Quand l’exécutif s’entête, le législatif et le peuple finissent par l’emporter

Louis XVI, Charles X, MacMahon : tous ont cru pouvoir régner contre l’Assemblée et sans le peuple, tous ont fini balayés. Emmanuel Macron s’imagine différent. Mais en s’entêtant à gouverner sans majorité, en méprisant le parlement et la société, il répète la même erreur. Et comme ses prédécesseurs, il a déjà perdu.
L’histoire française n’est pas linéaire, mais elle est riche d’enseignements : la plupart du temps, lorsque l’exécutif s’entête face à la représentation nationale, ce sont le parlement et le peuple qui, ensemble, finissent par l’emporter. Mais cette victoire n’est jamais acquise d’avance, ni l’œuvre du seul parlement : elle se joue toujours dans l’articulation avec la société, la rue, les foules. De Louis XVI à MacMahon, en passant par Charles X, l’exécutif s’est brisé sur le roc de la souveraineté populaire. Emmanuel Macron, qui s’obstine à gouverner sans majorité et contre l’opinion, n’échappera sans doute pas à cette règle. À vrai dire, il a déjà perdu – et depuis longtemps.
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En 1789, Louis XVI croit encore incarner l’autorité suprême. Il convoque les États généraux en espérant les contrôler, mais se retrouve débordé. L’Assemblée nationale se proclame détentrice de la souveraineté et ne pliera plus. En 1830, Charles X, incapable de domestiquer la Chambre par la dissolution, choisit de la contourner par les ordonnances de Juillet. Mais la rue se soulève : trois jours de révolution suffisent à l’envoyer en exil. En 1877, le royaliste MacMahon dissout à son tour la Chambre républicaine pour reprendre la main. Mais la manœuvre échoue : aux urnes, les électeurs reconduisent massivement les députés hostiles, et, dans la rue, l’agitation populaire, les manifestations et les mobilisations républicaines font pression sur le pouvoir. Acculé, le maréchal-président doit capituler.
Il existe une contre-épreuve : le 2 décembre 1851. Louis-Napoléon Bonaparte, incapable d’obtenir de l’Assemblée le droit de se représenter, choisit le coup d’État. L’Assemblée est dissoute, la République enterrée – et la rue, cette fois, écrasée dans le sang. La leçon est sévère : quand le législatif ne peut s’appuyer sur la foule, l’exécutif peut encore l’emporter, par excès d’autoritarisme.
Or voilà qu’aujourd’hui, François Bayrou, nommé à Matignon par Emmanuel Macron, demande un vote de confiance le 8 septembre prochain. Et il risque fort de le perdre. Car contrairement à ce que rabâche la propagande présidentielle, l’Assemblée nationale n’est pas paralysée. L’automne dernier en a donné la preuve éclatante : que n’a-t-on entendu sur les « blocages », les « divisions » supposées entre groupes politiques ? Et pourtant, les députés étaient parvenus à se mettre d’accord sur un budget. Ce budget aurait dû passer. La seule raison pour laquelle il n’a pas été adopté, c’est que Michel Barnier – et donc Emmanuel Macron – a choisi de le saborder. Non pas parce que l’Assemblée n’était pas capable de travailler, mais parce que le président refusait de lui reconnaître ce pouvoir. Cette obstination est un aveuglement. Comme ses prédécesseurs malheureux, Emmanuel Macron s’accroche à une verticalité illusoire, persuadé qu’elle suffira à gouverner. Mais un président sans majorité, qui refuse d’admettre que le parlement peut et doit exercer sa fonction, et qui gouverne contre l’opinion, n’est déjà plus qu’un président désarmé.