti au premier tour de la primaire LR (27 novembre) avant de, finalement, « soutenir Éric Zemmour […] au nom des 40% des adhérents LR qui ont voté comme moi pour Éric Ciotti ». Mais n’allez pas parler d’opportunisme avec lui : « C’est un peu facile, je quitte une candidate qui est en deuxième position », justifie-t-il dans une interview au site d’extrême droite Boulevard Voltaire. Comme si Valérie Pécresse comptait faire quelque chose de lui en cas de victoire à la présidentielle.
« J’ai pris la décision de soutenir le seul candidat de la droite, le seul candidat fidèle aux valeurs du RPR », explique celui qui se voit carrément télescopé porte-parole de la campagne du chouchou de Bolloré. Zemmour, candidat du RPR ? Autant dire que le brouillage des lignes est total. Au fond, cet énième changement de maillot de Guillaume Peltier n’est pas un événement. Il n’y a bien que Le Monde pour y voir une « première grosse prise de droite pour Éric Zemmour ». Car tout ceci n’est vraiment pas sérieux. N’est-ce pas ce même Peltier qui raillait les « puceaux de la politique » pour évoquer son nouvel amour ? N’est-ce pas Zemmour qui le qualifiait de « sous-Sarko » avec lequel « quand on rentre dans le dur, là il n’y a plus personne », voire même de « traître de comédie » ?
Peltier, un symptôme plus qu’un mal
Guillaume Peltier est un homme isolé, à la faible crédibilité. De par son parcours : d’abord au Front national, il rejoint le MNR de Mégret en 98, puis le Mouvement pour la France de Philippe de Villiers en 2000, avant de finir à l’UMP en 2009. Néanmoins, son mariage avec Éric Zemmour dit quelque chose d’une stratégie plus globale de la droite.
En 2012, Guillaume Peltier est nommé porte-parole de Nicolas Sarkozy. L’objectif du Président-sortant est clair : siphonner le FN et, pour ce faire, intégrer à l’UMP une frange de l’extrême droite. L’affaire aurait été impensable avant, quand l’UMP était encore un parti tourné vers le centre. « Quand Sarkozy ajoute à la version juppéiste de l’UMP – le néolibéralisme-européiste – le versant nationaliste-identitaire, pour récupérer les électeurs du FN, Peltier y a alors toute sa place », analyse l’historien Gilles Richard.
L’apparition de Zemmour dans le paysage de la droite marque la fin de l’affaire. Maintenant, la stratégie est celle de l’alliance entre LR et l’extrême droite – ce qu’a toujours voulu la droite hors les murs. Avec toutes les difficultés sous-jacentes.
La fin du sarkozysme ?
Si l’on pousse le bouchon de l’analyse un peu loin, on pourrait dire qu’en quelque sorte, Sarkozy 2012 a offert à Macron 2017 un espace : le centre. Sauf qu’aujourd’hui, toute cette équation devient le problème de… Pécresse 2022.
La candidate LR doit se démarquer de toute part : d’Emmanuel Macron, de Marine Le Pen et, par le fait des Ciotti/Peltier, d’Éric Zemmour. « Entre Ciotti et Peltier, il n’y a pas grandes différences, si ce n’est que Ciotti est malin, a du réseau et, in fine, a toujours été fidèle à son parti. Alors que Peltier est tellement insupportable qu’il ne doit pas avoir beaucoup d’amis », constate Gilles Richard. La présidente de l’Île-de-France a visiblement opté, malgré son propre positionnement et sa propre histoire politique, pour la stratégie Ciotti : la seule différence entre LR et l’extrême droite, c’est que LR peut gouverner. Le reste, c’est du décor.
Mais faut-il y voir pour autant le début de la fin du sarkozysme chez LR ? « Non, rétorque Gilles Richard. Il reste des gros poissons tendance nationale : Ciotti, Wauquiez ou encore Julien Aubert (marié à Sarah Boualem, petite-fille du bachaga Boualem, figure de l’OAS). Et surtout, 40% des adhérents ont voté Ciotti plutôt que Pécresse ! » Et c’est Ciotti qui reste, et Peltier qui part. En fait, Valérie Pécresse voit les choses se clarifier devant elle, sans forcer : les poids-lourds ne peuvent pas partir car ils savent que la candidate LR a plus de chances de l’emporter en avril que le candidat CNews. Quant aux poids-morts, qu’ils aillent flotter ailleurs !