Michel Barnier : moi ou le chaos ?
Tombera, tombera pas le gouvernement ? Réponse en fin de journée. Cela laisse encore quelques heures pour agiter des épouvantails.
Face au 49.3 du gouvernement Barnier sur le projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS), une motion de censure déposée par les groupes de députés du NFP pourrait être adoptée ce mercredi 4 décembre avec le vote du RN.
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La menace d’être rendu responsable du chaos (que la carte vitale et l’État ne fonctionnent plus, que le pays soit menacé de faillite …) n’a pas suffi (voir notre décryptage ici).
Si Marine le Pen a pris ce risque, c’est sans doute parce qu’elle juge que cela ne remet pas en cause sa recherche de respectabilité auprès des électeurs, auprès du patronat et du capital, le petit et le grand, celui de la production et celui de la finance.
Jean-Luc Mélenchon a renvoyé d’un revers la question du chaos : « Personne, a-t-il dit, ne sera privé de quoi que ce soit si ce budget n’est pas voté. Au contraire, en barrant la route à ce projet, ce sont de nouvelles privations qui vont être évitées, de nouveaux privilèges qui seront refusés, de nouvelles spoliations sur les retraites qui seront empêchées. La majorité, l’immense majorité des Français a tout à gagner au rejet de ce budget. »
Effectivement, il n’y aura pas de panne généralisée de l’État et de la Sécurité sociale. Et il faut tout faire pour empêcher les toujours mauvais PLFSS et projets de budget de Michel Barnier d’être adoptés. Pour autant, les conséquences immédiates de la démission du gouvernement et du rejet du budget ne seront pas toutes positives, y compris pour les couches populaires. Mais elles sont toutes évitables.
Pas de budget, so what ?
Cela mérite donc quelques précisions. Faute de quoi, c’est le NFP et toutes ses composantes, qui porteront le chapeau de dégâts dont ils ne seraient pas, en fait, responsables.
Le rejet du PLFSS peut poser rapidement un problème : l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss) doit faire face à ses besoins de trésorerie en empruntant sur les marchés financiers. Les limites de ces emprunts sont fixées par la loi de finances de la Sécurité sociale. Il était prévu qu’elles soient relevées de 45 à 65 milliards d’euros. Faute de PLFSS votée avant début janvier, une loi votée en urgence par le Parlement ou un décret peut et doit impérativement donner cette autorisation. Qui prendrait la responsabilité de le refuser serait le seul responsable du chaos.
L’absence de loi au 1er janvier créera également des incertitudes sur l’évolution des tarifications pour les hôpitaux et pour les différents professionnels de santé. Mais pour ceux-ci la date d’évolution est en général en avril et pour ceux-là une loi ou un décret peut fixer une règle provisoire.
S’agissant du budget proprement dit, s’il n’est pas adopté avant le 21 décembre, il n’y aura pas de blocage automatique. Une loi peut autoriser à prélever les impôts et reprendre les crédits de l’État inscrits dans le budget 2024. Les dépenses, y compris celles pour les personnels, seraient gelées à leur niveau de 2024. Pas vraiment un plus par rapport au projet de budget du gouvernement Barnier. Et les barèmes d’imposition sur le revenu ne seraient pas relevés à hauteur de l’inflation. 400 000 Français qui ne sont aujourd’hui pas soumis à l’impôt sur le revenu y entreront mécaniquement. Et l’impôt sur le revenu s’alourdira mécaniquement pour les autres. En fait, la déclaration de revenus pour 2024 sera effectuée au printemps 2025 comme chaque année. Les pénalisations du fait de l’application provisoire des tranches seront corrigées et remboursées en fonction du budget finalement voté.
Le risque du chaos ne vient pas du rejet des budgets Barnier et de la censure du gouvernement. Il sera par contre maximum si cela n’entraîne aucun changement de leurs contenus.