Mayotte : le jeu dangereux de Bayrou
Sur l’archipel, le premier ministre relance le débat sur le droit du sol. Inopérant pour soulager Mayotte et désastreux pour la République.
François Bayrou est enfin parvenu à Mayotte. Il en profite pour distiller deux affirmations lourdes de conséquences. « Quiconque prétendrait qu’il n’y a pas de problème d’immigration brûlant à Mayotte est irresponsable », a-t-il commencé par déclarer. Dans la foulée, il est revenu sur une proposition faite par lui en 2007 de supprimer le droit du sol à Mayotte et en Guyane.
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Tout son temps devrait se concentrer sur l’urgence du moment, le drame des bidonvilles qu’il ne visite pas, le désarroi et le découragement des populations qui se sentent abandonnées par la République. Il pourrait se dire que, pour bâtir des solutions concrètes, le devoir de l’État est de rassurer et d’apaiser : il choisit au contraire d’attiser les braises.
En abordant brutalement la question des migrations, il exacerbe le conflit déjà lourd avec les Comores voisines. En mettant en cause d’emblée le droit du sol, il fait un nouveau geste du côté de la droite extrême. Ce droit universel en France est déjà bien écorné à Mayotte par la loi sur l’asile et l’immigration de 2018 – en enfant né à Mayotte de parent étrangers ne peut acquérir la nationalité française que s’il démontre que l’un de ses parents était légalement sur le territoire national depuis au moins trois mois lors de sa naissance. Cela ne suffit pas et le propos de François Bayrou résonne explicitement avec celui de Bruno Retailleau, qui déclarait, au lendemain même du cyclone tragique, qu’il faudra « légiférer pour qu’à Mayotte, comme partout sur le territoire national, la France reprenne le contrôle de son immigration ».
Le chef du gouvernement fait les yeux doux à un électorat mahorais séduit massivement par le Rassemblement national. Il fait un clin d’œil appuyé à une extrême droite parlementaire qui peut empêcher son inéluctable censure.
« Comme partout sur le territoire national »… Alors que les phénomènes migratoires vont s’amplifier dans les décennies à venir, alors que s’impose à l’échelle planétaire la nécessité d’un traitement concerté et humain, alors qu’il s’agit d’abord d’accueillir et d’insérer, c’est la clôture que le gouvernement met à l’ordre du jour. Que chacun reste chez soi et que l’on préserve un entre-soi garanti par la naissance et la filiation : connaissez-vous plus irresponsable qu’une telle politique ?
Le chef du gouvernement fait les yeux doux à un électorat mahorais séduit massivement par le Rassemblement national. Il fait un clin d’œil appuyé à une extrême droite parlementaire qui peut empêcher son inéluctable censure. Ce faisant, il enferme la solution mahoraise dans le cadre strict de l’île. Or, quelles que soient les tensions diplomatiques avec les Comores, il n’y a pas d’avenir pensable pour Mayotte en dehors de l’archipel comorien. S’il faut avancer, ce n’est pas dans une logique de clôture et de tensions régionales, mais au contraire de fluidité partagée et donc assumée.
François Bayrou joue un jeu inefficace et dangereux à Mayotte même. Au-delà, il légitime un peu plus la pression exercée par le Rassemblement national. Et il ouvre en grand la boîte de Pandore. Au prétexte des « caractéristiques et contraintes particulières » reconnues aux territoires ultramarins, il enfonce un clou supplémentaire dans la conception historique du droit du sol.
Quand les Comores ont voté pour leur indépendance seul Mayotte a souhaité rester français, la France a ignoré le fait que l’archipel formait un tout culturel et historique et que les comoriens ont l’habitude depuis toujours de passer d’une ile à l’autre. Maintenant on paye le fait d’avoir créé une frontière artificielle qui coupe en deux un même peuple.
Faux! Les habitants n’ont pas voté pour rester dans le giron français, Tout a été fait par le gouvernement de l’époque pour que mayotte reste française, non pas par soucis des habitants dont la plupart ont voté sans même savoir lire – et on peut même soupçconner de la fraude electorale – (ça marche aussi dans les soi disantes démocraties je crois bien, les exemples sont légion), mais pour garder un « porte avion » dans l’océan indien bien pratique pour les militaires…..cette propagande est fausse car le référendum a été faussé lui aussi, (on a l’habitude depuis 2005 non ??)
Et puis indien vaut mieux que deux tu l’auras !!
C’est même plus que cela. Le référendum différencié de 1974 a été consciemment organisé par les autorités françaises en toute connaissance. On savait que s’en suivrait une immigration sauvage et que le chaos s’installerait dans l’archipel des Comores. Le réflexe colonialiste qui a mené a cette décision n’a jamais été sérieusement questionné.
Monsieur Martinelli,
Je tiens votre papier pour parfaitement clairvoyant à ceci près : « Une logique de fluidité partagée et donc assumée » – qu’il faudra nécessairement associer à des infrastructures et à un niveau de vie décent – est financièrement totalement hors de portée de l’État français pour une île économiquement et culturellement, disons le en souriant jaune, assez éloignée de la start-up nation. Dit autrement : « une logique de fluidité partagée » pour quel projet économiquement viable ? Et avec quelles volontés locales et démocratiques (donc RN à cette heure) ? Et accessoirement avec quelle eau ?
La situation de Mayotte doit être abordée d’un point de vue plus globale et historique. Qui sont les métropolitains « Mahorais ». Il sont d’abord des colons qui viennent s’installer pour un projet de vie. Ensuite, arrivent les représentants de l’Etat : administration, armée, personnel de santé et d’éducation. Enfin quelques entrepreneurs aventuriers et quelques retraités fantasmant sur une vie exotique plus agréable… A cela s’ajoutent les conditions octroyées par l’Etat à ces migrants métropolitains : promotions plus rapides, sursalaire, défiscalisation, etc…Tout ces gens là, ne pensent leur proximité locale qu’en maintenant une distance à la population locale. Les préjugés et les stéréotypes renforcent leur propension à penser qu’il seraient les seuls détenteurs d’un pouvoir économique, financier et culturel.
Les « métropolitains » bénéficient de conditions favorables alors que la majorité de la population subit les frustrations du chômage, de l’emploi non pérenne, de la pauvreté et des injustices. Dans ces conditions, la moindre crise, et le cyclone en est une, attise les rancoeurs et rend plus visible la situation réelle du territoire. Par ailleurs, le fait que l’Etat n’a jamais considéré que l’archipel des Comores ( y compris Mayotte) formait un tout culturel et économique, a créé un fossé avec les populations voisines. Enfin, les résultats des élections affirment une progression du Rassemblement National ( avec une taux d’abstention de plus de 50%, voire plus de 60%). Les discours des ministres Bayrou, Retailleau, Valls, Borne ( quand elle ne tourne pas les talons) portent sur l’humanitaire d’urgence, ce qui est la moindre des choses, mais donnent surtout des gages de nature sécuritaire voire ethniques aux électeurs du RN. Les discours sont effectivement désastreux : il ne s’agit pas de soulager l’émotion mais bel et bien des savoir si les revendications légitimes sociales, économiques et culturelles seront satisfaites…
La question de la « reconstruction » de Mayotte, ne peut pas se résoudre sans explication d’un contexte global et historique. Qui sont les métropolitains installés à Mayotte comme dans les autres territoires ultramarins? Historiquement, les premiers métropolitains sont des colons qui migrent pour des projets de vie aux motivations diverses. Ensuite, la seconde vague correspond à la représentation de l’Etat : administration, armée, police, personnels de santé et d’éducation. Enfin, une partie de ces métropolitains sont des entrepreneurs un peu aventuriers ou quelques individus fantasmant sur une fin de vie exotique et supposée plus agréable.
Tout ce petit monde est encouragé par des dispositifs d’Etat avantageux : promotion plus rapide, sur rémunération, défiscalisation etc…Pour autant la proximité locale qui devrait être la règle ne se réalise qu’à distance de la population îlienne et dans l’entre soi. Ce constat engendre inévitablement des inégalités, des rancœurs et des frustrations. En période de crise, et les conséquences du cyclone en sont une, les tensions sont exacerbées. Si l’on ajoute, le fait que l’Etat n’a jamais pris en considération que l’archipel des Comores formait un ensemble socio-culturel homogène, il n’est pas étonnant que la fracture de cet archipel ( suite au référendum et à la départementalisation) s’ajoute aux considérations précédentes.
Dans ce contexte, les discours désastreux de Macron, Bayrou, Retailleau, Valls ou Borne ( quand elle ne tourne pas les talons) ne peuvent pas susciter un élan et une adhésion susceptibles d’ouvrir un chemin acceptable pour tous. Ce n’est pas en donnant davantage de gages aux électeurs du Rassemblement National, majoritaires chez les métropolitains mahorais, sur les questions de sécurité et de migration que les revendications légitimes sur le social, le travail, l’égalité de traitement, les questions de santé seront satisfaites.