La stratégie de contournement de Barnier peut-elle réussir ?
Le premier ministre construit son plan pour contourner la division à l’Assemblée nationale et son absence de majorité même relative. Pas sûr que cela soit suffisant.
Prenant le contre-pied de celui qui décidait de tout depuis sept ans, à savoir Emmanuel Macron, le nouveau premier ministre tente une nouvelle méthode : s’appuyer sur des forces et des dynamiques extraparlementaires, c’est-à-dire les corps intermédiaires et les collectivités territoriales. Une stratégie assez logique pour celui qui ne peut compter sur une Assemblée nationale globalement hostile (seuls les 47 députés LR se sont levés pour applaudir son discours de politique générale).
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Abandon de la réforme de l’assurance-chômage, aménagement de la réforme des retraites, revalorisation du Smic de 2% : même si ce n’est pas grand chose, cela donne à voir la recherche d’une direction nouvelle. « Il m’a écoutée poliment, il a pris des notes. Le premier changement notable est qu’il a annoncé vouloir rouvrir la question de la réforme des retraites alors qu’Emmanuel Macron ne voulait pas en entendre parler », s’est ainsi félicité la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet dans Le Parisien. Même son de cloche du côté du Medef dont le président Patrick Martin a semblé plutôt ouvert aux propositions de Michel Barnier, se sentant même « prêt à discuter » des conditions d’une hausse d’impôts des entreprises.
Avec neuf ministres issus des rangs du Sénat, ce gouvernement compte aussi prendre appui sur une autre force : les collectivités territoriales que la chambre haute est censée représenter. Même si l’actuel président de la République avait tenté à plusieurs reprises de leur faire les yeux doux, le sentiment de mépris à l’égard de ce maillon essentiel de la démocratie est aigu. Cette recherche d’appui chez les maires, les conseillers généraux et leurs collègues régionaux n’est guère étonnant puisqu’il s’agit d’un des espaces où la droite est la mieux implantée.
Une question demeure : cela sera-t-il suffisant pour influer sur le cours des choses au Palais Bourbon et l’inévitable censure qui pend au nez du gouvernement ? Rien n’est moins sûr. D’abord parce qu’afficher une volonté de dialogue n’est pas toujours synonyme de véritable co-construction et que l’orientation austéritaire du budget risque de réveiller les forces sociales : l’objectif de 60 milliards d’économies promet de terribles coupes dans des services publics qui mériteraient à l’inverse de nouveaux investissements. Idem des collectivités que la Cour des comptes vient de pointer du doigt. Pas certain que cela rassérène les élus locaux qui se débattent avec des compétences croissantes. La stratégie de contournement de Michel Barnier peut-elle réussir ? Pas sûr : les yeux doux aux syndicats et aux collectivités locales risquent de faire long feu auprès des députés de gauche et d’extrême droite qui trouvent ailleurs leur logique et leur légitimité.