Le NFP doit gouverner seul, seul le NFP peut gouverner

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Tout accord avec le parti présidentiel signifierait l’acceptation d’une défaite idéologique profonde.

Le Nouveau Front populaire, c’est-à-dire la gauche, est le premier groupe à l’Assemblée nationale depuis dimanche. Mais 182 députés sur 577, ça ne fait pas la rue Michel. Rajoutez à cela qu’ils sont jusqu’à présent infoutus d’accorder leurs violons sur un candidat commun pour Matignon et vous comprendrez pourquoi le président de la République a beau jeu de maintenir Attal et de ne pas nommer un nouveau Premier ministre issu des rangs de la gauche.

D’autant que la droite a eu, en trois jours, le temps de construire un argumentaire : la France et son Assemblée nationale sont majoritairement à droite (en incluant l’extrême droite), donc son gouvernement doit l’être. Sauf que les LR le savent : cette alliance qui réunirait 236 députés ( si tous s’y rallient…. ce qui n’est gagné ni chez les LR ni dans la branche « gauche » de la macronie) ne pourrait éviter la censure.

Pour une part importante des LR, comme Laurent Wauquiez- toute compromission avec le parti présidentiel en déconfiture ne signifierait une défaite idéologique profonde. Pour Les Républicains qui cherchent depuis 10 ans une façon d’exister entre le centre macroniste et l’extrême droite, s’acoquiner avec les premiers comme avec les seconds, serait acter leur effacement.

En vérité, il n’y a qu’une issue possible à la situation actuelle – mais dont personne ne veut aujourd’hui : le NFP forme un gouvernement (car ce sont eux qui sont arrivés en tête aux législatives) et force la main aux macronistes afin qu’ils ne participent pas à le faire tomber pendant un an. Après, il faudra aller chercher des majorités texte par texte, budget compris, comme au Parlement européen.

Disons-le tout de suite : ce n’est pas une position agréable. Pis : elle risque de créer frustrations et désillusions. Certes, le NFP peut se targuer d’être assis sur des dynamiques sociales profondes et sur une société civile organisée. Mais institutionnellement, il reste très fragile. C’est d’ailleurs le paradoxe du moment pour la gauche : elle ne peut abandonner l’ambition de prendre le pouvoir sous peine d’apparaître comme un gauchisme strictement oppositionnelle tout en ne pouvant l’accepter dans les conditions actuelles de représentation au Parlement. 

Enfin, il est un danger qu’il ne faut négliger : on entend beaucoup parler en ce moment de reparlementarisation de notre vie politique, parallèle à sa déprésidentialisation. Mais ne nous voilons pas la face : l’enjeu du moment, c’est de réancrer la politique dans la société, de la sortir des lieux du pouvoir parisien. Tout ne peut se résumer à des accords entre chefs, à des coups de fils du soir ou à des réunions de cadres. La démocratie, pour qu’elle soit vivante, doit passer à la fois par la vie des gens, elle se fait sur leur lieu de travail et autour d’enjeux locaux qui donnent à voir le monde différemment. Se contenter d’envisager de grands programmes pour la France, aussi intéressants et pertinents soient-ils, est nécessairement une impasse car la politique doit d’abord être une expérience de chacun pour que tous nous puissions envisager de vivre ensemble.

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13 commentaires

  1. Magnus le 10 juillet 2024 à 14:22

    Hm intéressant. J’avoue ne pas connaître suffisamment le fonctionnement des institutions pour savoir à quel point c’est possible d’avancer ainsi.

    Mais disons : d’accord, j’ai un peu l’impression que Hollande est décidé de voir la chute de Macron et son parti.

    Du coup je n’exclus pas qu’il pourrait être partant pour ce que Pablo envisage.

    Après, qui peut savoir ce que Macron pourrait faire ? Ne serait-il pas susceptible d’annoncer sa démission et provoquer des nouvelles présidentielles plutôt que donner cet occasion au nfp ?

    Macron me paraît quand même assez mégalomane.

    Puis reste l’inconnu de ce qu’envisage Hollande pour les années à venir…

    La Ve connaît les fortes têtes.

    Cela dit, pour le long terme, le terrain est peut-être fertile pour lfi et sa sixième république…

    On verra bien quel spectacle que la Ve va nous offrir le temps qui vient – et ce que cela pourrait donner en termes d’arriver à une nouvelle république.

    • Magnus le 10 juillet 2024 à 15:02

      A mon avis il faut faire basculer suffisamment de macronistes pour rendre possible une vraie majorité. Peut-être plus probable, sais pas, mais néanmoins pas très probable non plus.

      Il y a des personnes qui s’extasient « ah maintenant il faut faire en france comme en ailleurs, l’allemagne par exemple ». Ben aucune raison d’euphorie à mon avis.

      1) l’évolution politique en allemagne est carrément inquiétante.

      2) en france il y a la Ve. Non, on ne se trouve pas tout d’un coup en allemagne.

      Bref, c’est une situation inédite, il n’y a aucun parallèle à faire avec un autre pays européen.

      Du coup c’est sans doute bien de se préparer à toutes sortes de scénario, aussi que Macron démissionne et qu’il y aurait des nouvelles présidentielles.

  2. Frédéric Normand le 10 juillet 2024 à 14:58

    Un scénario séduisant mais dont la mise en oeuvre est improbable. Le NFP a bien fonctionné en tant qu’outil pour se répartir des sièges et pour limiter ceux du RN, c’était son but. Sa capacité opérationnelle s’arrête là : le volet économique de son programme relève à lui seul de l’amateurisme, de l’incompétence, sans parler des autres. Il ne peut être appliqué. Le NFP tiendra-t-il même la route en tant que force d’opposition ?

    • HLB le 11 juillet 2024 à 02:06

      Parce que vous trouvez que le programme des macronistes et de LR (les mêmes !) est brillant ? En fait, il se résume à prolonger ce qui existe depuis 40 ans: le libéralisme à tout crin. Quand on voit le résultat, sur le plan humain, social ou environnemental, ça devrait inciter tous ces donneurs de leçons permanents à un peu plus de modestie! D’ailleurs, ils ont été sanctionnés électoralement, pour l’ensemble de leur œuvre. Si la Macronie limite la casse, à cause du « front républicain », elle perd un tiers de ses sièges (environ 160 contre 250). Et LR+ divers droite passent de 70 à 60. Qu’ils s’estiment déjà heureux, j’espérais de plus lourdes pertes dans leur camp !!
      Quand au supposé amateurisme du programme du NFP, il est chiffré point par point. Taxer les superprofits de la grande distribution et des pétroliers, ceux qui ont sciemment et artificiellement fait grimper les prix, à leur seul profit égoïste, ferait de bonnes recettes pour les caisses. Par ailleurs, ce serait un juste retour des choses et une simple mesure de justice et d’équité.
      Si on y ajoute le retour de l’ISF et l’instauration de la TTF, même à un taux de 0,30 %, les sommes récupérées se chiffrent en centaines de milliards.
      Sans parler de la réduction/suppression du CICE, qui coute « un pognon de dingue » à l’Etat (40 milliards d’euro/an), sans avoir permis la création de beaucoup de vrais emplois, ça augmenterait les marges. Pour vous faire plaisir, on peut ajouter la chasse à mener sans faiblesse contre la fraude fiscale , plusieurs dizaines, voire centaines de milliards/an.

      Je continue ?

      Mais le libéral que vous êtes refuse ces solutions de justice fiscale. Le credo des libéraux, leur religion même, étant, depuis toujours: « jamais les 1% d’hyper-riches tu ne taxeras », « sur la masse des pauvres tu t’acharneras ». Plutôt que de reconnaitre qu’il n’y a aucune raison pour que les riches soient systématiquement exonérés de toute contribution à l’effort national, vous invoquez un prétendu amateurisme de propositions antilibérales, pourtant justes, équilibrées…. et chiffrées.
      Les vrais assistés de l’Etat sont ces profiteurs de crise, toujours à pleurnicher des fonds publics, et à ne jamais rien donner en retour !
      Si la « compétence » était dans votre camp, la France n’en serait pas là, puisque les libéraux ont, et ont toujours eu, tous les leviers économiques et financiers à leur botte. En plus des média.
      Alors, un peu de retenue, et moins d’arrogance, les groupies Macron/LR !

      • Frédéric Normand le 11 juillet 2024 à 11:16

        Non je ne trouve pas. Je ne suis la groupie de personne, ce qui semble nous différencier. Et je suis autant que vous soucieux de justice fiscale, comme de toutes les autres formes de justice. Il y en a beaucoup. Pointer la démagogie du programme du NFP ce n’est pas approuver les autres. C’est plutôt de votre côté que sont l’arrogance et le mépris, typique de la gauche et de l’extrême-gauche. Le programme économique du RN, qui d’ailleurs ressemble à celui du NFP, n’est pas non plus équilibré, en moins délirant toutefois. Quant au macronisme, avec ses 1000 milliards de surcroît de dette, il ne peut présenter un bilan économique sain.

        Vous proposez de les ausculter en remontant 40 ans dans le passé, soit depuis 1984. Pourquoi ne pas remonter à 1981, date de l’accession des socialistes au pouvoir ? Ce qu’ils firent à l’époque, sur le plan économique, fut calamiteux, et ils durent d’eux-mêmes, après deux ans de gabegie, changer leur politique. La sanction électorale suivit aux élections de 1986.

        Le libéralisme ‘à tous crins’ comme vous dites n’a jamais été le credo de l’Etat. Sous des gouvernements de gauche comme de droite, l’Etat a joué un rôle important, directif, distributif, avec une fiscalité et des prélèvements obligatoires parmi les plus lourds des pays démocratiques. Voir dans l’entreprise le mal absolu, qu’on ne peut éradiquer qu’en l’étatisant, est un point de départ de la pensée politique dont l’aboutissement a donné les résultats que l’on sait. Je continue ? Non, ouvrez l’histoire.

        Vous parlez comme quelqu’un qui n’a jamais été au pouvoir et promet des lendemains qui chantent. Pour rester au plus près de nous, c’était le cas de l’union de la gauche, entre 1972 et 1981. L’heure de vérité fut celle où les Français durent payer la facture, en 1984 justement. Mais vous y voyez le point de départ de l’ère des mauvaises fortunes.

        Vous parlez comme quelqu’un qui ne sera jamais au pouvoir. Cette situation a priori ingrate permet tout de même de tracer des perspectives mirobolantes. On peut même y exercer sans limite son éloquence. Verba non res. C’est une facilité à laquelle vos amis politiques ne résistent pas, peu exposés qu’ils sont au risque d’être confrontés à l’application de leurs idées : un gouvernement NFP, celui que Mélenchon appelle de ses vœux, serait immédiatement censuré.

        Redescendez sur terre, vous m’y retrouverez. On constatera alors que vous en tenez pour une politique de la demande et moi pour une politique de l’offre. Vieux débat. Le peuple pourrait utilement le trancher, mais les dernières élections montrent qu’il ne l’a pas vraiment fait.

        • Magnus le 11 juillet 2024 à 13:19

          « Redescendez sur terre, vous m’y retrouverez. »

          Vous confondez le capitalisme et la terre, alors que les deux sont opposés.



  3. Michel Davesnes le 11 juillet 2024 à 09:27

    « COLLABO DU JOUR ». J’aime bien le surtitre de votre brève au sujet d’Édouard Philippe qui trinque avec le RN. Mais quand Fabien Roussel, entre les 2 tours des législatives, échange avec Darmanin et Véran à propos d’une coalition sans LFI, vous appelez ça comment ? Au fait, vous n’avez encore rien dit sur cette affaire. Vous n’avez pas d’opinion ?
    Pablo doit être au courant vu comment ça réagit sur sa chaîne :
    https://www.bfmtv.com/politique/la-france-insoumise/je-pense-que-fabien-roussel-fait-une-erreur-tragique-alma-dufour-lfi-reagit-aux-propos-enregistres-de-fabien-roussel-affirmant-qu-il-souhaite-faire-sans-les-insoumis-a-l-assemblee_VN-202407090778.html

    • Magnus le 11 juillet 2024 à 13:16

      En effet, on aurait pu espérer un peu plus d’indépendance de la part de Regards…

  4. Lucien Matron le 11 juillet 2024 à 16:23

    Le Nouveau Front Populaire est en mesure de gouverner, c’est le groupe parlementaire le plus nombreux. Le président doit accepter d’une part la défaite de son groupe parlementaire qui est une coalition ( Renaissance, Modem, Horizons, Ensemble et quelques autres) pour un total de 168 députés . Il est tout à fait possible de nommer un premier ministre du NFP qui est également une coalition ( communistes, insoumis, écologistes , socialistes et quelques autres) pour un total de 182 députés . La droite autour de LR comprenant 64 députés et l’extrémisme droite comptabilise un total de 143 députés ( 126 RN et 17 ciottistes).
    Il appartient à la société civile, aux corps intermédiaires et au monde associatif, à toutes celles et ceux qui ont répondu à l’appel du Front Républicain pour faire barrage réussi à l’extrême droite, de s’exprimer pour rendre cette hypothèse réalisable. Le corps électoral a clairement exprimé un double sentiment : il veut un changement de politique et il rejette l’extrême droite. 10 millions ont voté RN, mais 20 millions ont dit non à Le Pen Bardella..Macron atteint des sommets d’impopularité et sa politique de casse sociale est majoritairement rejetée . Reste donc à s’engager avec le NFP, des majorités de projet peuvent se réaliser à l’Assemblée . Par exemple, qui voterait contre une augmentation du SMIC ? Qui voterait contre une mise à niveau des moyens humains dans les hôpitaux, les écoles et les services publics ? Qui voterait contre une réforme fiscale plus juste ? Chiche.

    • Frédéric Normand le 11 juillet 2024 à 16:48

      Ne confondez pas bloc et groupe. Le NFP n’est pas un groupe parlementaire. C’est un bloc constitué pour aller à la bataille électorale, contre les deux autres blocs. Aucun n’a gagné. Revendiquer la victoire est une fanfaronade. L’équilibre des groupes, non des blocs, déterminera le résuktat des négociations pour former une majorité. N’allez pas trop vite en besogne. Les groupes seront définis le 18 juillet. On passera alors aux choses sérieuses. Un peu de patience.

  5. Lucien Matron le 11 juillet 2024 à 17:55

    Vous avez raison sur la notion de groupe parlementaire, mais a force de jouer sur les mots, vous oubliez l’essentiel : la volonté populaire exprimée dans les votes. Premièrement, un rejet massif de l’extrême droite ( défaite admise par Jordan Bardella), deuxièmement, un rejet massif de la politique gouvernementale, perte d’un tiers des sièges de la macronie ( et sans le désistement républicain , la défaite aurait été cinglante). Si on admet ce constat, que reste t’il ? Les groupes parlementaires du bloc Nouveau Front Populaire constituent la force principale de l’Assemblée Nationale. C’est un constat.

    • Frédéric Normand le 11 juillet 2024 à 20:53

      Bien sûr qu’il faut tenir compte de la volonté populaire. Elle s’exprime par les votes et se traduit par les sièges. Que nous disent les votes ? un rejet du RN et un rejet de LFI. Les français sont modérés, dans leur grande majorité. Les extrémistes sont cantonnés aux marges, bien que dans le cas du RN, une marge à dix millions de voix, ça commence à faire beaucoup. Mais enfin c’est clair, il y a eu un rejet.

      Les votes, ainsi que les sièges montrent que la droite domine. Le centre de gravité de l’Assemblée nationale s’est déplacé encore plus à droite. Certes arithmétiquement le NFP est le groupe le plus nombreux, mais il ne serait pas politique de former un gouvernement NFP homogène. Il faut s’allier, or personne ou presque ne veut travailler avec LFI. Donc impasse. Maintenant il est souhaitable que le premier ministre vienne de quelque part. Le faire venir de la société civile n’est possible qu’à titre temporaire, en attendant cette clarification tant espérée mais qui ne sera pas là avant, au mieux, un an.

      Ce délai permettra-t-il aux forces de droite de faire le choix de l’union, comme l’ont fait les forces de gauche ? Il y aura alors une majorité à l’Assemblée nationale et le clivage droite/gauche sera redevenu l’axe princeps de politique, tel qu’il doit être en démocratie. Nous verrons.

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